L'actualisation des compétences en santé et sécurité au travail est "l'enjeu fondamental des années à venir"

L'actualisation des compétences en santé et sécurité au travail est "l'enjeu fondamental des années à venir"

28.10.2021

HSE

Dans dix ans, certains métiers auront disparu, d'autres auront émergé. Mais il sera toujours nécessaire de former les travailleurs à la santé-sécurité, ont insisté plusieurs experts lors d'une matinée de prospective organisée par l'INRS. La formation de 2030 devra savoir s'adapter aux développements technologiques et aux évolutions du monde du travail... Voire les anticiper.

 "Les développements technologiques rendent certains métiers obsolètes, en créent de nouveaux, les modifient pratiquement tous" : lors de la matinée de prospective sur la formation à la santé et sécurité au travail en 2030, organisée le 5 octobre 2021 par l'INRS, Michel Héry, responsable de la mission prospective de l'institut, s'est essayé à imaginer le monde du travail de la prochaine décennie.

Conséquence ? La question de l’actualisation des compétences devient "l’enjeu fondamental des années à venir", assure-t-il. Fondamental, mais pas facile à appréhender. Les situations de travail analysées sont toujours plus complexes, donc l’analyse des risques toujours plus difficile à réaliser.

Les nouvelles technologies pourraient aider pour l’évaluation, l’analyse et le traitement des risques, analyse Pierre Canetto, chargé de projets à l'INRS. Avec précaution, toutefois : "La tentation pourrait être grande de décharger l’humain de cette analyse, de penser qu’il ne soit plus nécessaire de former l’humain à la SST". L’intervention humaine sera toujours inévitable, donc la formation toujours nécessaire. Reste à savoir comment elle doit évoluer pour s’adapter aux défis du monde professionnel de la décennie à venir, et à identifier les innovations dont elle pourrait bénéficier.

Risques personnalisés

Avec le télétravail, la plateformisation et le travail hybride, les trajectoires professionnelles sont de plus en plus individuelles, fait remarquer Cécile Richard, chargée de formation à l'INRS. Et "les risques de plus en plus personnalisés", souligne Pierre Canetto.

Cette individualisation créé un risque nouveau : celui d'une montée en compétences en santé-sécurité au travail qui serait très hétérogène. Il faudrait donc réinjecter du collectif, pour Paul Santelmann, consultant en ingénierie des compétences : "C'est un système multi-acteurs, avec un enjeu de formation solidaire : l'entreprise doit être un véritable partenaire".

D'autant que la prise en compte de la santé-sécurité est susceptible de répondre à deux tendance antagonistes, complète Pierre Canetto. Certains sujets sont transverses, ont une portée nationale, soit du fait de leur sinistralité (TMS) soit de leur développement croissant (RPS), et exigent une réponse globale. "La gestion de la santé-sécurité au travail peut donc être écartelée entre une tendance de gestion étatique et une demande de forte individualisation", développe le spécialiste. En termes de formation, il pourrait être demandé à l’éducation nationale de fournir aux entreprises des salariés "clés en main", déjà formés aux risques de leurs métiers.

Reponsabilité

Avec l'évolution des formes de travail, la question de la responsabilité vient se poser, interpelle Amandine Brugière, responsable des développements techniques et scientifiques à l'Anact : l'employeur est-il toujours responsable de la formation en santé-sécurité de ses salariés ? Le salarié va-t-il devenir responsable de son niveau de compétence en SST ?

"L'arrivée de nouveaux métiers, de nouvelles organisations, peut faire monter la responsabilité du salarié en matière de santé-sécurité au travail", reconnaît Cécile Richard. Elle appelle néanmoins à faire preuve de nuance, et à parler plutôt de co-responsabilité : "Il est incontournable qu’employeur et salarié puissent rentrer dans un dialogue pour aligner les volontés individuelles du salarié et l’objectif collectif de l’entreprise".

Son collègue Michel Bridot, de son côté, invite à envisager le glissement d’une obligation de résultat à une obligation de moyen. Un scénario qui "aurait un impact très fort sur la formation" : si l'on restait sur une obligation de résultat, le chef d’entreprise aurait à former au mieux les salariés. Si on allait vers une obligation de moyen, Michel Bridot craint que l'on assiste à "une formation au juste nécessaire". Le chef d’entreprise pourrait se dire qu’il sera couvert s’il forme "au minimum" ses salariés. C’est, d'ailleurs, l’une des critiques formulées à l'encontre du passeport de prévention, mis en place par la loi pour renforcer la prévention en santé au travail.

 

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Siècle dernier

La formation devra s’adapter aux évolutions du monde professionnel : c’est un minimum qui assurera le maintien des compétences tout au long de la vie professionnelle. Mais la directrice de la branche AT/MP de l'Assurance maladie, Anne Thiebault, suggère de voir plus loin : "on pourrait même être plus exigeant et dire qu’elle doit anticiper les impacts de ces évolutions sur les modes et conditions de travail". Autrement dit, le champ d'action de la formation ne doit pas se concentrer sur les "risques du siècle dernier, physiques et chimiques", affirme Bernard Salengro, le président du conseil d'administration de l'INRS. Elle doit aussi aborder les RPS, l'impact des organisations de travail, ou de la communication d'entreprise.

"On a besoin de nouvelles complémentarités entre les formateurs et les entreprises", élabore Paul Santelmann. "Il faut capitaliser sur les situations réelles, sur ce que vivent les salariés", et qui, dans certains cas, ne correspond pas nécessairement à leur formation initiale.

Et pour vivre au rythme du siècle actuel, Bernard Salengro fait le pari de formations mixtes, en présentiel et en groupe, et en distanciel, individuelles. Ce qui "ne veut pas dire que leur qualité est moindre que les formations en présentiel : il y a un monde à explorer, avec les webinaires ou les moocs". Ils permettant de toucher un public beaucoup plus large.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Olivia Fuentes
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