L'Europe partagera une valeur limite d'exposition des travailleurs aux émissions diesel

L'Europe partagera une valeur limite d'exposition des travailleurs aux émissions diesel

16.10.2018

HSE

Un accord sur une nouvelle révision de la directive européenne sur l'exposition des travailleurs aux substances cancérigènes et mutagènes vient d'être trouvé : il intègre les émissions de gaz d'échappement des moteurs diesel. La solution est venue du Parlement, qui a négocié avec le Conseil, avec l'appui de la présidence autrichienne et de la Commission. Alors que cette dernière était contre, il y a encore quelques mois.

"Désormais, 12 millions de travailleurs dans l'UE potentiellement exposés aux émissions de gaz d'échappement des moteurs diesel seront mieux protégés", se félicite le Parlement européen dans un communiqué du 11 octobre 2018. L'accord que la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement vient de trouver avec le Conseil de l'Union européenne sur la révision de la directive sur les agents cancérigènes ou mutagènes au travail intègre ces gaz et fixe des valeurs limites à leur exposition.

La modification fera partie de la 2e vague de révision, qui devrait aboutir d'ici quelques mois, cet accord constituant l'une des dernière étapes de la phase de négociation, avant l'approbation officielle du Coreper (comité des représentants permanents du Conseil), puis le vote au Parlement en plénière. 

La première vague de révision, qui a fait l'objet d'une directive publiée en décembre 2017, n'avait pas intégré les émissions diesel, au grand dam de la CES (confédération européenne des syndicats). Depuis plusieurs mois, l'UE s'est en effet lancée dans la révision de la directive de 1990 sur l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail. Le 3e lot est déjà sur la table, depuis avril 2018. 

Solution trouvée pour mesurer les émissions 

Pour les émissions diesel, Marianne Thyssen, la commissaire européenne, se déclarait alors défavorable à une entrée dans la liste dès le 2e lot, renvoyant à un hypothétique 4e lot, qu'elle reconnaissait ne pas être sûre d'avoir le temps de faire passer. "Le diesel est sur nos écrans radar, indiquait-elle à l'occasion du lancement de la nouvelle campagne de l'EU-Osha qui vise les substances chimiques sur les lieux de travail, mais nous devons rassembler davantage d'informations, car nous voulons développer des politiques vraiment fondées sur des preuves".

"On n'avait pas trouvé comment 'monitorer' les émissions diesel sur les lieux de travail, et donc comment concrètement appliquer une valeur limite, explique-t-on à la DG emploi de la Commission européenne, en se félicitant finalement de cette inclusion dans le lot en cours. Le Parlement a trouvé, en mesurant le carbone." Mi-septembre, un séminaire a eu lieu à Bruxelles pour expliquer la méthode aux États membres. 

La présidence autrichienne de l'UE n'est pas pour rien dans cette avancée. En Autriche, une VLEP protège en effet déjà des particules diesel, en se basant sur la détermination du carbone élémentaire. La députée europénne suédoise Marita Ulvskog (S&D), présidente de la commission de l'emploi, a d'ailleurs souligné la semaine dernière un "accord pragmatique" conclu "dans un effort commun avec la présidence autrichienne et le soutien technique de la Commission européenne"

 

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800 000 salariés exposés en France

En France, selon l'enquête Sumer 2010, près de 800 000 salariés sont exposés aux gaz d'échappement diesel, ce qui confère à cet agent chimique cancérogène le plus fort taux d'exposition : 37 salariés sur 1 000 sont exposés. Pour 46 % d'entre eux, cette exposition est considérée comme importante lorsque l'on croise l'intensité et la durée hebdomadaire d'exposition. 

D'après l'INRS, les travailleurs les plus exposés aux gaz d’échappement sont ceux qui évoluent dans des espaces confinés ( utilisateurs d’engins à moteurs diesel pour la réalisation de travaux souterrains, conducteurs de chariots automoteurs diesel passant un temps notoire à l’intérieur d’entrepôts etc.), ceux chargés de l’entretien ou du contrôle technique des véhicules à moteur, les conducteurs d’engins, de tracteurs agricoles, de poids lourds ou même de véhicules légers, le personnel travaillant à proximité de ces véhicules et engins (travail sur la voie publique, dans les cabines de péage ou les parkings), les utilisateurs de petits moteurs à essence (petits groupes électrogènes, disqueuses, tronçonneuses…), exposés à des gaz d’échappement particulièrement riches en monoxyde de carbone et les utilisateurs d’engins (chariots automoteurs…) équipés de moteurs à gaz dans des locaux mal ventilés.

Dans le lot, l'exposition par la peau

Les négociateurs se sont aussi mis d'accord sur les valeurs limites d'exposition et/ou des observations "peau" (possibilité d'absorption significative de la substance par la peau) pour cinq substances cancérogènes supplémentaires :

  • trichloroéthylène,
  • 4,4-méthylènedianiline,
  • épichlorhydrine,
  • dibromure d'éthylène,
  • dichlorure d'éthylène.

L'accord établit des observations "peau" pour les huiles minérales utilisées comme huiles moteur pour lubrifier et refroidir les pièces mobiles d'un moteur et pour les mélanges d'hydrocarbures aromatiques polycycliques, notamment ceux contenant du benzo(a)pyrène.

Et après ?

Le rapporteur Claude Rolin (Belgique, groupe PPE) estime que "cette deuxième phase de révision lance un signal clair : contrôler l’exposition à davantage de substances nocives permet de renforcer considérablement la protection des travailleurs" et plaide pour "un mécanisme de révision permanente". 

"Personnellement, je ne pense pas que l’engagement de proposer 50 VLEP pour horizon 2020 soit respecté", prévoyait Laurent Vogel, juriste et chercheur à l’Etui (European Trade Union Institute de Bruxelles, le centre de recherche de la CES), il y a quelques mois

En plus des émissions des moteurs diesel, la CES voudrait que la directive s'applique aux substances toxiques pour la reproduction, à l’exposition du personnel du secteur des soins de santé à des médicaments dangereux, aux poussières et vapeurs de caoutchouc, entre autres. Sur Twitter, le secrétaire général de la CES Luca Visentini a quand même qualifié l'adoption de l'accord du 11 octobre de "grande nouvelle".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pauline Chambost & Élodie Touret
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