La réforme de Reach repoussée d’au moins un an

26.10.2022

HSE

Contexte économique difficile oblige, la Commission européenne décale à la fin 2023 le durcissement du règlement encadrant l’utilisation des produits chimiques dangereux. Une option qui fait réagir. Et semble ne satisfaire personne.

C’est un report qui a du mal à passer. Parmi les écologistes bien sûr, mais aussi chez plusieurs ministres européens de l’Environnement qui se sont réunis au Luxembourg, lundi 24 octobre. Attendue d’ici la fin de l’année, la réforme du règlement Reach visait à renforcer le cadre d’utilisation des substances chimiques dangereuses. Elle ne sera finalement pas à l’agenda de la Commission avant la fin de l’année prochaine. Bon nombre d’observateurs estiment dès lors qu’il sera difficile de boucler le dossier avant les prochaines élections européennes programmées au printemps 2024. Et que la réforme est donc une patate chaude que l’équipe actuelle d’Ursula von der Leyen transmettra à la suivante en prenant garde de ne pas se brûler.
Bilan décevant
Au printemps dernier, l’exécutif européen avait pourtant affiché un volontarisme salué par les ONG. Avec une feuille de route visant à restreindre progressivement l’usage des substances chimiques cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) et autres perturbateurs endocriniens en utilisant « une approche générique de la gestion des risques ». Autrement dit une technique appliquant à chaque famille de produits, la règle adaptée au plus dangereux d’entre eux. Si cette méthode fait bondir les industriels qui estiment que chaque molécule mérite d’être évaluée individuellement, l’innovation permanente ne permet pas dans les faits d’encadrer les mises sur le marché. L’entrée en vigueur en 2007 de Reach visait entre autres, à éliminer progressivement 1 500 substances « extrêmement préoccupantes ». Un objectif qui n’a jamais été atteint.
Jeu de dupes
Alors que l’inflation et la crise d’approvisionnement énergétique fragilisent l’industrie européenne, la grande question était de savoir si le moment était le mieux choisi pour s’attaquer à la question. Début octobre, de nombreux parlementaires européens ont estimé que non. En particulier l’Alliance des conservateurs et réformateurs qui a proposé « un moratoire réglementaire sur les actes qui augmenteraient inutilement les coûts pour les entreprises déjà sous pression », en citant expressément la réforme de Reach. Même si la motion a été rejetée de justesse, c’est bien son esprit qui a poussé le commissaire français Thierry Breton à s’opposer à la direction environnement au sein de l’exécutif bruxellois. Un rapport de force qu’il a semble-t-il remporté.
Changement de ton en France
Les réactions de ce report sont évidemment des plus variées. « C'est un signe que la Commission commence à comprendre la situation difficile dans laquelle se trouve notre industrie, mais cela ne suffit pas », prévient le porte-parole allemand du Parti populaire européen, Christian Ehler, qui préférerait que l’on enterre une bonne fois pour toute l’idée de réforme. Ce report est a contrario considéré comme « inacceptable », par la députée socialiste belge, Maria Arena, pour qui « on refuse au Parlement la possibilité d'avoir un débat équilibré et démocratique ».
Dans une lettre au président de la République, plusieurs ONG ont, quant à elles, mis en cause, lundi 24 octobre, « la position de la France sur ce dossier », dénonçant la « pression de certains acteurs économiques » et le soutien officieux du ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, à la position de Thierry Breton. « La France fut pendant des années leader européen sur le sujet de la santé environnementale et des produits chimiques. Depuis quelque temps, notre pays régresse dramatiquement sur ces sujets, suscitant de vives inquiétudes », insiste l’ONG. En attendant, « 40 % des Européens sont confrontés à des cancers, en partie causés par l’exposition aux polluants chimiques », poursuit la lettre. Ce qui « représente un coût de 157 et 270 milliards d’euros en termes de dépenses de santé et de perte de revenus potentiels, chaque année pour les États membres ».
Triomphe modeste
Officiellement, les industriels de la chimie, qui ne sont pas pour rien dans la décision affichent quant à eux un regard distancié. « Tout comme le Cefic, notre fédération européenne, nous prenons bonne note de cette décision, confie-t-on chez France Chimie. Dans le débat pour ou contre le moratoire, nous avions préféré une troisième voie : engager sans attendre une révision progressive de Reach qui apporte de la visibilité aux industriels et propose un séquencement satisfaisant des enjeux à traiter en priorité ».

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Olivier Descamps
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