L'EU-Osha alerte sur les gaz masqués des conteneurs

L'EU-Osha alerte sur les gaz masqués des conteneurs

20.04.2018

HSE

Fumigés – souvent à la phosphine et au bromure de méthyle – à leur port de départ, les conteneurs rejettent leurs gaz toxiques au nez de ceux qui les ouvrent. Ils sont rarement étiquetés comme ils le devraient, pour mentionner le danger, et les procédures d'évaluation des risques ne sont pas menées. L'agence européenne pour la santé et la sécurité au travail demande à ce que la réglementation soit renforcée : "davantage d'implication des autorités est nécessaire".

"Le problème de la fumigation est sous-estimé, probablement à cause de l'absence de documentation systématique des incidents montrant des effets nocifs pour la santé", écrit l'EU-Osha (agence européenne pour la santé-sécurité au travail) dans un rapport présenté le 10 avril 2018 sur les risques pour la santé des travailleurs et la prévention possible pour manipuler des conteneurs fumigés.

L'agence identifie deux "problèmes majeurs" : "les conteneurs fumigés ne sont presque jamais étiquetés comme tels, et lors de l'ouverture et du déchargement de ces conteneurs, les pratiques habituelles ne respectent pas les procédures de sécurité basées sur une évaluation correcte des risques".

Phosphine et bromure de méthyle

Chaque année, plus de 600 millions de conteneurs destinés au transport de marchandises sont expédiés à travers le monde. Très souvent, ils sont traités par fumigation, afin de détruire toute présence de parasites, nuisibles et autres bactéries qui pourraient endommager la cargaison ou contaminer le territoire du pays d'arrivée.

Les pesticides les plus fréquemment utilisés sont la phosphine (PH3) – pour laquelle l'Anses vient de proposer à l'Echa (agence européenne des produits chimiques), une nouvelle classification, comme substance mortelle par inhalation de catégorie 1 (H330) – et le bromure de méthyle (MeBr). On trouve aussi le formaldéhyde, la chloropricrine, le dichlorure d'éthylène et l'oxyde d'��thylène.

Celui qui ouvre

Pour les travailleurs, ces substances peuvent entraîner des contaminations aiguës et des effets à plus long terme sur le système cardiovasculaire et le système nerveux central. Les plus exposés sont ceux qui ouvrent ces conteneurs, par exemple lors des contrôles douaniers, mais aussi ceux qui travaillent dans les entrepôts logistiques des ports, voire même les conducteurs de poids-lourds lorsque la fumigation a été particulièrement forte – notamment avec de la phosphine, soulignent les auteurs de l'étude de l'Osha – ou en cas de fuite du fumigène durant le transport. Le plus exposé est toujours celui qui ouvre, quelle que soit sa position sur la chaîne logistique.

 

Lire aussi : Gaz toxiques sur toute la chaîne logistique

 

Le déchargement d'un conteneur peut prendre plusieurs heures. Un chercheur est allé activer ses instruments de mesure près d'un travailleur réceptionnant un conteneur standard de 12 mètres. Durant le déchargement, alors que le conteneur était naturellement ventilé, les concentrations dans la zone de travail ne représentaient plus que 1 à 7 % des concentrations initiales. Mais au moment de l'ouverture, il a constaté des pointes à 70 %.

 

"Même si la moyenne des expositions durant le déchargement est significativement inférieure aux concentrations d'arrivée, ces expositions peuvent tout de même représenter de sérieuses violations des valeurs limites d'expositions pour les conteneurs à haut risque", conclut ce chercheur.

 

Renvoyer les conteneurs aux frais de l'exportateur

"Les conteneurs qui ne sont pas étiquetés conformément aux réglementations devraient être renvoyés sans être ouverts, aux frais de l'exportateur", recommande l'Osha. Prendre des mesures pour renforcer la réglementation pertinente par rapport à l'étiquetage des conteneurs devrait être une priorité. "Le manque de conformité avec les réglementations concernant l'étiquetage signifie que davantage d'implication des autorités est nécessaire", plaident les auteurs du rapport :

 

"C'est un problème collectif qui devrait être traité par les autorités nationales, les expéditeurs, les armateurs, les organisations d'employés et les ports. Une approche uniforme dans les ports européens est recommandée pour éviter la concurrence au détriment de la santé et de la sécurité."

 

Extraction d'air

Deuxième recommandation prioritaire pour l'Osha : "Les conteneurs ne doivent pas être ouverts tant qu'une évaluation des risques n'a pas conclu qu'ils sont sûrs, par exemple sur la base des documents d'expédition ou en mesurant l'atmosphère du conteneur, si nécessaire après une ventilation suffisante". À chaque fois que les mesures n'ont pas pu être faites, il faudrait efficacement ventiler.

Mais il n'est pas si facile de trouver une méthode efficace pour ventiler un conteneur de 12 mètres de profondeur : ouvrir les portes ne suffit pas, pas plus que de mettre un ventilateur une fois les portes ouvertes. Seule solution probante : l'extraction d'air forcée, avec un tube enfoncé dans le conteneur qui aspire l'air potentiellement contaminé pendant que de l'air "frais" entre par les portes. Cette ventilation doit être maintenue durant tout le déchargement, et si le conteneur est refermé durant la nuit, par exemple, il faut recommencer.

Double danger

Chaque conteneur (potentiellement) fumigé représente toujours un double danger : l'intoxication aiguë, principalement lors de l'ouverture des portes, et la contamination à plus ou moins long terme, due à de faibles concentrations couplées à une exposition tout au long du déchargement. L'EU-Osha, qui voudrait que des technologies de mesure fiables soient développées, souligne qu'il est important qu'elles soient suffisamment sensibles pour détecter les substances dangereuses à des niveaux inférieurs à ceux présentant un risque à long terme.

Puisque les deux fumigènes les plus couramment utilisés sont la phosphine et le bromure de méthyle, c'est d'abord pour ces deux-là qu'il est urgent de développer une procédure de détection, "avec une sensibilité suffisante pour quantifier des niveaux 10 fois en deçà de la VLEP". En France, la VLEP 8 heures de la phosphine est pour l'instant fixée à 0,1 ppm et la VLEP CT (court terme) à 0,2 ppm. Le bromure de méthyle n'a qu'une VLEP 8 heures fixée à 5 ppm. Il n'a pas de VLEP.

Ne vous fiez pas aux apparences, répètent les auteurs de l'étude : selon les responsables de la station de mesurage d'un des principaux ports européens, les conteneurs fumigés ne sont jamais identifiés comme tels, "ou peut-être qu'un sur 1 000 l'est". Et lorsque les marchandises n'ont pas de raison d'avoir été fumigées, elles le sont bien souvent quand même. "Nous allons fumiger ce conteneur à la phosphine, se disent selon eux les agents du port d'embarquement, parce que c'est ce que nous faisons avec tous les autres."

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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