Le projet de loi travail veut réorganiser les suites d'une inaptitude. Qu'elle soit d'origine professionnelle ou non, l'employeur aurait les mêmes obligations ; les deux régimes aujourd'hui en vigueur seraient harmonisés. Deux nouveaux motifs de licenciement sont prévus.
La déclaration d'inaptitude déboucherait "dans environ 95 % cas" sur un licenciement, et en 2013, 63 700 salariés inaptes et licenciés auraient ainsi toqué chez Pôle emploi. Des constats avancés par le ministère du Travail dans son étude d'impact du projet de loi travail. Le nouveau texte prévoit donc, à l'article 44, de revoir les conséquences de l'inaptitude sur le contrat de travail et le reclassement du salarié. Aujourd'hui, le droit de l'inaptitude "s'est construit comme un droit protecteur du salarié et a donné lieu à la reconnaissance par le législateur, renforcée par la jurisprudence, d’une véritable obligation de recherche de reclassement", souligne le gouvernement.
Deux régimes juridiques tissent actuellement les liens entre inaptitude, reclassement et licenciement : le régime AT-MP (accident du travail et maladie professionnelle) et le régime non AT-MP, dans les deux cas à l'issue d'un arrêt de travail. Les articles L.1226-2 à L.1226-5 du code du travail organisent les suites d'une inaptitude due à une maladie ou un accident non professionnel ; quand les articles L.1226-10 à L.1226-22 s'occupent de l'inaptitude consécutive à un AT-MP. Le projet de loi porté par Myriam El Khomri vise une harmonisation de ces deux régimes. Plutôt en s'alignant sur celui, plus protecteur, de l'AT-MP pour la recherche de reclassement. Mais en facilitant ensuite – "dans un objectif de sécurisation des parties" – le licenciement du salarié inapte.
Voici ce que prévoit le projet de loi tel qu'adopté en conseil des ministres le 24 mars 2016, suite à une inaptitude empêchant un salarié de reprendre son "poste" (et non plus son "emploi", comme l'écrit pour l'instant le code du travail). Et ce quelle qu'en soit la cause, et sans qu'elle fasse désormais nécessairement suite à un arrêt de travail.
► L'employeur devra proposer au salarié déclaré inapte un autre poste "approprié à ses capacités".
Pas de modification à part l'idée de "poste" au lieu d'"emploi". |
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► L'employeur devra prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail, et recueillir l'avis des délégués du personnel.
La prise en compte des conclusions du médecin du travail est déjà prévue. En revanche, les délégués du personnel ne donnent aujourd'hui leur avis que pour une inaptitude AT-MP. |
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► Le médecin du travail devra, pour les entreprises d'au moins 50 salariés, indiquer la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
Cette obligation est aujourd'hui réservée au régime AT-MP. |
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► Le "poste" proposé devra être "aussi comparable que possible à celui précédemment occupé", avec la mise en œuvre si besoin de mesures "d’aménagement, d’adaptation ou de transformation de postes existants, ou d’aménagement du temps de travail".
Par rapport à aujourd'hui, la "mutation" n'est plus mentionnée. Quant à la référence à l’aménagement du temps de travail, actuellement prévue dans la loi, elle a été réintroduite dans la seconde version du projet de loi, mais ne figurait pas dans le premier projet du gouvernement. |
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La loi Rebsamen promulguée l'été dernier a posé un premier jalon pour faciliter la rupture du contrat de travail avec le salarié inapte : dans le régime AT-MP, l'employeur n'est plus soumis à l'obligation de reclassement "si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé" (article L. 1226-12 du code du travail) (voir notre article). Mais la formulation est jugée ambigüe et laisserait planer un nouveau risque de contentieux (voir notre article).
La loi, selon le projet déposé par le gouvernement et qui est ces jours-ci entre les mains des députés, listerait deux nouveaux motifs de rupture du contrat de travail du salarié inapte. Tous motifs seraient désormais identiques, là encore, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non. Y compris pour les salariés en CDD.
L'employeur pourra ainsi licencier un salarié inapte, en justifiant le motif, dans quatre cas.
► Parce qu'il ne peut lui proposer un poste en suivant les indications du médecin du travail.
C'est déjà le cas aujourd'hui. |
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► Parce que le salarié refuse le poste proposé en bonne et due forme.
C'est déjà le cas aujourd'hui. |
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► Parce que l'avis du médecin du travail écrit que "tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé".
C'est possible depuis la loi Rebsamen, mais uniquement pour les inaptitudes AT-MP. Ce serait donc étendu aux inaptitudes d'origine non professionnelle, et celles concernant les salariés en CDD. |
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► Parce que l'avis du médecin du travail écrit que "l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise".
C'est nouveau. |
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Dans un souci de sécurisation juridique des employeurs, même si cela semble redondant, il serait ajouté que, si l'employeur propose "dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, un poste prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail", son obligation de reclassement est "réputée satisfaite".
Tout ceci devrait "limiter les situations de blocage et les contentieux", plaide l'étude d'impact. Mais pour la CFDT, la nouvelle rédaction "entraîne une diminution importante des obligations de l’employeur en matière de reclassement, va à l’encontre des travaux du Coct (conseil d'orientation des conditions de travail)". Les deux syndicats réformistes que sont la CFDT et la CFTC estiment que limiter l'obligation de reclassement à une seule proposition de poste est trop hâtif pour favoriser le maintien en emploi. La CFDT demande ainsi, en plus du retour à une "notion d'emploi et non de poste", que soit supprimée la présomption de respect de l'obligation de reclassement si l'employeur ne propose qu'un seul poste. Du côté du gouvernement, on mise sur les autres mesures comprises dans cet article 44, qui réorganisent le suivi médical (voir notre article), pour permettre l'"intervention préventive" du médecin du travail "le plus en amont possible de la déclaration d'inaptitude, qui n'intervient plus qu'en dernier ressort, quand toutes les autres possibilités ont été explorées".
Un employeur ou un salarié qui souhaiterait contester des éléments de nature médicale dans les avis, indications ou propositions du médecin du travail, pourrait saisir directement le conseil des prud'hommes – qui statuerait alors en référé – pour demander la désignation d'un médecin-expert. Actuellement, ces contestations relèvent de la compétence de l'inspecteur du travail. "Cela semble aller dans le bon sens, dès lors que la voie de recours devant l’inspecteur du travail semblait inadaptée", puisqu'il fallait que l'inspecteur du travail "sollicite l’avis du médecin du travail en chef, alors même que certaines régions en sont dépourvues, et que le médecin chef a pu intervenir en amont sur le dossier contesté", commente la CFDT. Mais l'organisation salariale demande "quelques précisions" : savoir qui paiera cette expertise, et que l'expertise ne s'arrête pas à l'état de santé du salarié, mais fasse aussi le lien avec sa capacité à occuper un poste dans l'entreprise. |
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