Pour ancrer la culture sécurité dans le groupe Suez, Soizic Machado Verheye est repartie de la base avec un travail de fond sur les risques majeurs. Elle s'appuie sur le côté émotionnel et remet la liberté de parole et la culture juste au centre de la démarche HSE, tout en impliquant l'ensemble de la ligne managériale.
Soizic Machado Verheye : Quand j’ai pris la direction santé sécurité, j'avais fait une bonne partie de ma carrière dans la partie sécurité de Suez. Donc je savais ce qui marchait bien et ce qui marchait moins bien. Je savais que nous avions besoin de reposer des bases de connaissance de nos risques majeurs car on était arrivé à un stade où il y avait beaucoup de choses qui avaient été menées sur la partie culture juste, approche positive (NDLR : l'approche positive consiste à féliciter les gens qui font des choses positives en sécurité et à dire bravo pour ancrer la pratique), mais je voyais bien qu'il y avait des fondamentaux qui n’étaient plus toujours bien ancrés dans la tête des gens. Donc en arrivant, j'ai décidé de revenir sur les fondamentaux de la sécurité, redire où sont nos risques majeurs pour qu'il y ait une vraie conscience des risques, car on continuait à avoir des accidents graves et mortels. Actuellement, nous n’avons pas eu d'accident mortel depuis plus d'un an. Le dernier était en janvier 2024, mais c'est quand même encore frais dans nos mémoires.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Soizic Machado Verheye : En 2022, il n'y avait pas de définition de ce qu’était un accident grave donc pas d'indicateur non plus. Maintenant c’est chose faite. C'est très riche d'apprentissages car on les analyse avec une approche culturelle selon le modèle SVP.
Soizic Machado Verheye : Alors on se pose trois questions principales : est-ce que les gens savaient ? Est-ce qu’ils voulaient ? Et est-ce qu’ils pouvaient ? Plus précisément, on se demande est-ce que les salariés étaient bien formés aux risques et aux règles de sécurité ? Est-ce qu'ils avaient bien tous les moyens pour travailler en sécurité ? Et sur ce point, on ne s'arrête pas seulement aux moyens techniques. Est-ce que l'organisation était correcte ? Est-ce qu'ils avaient le temps de faire les choses ? Dans quel contexte on se situait ? Et puis est-ce qu'il y a eu une violation des règles ? Et souvent, quand il y a eu une violation lors d’un accident, c'est qu’il y en a eu d’autres avant dont nous n’avons pas eu connaissance ou sur lesquelles on n'a pas réagi.
Soizic Machado Verheye : Avoir des règles claires et connues de tous est clef. Et c'est pour ça qu'on ne peut pas séparer la notion de règle de la notion de culture. Nous avons des règles, mais elles sont encore violées. Il fallait donc remobiliser les gens et les engager sur le respect des règles. Il ne suffisait pas d’écrire toutes les règles depuis le siège, nous devions engager tout le monde.
On a donc retravaillé sur nos 10 règles qui sauvent en y intégrant 10 ans de retours d’expérience. Les gens ne les voyaient plus trop, ça a donc été une bonne façon de reparler de nos risques majeurs. On a mis en place un groupe de travail avec des représentants de tous les pays puis un questionnaire pour lequel on a eu 260 répondants qui ont fait des commentaires sur les pictogrammes, les messages, le « wording ». Par exemple, sur le téléphone au volant, on a écrit dans les points clés qu'on ne participait pas à une réunion en conduisant. Ça peut sembler évident mais ça ne l’était pas forcément pour tout le monde, donc on a clairement dit qu’on interdisait cette pratique.
Puis nous avons accompagné le redéploiement des 10 règles qui sauvent avec des vidéos. Le but était que les gens aient une émotion en les regardant. Pour chaque vidéo, ça commence par une personne qui ne respecte pas la règle et on suggère l'accident grave ou mortel, sans que ce soit trop choquant. Nous visons l’émotionnel pour mettre les gens face au danger. Par exemple, c’est une cycliste qui va se faire écraser, un collègue qui va se faire renverser par un camion, ou un autre qui va se faire écraser par une caisse sur un chantier parce qu'il est passé sous la charge et que l’élingue a cassé. Après il y a à chaque fois un écran noir puis la personne se ravise et respecte la règle. On donne les solutions et dans la vidéo la personne respecte la règle et se dit à la fin « ouf, j'ai échappé à un accident grave ou mortel ». L’objectif est d’amener les gens à décider de travailler en sécurité.
Soizic Machado Verheye : En parallèle, quand on a analysé nos accidents graves et mortels, on a remarqué qu'à un moment du scénario, soit avant de commencer l'opération, soit pendant l'opération, la situation avait changé, ou en tout cas, il y a un moment où c'est devenu dangereux. Souvent il y a bien quelqu'un qui s'est rendu compte que la situation devenait dangereuse, mais comme c'était vendredi après-midi, ou le client était pressé, bref on voulait finir rapidement. Il y a alors ce qui semble être de bonnes raisons de ne pas respecter une règle de sécurité, et c’est à ce moment que l’accident arrive. Les gens n'ont pas osé dire « non, c'est dangereux, il faut qu'on stoppe et qu’on fasse différemment pour reprendre le travail en sécurité ». On a donc mis en place la démarche « Speak Up & Stop ! »
Soizic Machado Verheye : Elle a été lancée il y a un an en 2024 par la PDG du groupe lors d’un « global webcast ». Le concept devait être dynamique et très simple pour que les gens se l’approprient facilement. Le message du « Speak Up & Stop ! » est que tout le monde a le devoir de parler et d'arrêter une situation à risque, que ce soit pour soi, un collègue, un sous-traitant, etc. Il faut alors en discuter, trouver une solution pour sécuriser la situation, soit soi-même, soit avec le manager, et reprendre le travail uniquement quand la situation est sous contrôle.
Depuis un an, on capte un maximum de situations où ce « Speak Up & Stop ! » a été appliqué, on communique dessus et on les valorise pour montrer des exemples. Ça peut être un sous-traitant non-attaché au bord d’un bassin, un échafaudage mal monté, un câble haute tension accessible, un accès dangereux pour réaliser un prélèvement d’air. Le problème est que, souvent, les gens n'arrêtent pas les situations parce qu'ils craignent d’être réprimandés. Donc lors de notre prochaine semaine sécurité le thème sera « Speak Up & Stop ! Un an après » pour faire notamment passer des vidéos de témoignages de personnes ayant arrêté des situations dangereuses. On va travailler sur la question, est-ce qu'on voit la personne qui arrête et remonte la situation dangereuse comme un délateur ou comme un super-héros ? Le but est que les salariés arrivent à la conclusion que la personne qui parle est plus proche du super-héros que du délateur.
Soizic Machado Verheye : D’abord, toutes les réunions managériales à tous les niveaux commencent par la sécurité, du comité exécutif jusqu’au terrain. Ça veut dire que dans l'organisation, les professionnels de la sécurité sont bien positionnés dans la hiérarchie avec des directeurs de sécurité qui font partie des comités de direction des entités. Les managers sont également formés deux jours à la sécurité. Et on organise des semaines thématiques pendant l'année avec une semaine sécurité en avril, une semaine risques industriels et environnementaux en juin et une semaine santé en septembre. On met à disposition des managers des kits pour qu’ils portent et incarnent des messages auprès de leurs équipes. Ils réalisent aussi des visites managériales de sécurité et doivent animer des quarts d'heure prévention avec leurs équipes. La sécurité doit être une expérience et donc les managers doivent avoir des actes qui le prouvent. L’important est de s'intéresser sincèrement au travail des gens sur le terrain en leur demandant qu'est-ce qu’ils sont en train de faire ? Est-ce qu'il y a des moments où il y a des choses qui leur semblent un peu dangereuses ? Et donc engager un vrai dialogue constructif qui va bien dans les deux sens.
Soizic Machado Verheye : Alors j’en vois deux. Le premier concerne tous les changements de dernière minute dans les opérations, ce qu'on ne maîtrise pas toujours très bien. On travaille sur des démarches de fiabilisation avec de la vigie-minute notamment pour mieux adresser ces changements de dernière minute. Il faut que les gens aient les « warnings » qui s'allument dans ce genre de situations puisqu’on sait que c'est le type de moments où il peut y avoir des accidents. Il nous reste du travail sur ce sujet, on le sait.
Le deuxième axe sur lequel on travaille est celui de la prévention des risques psychosociaux (RPS). Car selon moi, dans un certain nombre d'accidents, les gens n’étaient pas complètement à ce qu'ils faisaient, ils n’étaient pas complètement bien dans leurs baskets. Mais c’est quelque chose qu'on a du mal à mesurer et je suis incapable de vous donner un indicateur là-dessus. Je suis toutefois convaincue que si les gens sont bien dans leur tête, bien dans leurs baskets, on aura aussi moins d'accidents. Donc on avance sur ce sujet des RPS où on a encore des choses à faire en matière de prévention. On s’intéresse aux problèmes professionnels mais aussi personnels car il n'y a pas une frontière complètement imperméable entre les deux. On cherche à donner des moyens à nos collaborateurs qui rencontrent des difficultés personnelles. On souhaite assurer un environnement bienveillant au sein d'une équipe afin de détecter quand quelqu'un ne va pas bien et pouvoir l'orienter vers les bons interlocuteurs.
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