Le Club des branches du cabinet Barthélémy Avocats a organisé le 30 mai dernier une conférence sur les nouvelles règles applicables en matière de maladie et congés payés. Quel impact ont-elles sur les règles conventionnelles existantes, notamment en matière d'acquisition, prise, report et congés conventionnels supplémentaires ? Second volet par Emmanuel Andréo, avocat associé au sein du cabinet Barthélémy.
Les branches ont intérêt à actualiser les stipulations de leurs conventions collectives, parfois anciennes, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024, même si l’accord de branche est relégué au rang doublement subsidiaire au titre du "bloc 3" en général en matière de congés payés, et de la rédaction spécifique du code du travail (qui emploi l’expression "à défaut d'accord d'entreprise ou d'établissement"). Il est de la responsabilité des branches d’aider les entreprises dans la mise en œuvre du nouveau régime légal, duquel il ressort la notion centrale de période de prise des congés payés pour deux raisons : d’une part en raison des nouvelles obligations informatives à la charge de l’entreprise à la suite d'un arrêt de travail du salarié, d’autre part au titre du rôle pivot que la période de prise de congés joue pour l’application du nouveau délai de report de 15 mois. Les branches ont ainsi vocation à s’emparer de ce sujet dans l’intérêt des entreprises qui relèvent de leur champ d’application.
Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.
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La nouvelle obligation informative de l’entreprise, dans le délai d’un mois à la suite de la reprise d'un arrêt de travail du salarié, s’applique peu importe son origine professionnelle ou non, son indemnisation ou non, et sa durée (même de quelques jours). Elle porte sur le nombre de jours de congés dont le salarié dispose et sur "la date jusqu’à laquelle ces jours peuvent être pris " (article L.3141-19-3 alinéa 1 du code du travail). En conséquence pour que cette information prenne corps encore faut-il qu’une période de prise de congés payés ait été préalablement définie, conformément au code du travail, ce qui n’est pas toujours le cas. Or, définir une période de prise de congés est incontournable pour respecter pleinement cette obligation informative.
De plus, la loi introduit en droit français un nouveau délai de report de 15 mois au terme duquel, sous certaines conditions, les droits à congés payés s'éteignent si le salarié n'a pu les prendre pour cause d’arrêt de travail. Le texte (article L.3141-19-1 alinéa 1 du code du travail) prend également appui sur la période de prise de congés en ces termes : "lorsqu'un salarié est dans l'impossibilité pour cause de maladie ou d'accident de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou une partie de ses congés qu'il a acquis, il bénéficie d'une période de report". Le dispositif de report sera inapplicable si une période de prise de congés payés n’a pas non plus été préalablement définie.
La période de prise de congés, insuffisamment pris en compte par les branches
Ces éléments justifient que le sujet de la période de prise de congés, insuffisamment pris en compte par les branches, soit traité dans le cadre des dispositions du code du travail relevant du champ de la négociation collective : "un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe : 1° la période de prise des congés" (article L.3141-15 du code du travail). Pour mémoire, les principes de base sont une prise des congés payés possible dès l'embauche, et la fixation d’une période comprenant a minima la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année (articles L.3141-12 et L.3141-13 du code du travail). Il s'agit d'une disposition d'ordre public, en sorte qu’un accord de branche ne saurait restreindre cette période légale (ce qui n’a pas été le cas dans le passé, d’où des accords de branche faisant débuter la période parfois au 1er juin).
Certes, les dispositions supplétives du code du travail prévoient qu’à défaut de stipulation conventionnelle, "l'employeur définit après avis, le cas échant, du comité social et économique, la période de prise des congés" (article L.3141-16 du code du travail). Cela est peu déployé dans les entreprises censées consulter leur CSE et informer leur personnel au moins 2 mois avant l’ouverture de la période de prise de congés (article D.3141-5 du code du travail), soit avant fin février de chaque année.
Le rôle des branches
Dans la pratique, la période de prise annuelle des congés est plus large que ces quelques mois légaux. Les branches ont leur rôle à jouer. En voici deux exemples à s’inspirer.
La convention collective nationale de la métallurgie stipule que "la période de congés payés est fixée, en principe, du 1er mai au 30 avril de l'année suivante", et ajoute que "en fonction des besoins de l'entreprise, une autre période peut être fixée par l'employeur. Celle-ci comprend nécessairement la période du 1er mai au 31 octobre. Elle est portée à la connaissance des salariés au moins 2 mois avant son ouverture" (article 85). La période annuelle d'acquisition court ainsi du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1, tandis que la période de prise des congés payés acquis court du 1er mai de l’année N+1 au 30 avril de l’année N+2. Avec un léger chevauchement sur le mois de mai, la période est d’une durée de 12 mois. Cette stipulation conventionnelle de la période de prise annuelle des congés payés permet d'appliquer la nouvelle législation relative à l’obligation informative et de la période de report de 15 mois des congés payés.
Second exemple, celui de la convention nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils : "la période de prise des congés payés démarre, sauf stipulation différente, le 1er mai. La période de prise des congés payés, dans tous les cas, est de 13 mois au maximum. Tout report au-delà de cette période nécessite une demande écrite formulée par l'employeur" (article 5.3). Dans cette branche, la période de prise des congés payés d’une durée de 13 mois court du 1er mai de l’année N+1 jusqu'au 31 mai de l’année N+2. Prévoir une période de prise de congés payés légèrement supérieur à l'année ne pose pas de difficulté sachant que la période légale est respectée. Cela oblige simplement à gérer des chevauchements, entre la période de référence d'acquisition qui se termine le 31 mai et la période de prise qui a couvre deux fois le mois de mai (au début et en fin de période). Cette stipulation conventionnelle permet aux entreprises de la branche de gérer la nouvelle obligation informative et le dispositif de report de 15 mois.
En revanche, l’illustration à ne pas suivre est la convention collective des avocats et de leur personnel : "la période normale des congés annuels est celle prévue par la loi" (article 22), ou les cordonniers sont les plus mal chaussés...