Le BEA-RI veut mettre en lumière "les angles morts" de la gestion des risques industriels

10.05.2023

HSE

"Il est certes important se concentrer sur le risque d’accident majeur. Pourtant, on peut très bien avoir une étude de danger conforme et finalement subir un accident. Il faut avoir un regard large sur son installation, faire preuve de bon sens et se poser des questions sur la sécurité du quotidien", explique Henri Kaltembacher, qui dirige actuellement le bureau d’enquêtes et d’analyses sur les accidents industriels créé en 2020 après Lubrizol.

"On ne peut pas tout prévoir ni tout écrire dans la réglementation", rappelle Henri Kaltembacher, directeur par intérim du BEA-RI, le bureau d’enquêtes et d’analyses sur les accidents industriels créé en 2020 après l’accident Lubrizol Normandie Logistique et dont la structure juridique a été achevée en 2022. Au cours de sa deuxième année d’activité, le bureau a ouvert 10 nouvelles enquêtes, notamment dans les secteurs de la chimie, de l’industrie pétrolière et de l’énergie, apprend-on dans le rapport d'activité 2022 publié fin mars. Les incendies représentent la moitié des accidents traités, devant les explosions (30%) et les fuites (20%). En 2022, le BEA-RI a émis 27 recommandations techniques, organisationnelles et réglementaires, mais aussi des demandes d’étude ou de renforcement des contrôles. 

Des scénarios que la réglementation ne peut pas prévoir 

Mais ce sont en particulier les "angles morts" de la gestion des risques industriels sur lesquels le BEA-RI a souhaité mettre la lumière. "Il est certes important se concentrer sur le risque d’accident majeur. Pourtant, on peut très bien avoir une étude de danger conforme et finalement subir un accident. Il faut avoir un regard large sur son installation, faire preuve de bon sens et se poser des questions sur la sécurité du quotidien", explique Henri Kaltembacher. Le rapport revient ainsi sur des accidents particulièrement inattendus, comme les explosions de 2022 dans une ICPE effectuant du conditionnement de gaz spéciaux et toxiques (Seveso seuil bas) gérée par Air Liquide à Mitry-Mory (Seine et Marne).  

L’accident s’est produit lors d’un test d’étanchéité. "Des bouteilles supportant moins de 50 bars ont été placées sur un banc de test haute pression à 275 bars", détaille Henri Kaltembacher. Le rapport indique qu’une personne peu formée et non supervisée a été laissée seule pour réaliser cette activité "considérée comme simple mais qu’elle ne maitrisait pas". Le bureau émet une série de préconisations portant sur la formation, sur le processus d’habilitation, sur l’ergonomie du banc de test et recommande à l’industriel "d’investiguer les causes profondes des tensions dans l’équipe".  

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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TotalEnergies et Manuco 

Parmi les événements liés à des "angles morts de la sécurité", le rapport d’activité cite également la rupture en 2022 du câble de commande non redondé des alimentations électriques d’une unité de production à la raffinerie de Donges (Seveso seuil haut) au cours de travaux que menait l’exploitant, TotalEnergies Raffinage France. L’événement n’a toutefois eu que peu de conséquences environnementales, selon le rapport du bureau. 

Autre exemple, l’explosion d’une cuve d’acide en 2021 au sein de l’usine de fabrication de nitrocellulose (qui entre dans la composition de munitions) Manuco à Bergerac (Seveso seuil haut). L’enquête a montré que l’explosion a été provoquée par une incompatibilité entre l’acide stocké et la résine mise en place à l’intérieur de la cuve par l’entreprise sous-traitante. Le BEA-RI a donc recommandé au sous-traitant et à l’exploitant de procéder ou de faire procéder à des tests de compatibilité de résine avant d’autoriser la rénovation de ce type d’équipement. 

Du traitement de surface jusqu’au lithium 

Pour mémoire, le rapport d’activité 2021 du BEA-RI s’était penché sur les incendies dans les usines de traitement de surface et avait préconisé de faire évoluer la réglementation, notamment pour la détection incendie, le désenfumage et le contrôle des installations électriques. "La DGPR a repris presque in extenso nos recommendations", se félicite Henri Kaltembacher. Après une consultation publique en novembre et décembre 2022, un arrêté modificatif a été adopté par le CSPR (conseil supérieur de la prévention des risques technologiques) le 16 décembre 2022 et devrait être publié prochainement. 

Pour l’année prochaine, le directeur par intérim prévoit de focaliser le rapport d’activité sur le lithium. Outre l’incendie qui s’est déclaré en janvier dans une cellule contenant des batteries Bolloré au sein d’un entrepôt de Grand-Couronne (Seine-Maritime), il évoque deux incendies de batteries de parcs photovoltaïques en Corse, en juin 2022 à Poggio-di-Nazza et en avril 2023 à Aghione. Mais aussi les deux bus électriques RATP de marque Bolloré qui se sont enflammés en avril de l’année dernière – heureusement sans conséquences humaines. "Le lithium continue de poser des questions, notamment sur les moyens d’extinction des incendies", conclut Henri Kaltembacher. 

Éva Thiébaud
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