La crise sanitaire bouscule l'évaluation des ordonnances Travail

La crise sanitaire bouscule l'évaluation des ordonnances Travail

29.07.2020

Convention collective

Le comité d'évaluation des ordonnances Travail a publié hier un rapport intermédiaire. Il identifie les nouvelles pistes de travail en lien avec la crise sanitaire et ses effets sur l'économie et sur l'emploi. Comment les outils des ordonnances de 2017 ont-ils été mobilisés par les entreprises durant cette période ? Quelles leçons en tirer ?

C'est tout un champ nouveau qui s'ouvre pour le comité d'évaluation des ordonnances Travail du 22 septembre 2017, installé au sein de l'organisme de prospective France stratégie rattaché à Matignon. Alors que le comité a rendu public hier son rapport intermédiaire, il a dû s'adapter et tenir compte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 afin d'analyser comment cette dernière a permis d'éprouver les outils mis en place par les ordonnances. Quelques constats ont été réalisés in extremis mais - surtout - de nouvelles pistes d'évaluation, en lien direct avec la crise sanitaire et ses effets économiques, sont dessinées pour les mois à venir.

Le rôle du dialogue social pendant la crise sanitaire

Dans un premier temps, observe le comité d'évaluation, face à l'urgence sanitaire, a émergé un dialogue social "de crise" qui "a porté sur les sujets de santé et sécurité au travail. Ce dialogue s’est adapté à l’urgence des mesures à prendre, qui s’est montré capable d’innover dans ses pratiques ou qui s’est bloqué par incapacité à dépasser le formalisme".

"Le second temps, celui de la reprise progressive de l’activité et du retour des salariés dans les entreprises, se déroule dans un climat où les enjeux économiques et sociaux reprennent le dessus et peuvent retendre les relations ; il peut favoriser à la fois le recours aux instances d’informations et de consultation comme aux acteurs de la négociation collective dans les entreprises où ils sont présents, sur les sujets d’organisation du travail, d’emploi et de stratégie économique, en particulier dans les entreprises en difficulté", constate le rapport.

Ces deux épisodes de négociation, qui se sont enchaînés au sein des entreprises, amènent le comité d'évaluation à soulever un certain nombre de questions :

  • Si la crise est un accélérateur de transformation du dialogue social, quelle est la nature de ce dialogue social ?
  • Comment son fonctionnement est-il modifié par la nécessité d’agir dans l’urgence et les dispositions législatives qui aménagent les procédures et les délais, parfois en changeant leur nature (par exemple, consultations ex post des CSE sur certains sujets) ?
  • Comment le contenu du dialogue social a-t-il évolué du fait de la crise qui a remis au cœur des discussions les sujets liés au travail (organisation du travail, conditions de travail, questions de santé-sécurité) ?
  • Quel rôle effectif pour les CSSCT ? 
  • Quelle articulation entre enjeux économiques et sanitaires au sein des CSE et quelle capacité auront les commissions économiques des CSE à remplir leur mission ?
  • Qu’en est-il du dialogue social là où il n’y a pas d’IRP ?
  • Quel apport des branches pour les TPE-PME ?

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Au-delà de ces questions, le comité entend se pencher sur trois aspects particulièrement mobilisés en raison du Covid-19. 

Le premier concerne la mise en place et le fonctionnement du CSE, "conçu pour traiter à la fois des questions sanitaires, des conditions de travail comme de stratégie économique et d’emploi". Le comité d'évaluation estime nécessaire de se demander comment ces nouvelles instances ont fonctionné et fonctionnent dans la période de reprise, comment sont traitées et articulées ces différentes problématiques dans la période de crise sanitaire puis de reprise d’activité. C'est aussi la nouvelle physionomie des IRP qui doit être interrogée. Quel a été et peut être le rôle et le fonctionnement des CSSCT et comment travaillent-elles avec les CSE dont elles sont issues ? Il semble aussi intéressant au comité de comparer la situation avec des entreprises où fonctionnaient encore les anciennes instances, notamment des CHSCT. 

Accords d'entreprise et de branche : à quel niveau gérer les effets économiques de la crise sanitaire ?

Second champ d'exploration : le rôle de la négociation d'entreprise pendant cette période de crise."Beaucoup d’entreprises vont devoir adapter leur emploi au choc financier, à l‘affaiblissement prolongé de la demande ou de leur position concurrentielle, voire à la remise en cause de leur modèle économique. Cette phase de dialogue social nécessitera de traiter de l’ajustement de l’emploi, dans toutes ses dimensions..., observe le comité d'évaluation. Dans ce contexte, l’étude de l’usage fait des différentes possibilités prévues par les ordonnances de 2017 pour négocier et conclure des accords d’entreprise et du recours aux accords spécifiques (accords de performance collective, ruptures conventionnelles collectives) sera un axe à privilégier pour la suite des travaux du comité d’évaluation".

En matière de négociation collective, il conviendra aussi de s'interroger sur le rôle des branches. "Les enjeux de sortie de crise peuvent se situer, dans certains secteurs en particulier, en partie au-delà du niveau des seules entreprises". Dès lors, il faudra se demander "comment va s’articuler la primauté donnée désormais à la négociation d’entreprise dans de nombreux domaines avec ce besoin de régulation, qui plus est dans un contexte de restructuration des branches professionnelles ?".

Le dialogue social, un accélérateur de sortie de crise ? 

Enfin, il s'agira d'étudier la qualité du dialogue social au prisme de la crise sanitaire. Là encore, le comité identifie un certain nombre de questions :

  • Les entreprises qui ont le plus recouru au dialogue social s’en sortent-elles mieux ?
  • Quels effets ont pu avoir sur l’activité, pendant la crise ou lors de la reprise d’activité, ces différentes formes de dialogue social ?
  • Diffèrent-ils selon la forme du dialogue social et la nature des interlocuteurs (OS, élus du personnel, absence de représentants) ?
  • Peut-on observer un lien entre d’une part la confiance exprimée par les salariés envers leur direction et la consultation des représentants du personnel sur les questions d’organisation du travail, et d’autre part la mise en place de mesures sanitaires pendant la crise ? 

Autant dire que cette crise sanitaire renouvelle un certain nombre de débats en droit du travail que le comité d'évaluation devra éclairer dans les prochains mois. 

 

► Nous reviendrons dans nos prochaines éditions sur les aspects négociation collective et IRP du rapport intermédaire du comité d'évaluation des ordonnances.

Florence Mehrez
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