Pas trop fort pour ne pas perturber le travailleur, pas trop faible pour rester audible, le niveau sonore des alarmes en milieu professionnel doit couvrir le bruit ambiant sans l’assourdir. Où placer le curseur ? Faute de consensus dans la littérature, l’INRS s’est saisie de l’IA générative pour sortir de l’ornière. Avec des résultats prometteurs.
En quête du volume parfait. « La conception des alarmes sonores est un vrai enjeu en termes de risques professionnels, notamment pour la prévention des accidents du travail », rappelle Patrick Chevret, responsable du laboratoire acoustique au travail de l'INRS, qui a présenté le 10 février l'une des études menées actuellement par l'institut sur le bruit* au sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle (IA) organisé par le ministère du travail.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
D’un côté, une alarme peu audible peut entraîner un risque de collision sur un chantier par exemple (environnement bruyant, casques anti-bruit). De l’autre, une alarme dont le volume est trop élevé peut provoquer un accident, « si la personne fait un geste déplacé, surprise par l’alarme ». Même enjeu dans un bloc opératoire, où se chevauchent un « tas d’alarmes correspondant à un indicateur de fréquence cardiaque, de saturation d’oxygène, etc. », illustre Patrick Chevret, et dans lequel le chirurgien doit être averti, sans être brusqué.
« Comment concevoir une alarme qui soit suffisamment audible et pas trop forte ? », résume le préventeur. Une question simple dont la réponse ne l’est pas. « Lorsque l’on consulte la littérature scientifique et l’ensemble des normes qui existent sur le sujet, on se rend compte qu’il n’y a pas vraiment de consensus, notamment sur la façon de régler le niveau sonore de l’alarme par rapport au bruit de fond », révèle-t-il. La faute notamment à un ensemble de variables important (fréquences, signatures temporelles, niveaux sonores, récurrences, tâches effectuées par le salarié, etc.), qui « interagissent toutes au niveau du cerveau du salarié qui est en train de travailler ».
Aujourd’hui, la quête du niveau sonore optimal des alarmes se poursuit en laboratoire. « Nous faisons écouter à un certain nombre de sujets, différentes alarmes à différents niveaux sonores par rapport au bruit de fond, rapporte Patrick Chevret. Et nous leur demandons d’évaluer leurs audibilités. » Problème : ces approches sont gourmandes en temps et en personnel. « Elle sont limitées à un type d’alarme, à un type de bruit de fond et nécessitent un nombre de sujets très important », poursuit-il.

Des difficultés que l’IA permet de contourner… au prix d’une « base de signaux importante et diversifiée ». « Avec l’approche deep learning, nous avons besoin de peu de sujets, explique le chercheur. Mais nous sommes obligés d’avoir énormément d’échantillons sonores. » Un moindre mal tant l’IA permet « un gain de temps considérable par rapport au test traditionnel », selon lui, et donne accès à des informations « que l’on ne peut pas avoir avec les méthodes traditionnelles ».
Dans le détail, les chercheurs de l’INRS ont nourri « un réseau de neurones [artificiel] avec des images temps/fréquence, qui représentent l’énergie du motif, à savoir l’occurrence de l’alarme dans son bruit de fond, en fonction du temps et de la fréquence », explique Patrick Chevret. Une fois rassasiée de ces « images auditives » (voir ci-dessous), la machine peut fournir « la probabilité de percevoir une alarme de manière clairement audible en fonction de son niveau sonore par rapport au bruit de fond ».
Exemples des « images auditives » décrites par Patrick Chevret. Elles représentent des alarmes tonales, multi-tonales, répétitives et/ou intermittentes.

En clair, grâce à l’IA, les chercheurs se sont par exemple rendu compte que le niveau sonore optimal d’une alarme correspondant à la fréquence cardiaque dans un bloc opératoire – dont les occurrences sont destinées à être perçues une fois sur deux par le chirurgien (probabilité de 50 %) – était situé à 5 décibels en dessous du bruit de fond. « Ce n’est pas du tout ce qui se fait aujourd’hui dans les salles d’opérations, appuie le préventeur. Les alarmes de ce type sont plutôt situées à 10 décibels au-dessus du bruit de fond. Donc, vous imaginez un peu l’apport de ce résultat en termes de fatigue cognitive pour le personnel hospitalier ? »
En définissant le niveau d’une alarme par rapport au bruit de fond avec l’IA, l’INRS s’apprête à « apporter des éléments nouveaux au niveau des normes » et entend « rassurer les employeurs et les salariés en entreprise », explique Patrick Chevret. L’IA permettra aussi, selon lui, de « désigner des alarmes sonores, en niveau et en fréquence » et de « faire en sorte que ces alarmes sonores s'adaptent automatiquement en fonction du bruit ambiant ».
Si les travaux de l’INRS se bornent aujourd’hui principalement à des situations mettant en scène des salariés normo-entendants, le préventeur assure que la démarche « peut être relativement facilement étendue aux cas des salariés qui portent des protections auditives et des salariés malentendants et équipés d'aides auditives ».
* Patrick Chevret a notamment vulgarisé la thèse de doctorat « Perception des alarmes dans le bruit : développement de méthodes d'évaluation de l'audibilité ressentie » soutenue par le chercheur François Effa publiée en juillet 2024, et encadrée par Jean-Pierre Arz du département ingéniérie des équipements de travail de l'INRS. Patrick Chevret travaille actuellement sur une étude de la fatigue cognitive des salariés malentendants appareillés dans les bureaux ouverts.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.