HCFiPS : la "dimension préventive" des politiques de santé au travail doit être renforcée

HCFiPS : la "dimension préventive" des politiques de santé au travail doit être renforcée

11.02.2025

HSE

Dans un rapport dense, le Haut conseil du financement de la protection sociale s'intéresse particulièrement aux politiques de prévention en santé au travail. Pêle-mêle, il recommande une refonte de la branche AT-MP avec un meilleur "pilotage du risque", d'œuvrer à produire des données de sinistralité plus fiables, ou encore de s'inspirer de la charte sociale des Jeux olympiques pour réduire la sous-traitance en cascade via les marchés publics.

"Bien concevoir les politiques de protection sociale, c'est penser des stratégies mutuellement avantageuses : la politique de santé au travail s'inscrit pleinement dans cette logique", écrit le HCFIPS, haut conseil du financement de la protection sociale, dans un rapport pour "mieux concilier production et redistribution", rendu public le 6 février 2025. Sur les 57 recommandations issues d'un travail mené à la demande de l’ex-première ministre Élisabeth Borne en juin 2023, pas moins de 23 concernent très directement la santé au travail. L'instance estime que "la dimension préventive des politiques sociales doit être renforcée, tout particulièrement dans le domaine de la sécurité, de la santé et de la qualité de vie au travail".  

Comme Charlotte Parmentier Lecocq en son temps, le HCFiPS déplore une "approche de la santé au travail [...] fragmentée, avec de très nombreux intervenants". Il appelle à "engager une rénovation de la branche 'accidents du travail'", en allant "au-delà de ce que les partenaires sociaux ont réfléchi dans le cadre de l'ANI" (accord national interprofessionnel) du 16 mai 2023. Il faut réfléchir à intégrer les indépendants et les fonctionnaires, renforcer le rôle de "pilotage du risque" de la branche AT-MP et l'amener à dépasser une "simple approche technique".  

Data, anxiolytiques et accidents bénins

C'est aussi un point qui revient régulièrement dans différents rapports : en santé au travail, difficile d'avoir des données fiables et correctement agrégées, "même si la Dares s'efforce de combler ces lacunes", souligne au passage le HCFiPS. Impossible par exemple de savoir exactement combien de personnes meurent chaque année d'un accident du travail – un manque que dénonce depuis des années Matthieu Lépine.

 

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Comme le note la Cour des comptes, "à la différence des employeurs privés, les employeurs publics ne sont pas tenus aujourd'hui de déclarer les accidents à la CNRACL". Selon elle, toujours dans son rapport de 2022, seuls 24 % des employeurs de la fonction publique hospitalière et 48 % des employeurs de la fonction publique territoriale déclarent les AT-MP dans Prorisq, l’application mise à disposition par la CNRACL.  

Le haut conseil recommande donc "d'améliorer l'acquisition des données d'AT-MP dans la fonction publique" et d'avoir la capacité de "disposer d'une vision consolidée (secteur public – secteur privé) de la sinistralité du secteur des personnes âgées" (secteur à la sinistralité particulièrement élevée). Pour lui, il faudrait aussi pouvoir se comparer au niveau international, "en comparant les tendances et non les niveaux" et en se dotant, au niveau européen, "d'une base de comparaison sur les maladies professionnelles".

 

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Au-delà des données de sinistralité, le rapport suggère de prendre en compte des signaux plus faibles, comme une prescription importante d'anxiolytiques, qui peut être le symptôme de risques psychosociaux. Il recommande carrément, "dans le respect du secret médical", de "fournir aux entreprises leurs données d'arrêt (maladie et IJ), éventuellement croisées avec des analyses sur les prescriptions de médicaments, pour faciliter l'accompagnement par les préventeurs".  

Sans développer, le HCFiPS préconise aussi de "faire remonter les accidents bénins en ce qu'ils peuvent constituer un élément prédictif de risques ultérieurs plus importants".  

Dépasser l'outillage 

Le rapport s'attaque aux acteurs de la prévention. Soulignant une bonne pratique venue de la Carsat Aquitaine dans le secteur du médico-social, il rappelle la nécessité de ne pas s'arrêter "aux approches techniques, axées sur l'outillage", mais de prendre en compte "les dimensions organisationnelles et managériales". Pour cela, il faut "repenser la formation et le métier des préventeurs, en les spécialisant par secteur, avec une approche globale de l'entreprise".  

"Cela suppose aussi également que les Carsat agissent en 'assembleur de compétences'", surtout dans le médico-social, en lien avec les agences régionales de santé. Dans ce secteur, les financeurs doivent inciter au développement des démarches de prévention, main dans la main avec les "structures paritaires dédiées du secteur". Plus globalement, le HCFiPS trouve qu'il faut davantage se préoccuper des risques psychosociaux, et met en avant les formations de secourisme en santé mentale.

 

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JO, sous-traitance et marchés publics 

Le document, publié le 6 février, a dû inspirer le cabinet d'Astrid Panosyan-Bouvet à la veille de son intervention au Cnoct. Le haut conseil loue "la charte sociale Paris 2024" et veut que les pouvoirs publics s'appuient dessus "pour voir comment limiter les niveaux de sous-traitance et rendre ainsi plus aisé l’exercice du devoir de vigilance". Il appelle à "agir fermement sur les zones de risque [...] en maîtrisant mieux les sur-risques liés à l’intérim et à la micro-entreprise, en responsabilisant davantage les entreprises donneuses d’ordre, notamment en cas de sous-traitance en cascade".  

Il recommande aussi de "capitaliser sur la démarche mise en place pour les Jeux olympiques, notamment pour les grands chantiers, pour placer la prévention au cœur du processus". Le prochain plan national pour les achats durables devra, pense-t-il, prévoir des "clauses relatives aux conditions de travail pour les marchés mobilisant des entreprises de main d’œuvre". Les marchés publics sont "encore trop orientés sur la compression des coûts, ce qui peut se faire aux dépens de la santé au travail". 

 

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HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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