Le gouvernement conditionnera-t-il l'aide publique aux entreprises à de vrais efforts écologiques ?

Le gouvernement conditionnera-t-il l'aide publique aux entreprises à de vrais efforts écologiques ?

05.05.2020

HSE

À l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne et Bruno Le Maire sont revenus sur les conditions d’octroi des soutiens à l’activité définis dans l’urgence de la crise. À l’instar d’Air France, les entreprises devront faire des efforts pour opérer leur transition écologique… Selon des modalités qui restent controversées.

La relance oui, mais pas à n’importe quelles conditions environnementales. Auditionnés conjointement par les commissions du développement durable et des affaires économiques de l’Assemblée nationale (une première), Élisabeth Borne et Bruno Le Maire se sont efforcés le 30 avril d’accorder leurs violons à travers ce nouveau credo. "La place de la transition écologique dans le plan de relance doit être centrale, a insisté la ministre de la transition écologique et solidaire. C’est notre meilleure stratégie de protection et de croissance. Beaucoup ont en tête les renoncements que l’on a pu avoir au lendemain de la crise de 2008 où la transition écologique a eu une portion congrue des plans de relance. Aujourd’hui, la plupart des technologies sont matures. Des centaines de milliers d’entreprises se sont engagées. Ne pas poursuivre dans cette direction, ce serait les mettre en difficulté". Son collègue à l’économie et aux finances a quant à lui répondu aux filières qui demandent à ce que l’on desserre certaines contraintes environnementales. "Nous n’avons pas besoin d’un moratoire, mais au contraire d’accélérer".

20 milliards conditionnés

Voilà pour la ligne directrice, mais c’est dans les détails que les deux ministres étaient attendus, en particulier en ce qui concerne les contreparties demandées aux acteurs dits stratégiques qui bénéficieront de 20 milliards d’euros d’aides de la part de l’État. Comme l’ensemble des entreprises soutenues par le portefeuille de l’APE (Agence de participation de l’État), ils devront d’abord dans les prochains mois "se doter d’une raison d’être", a notamment rappelé Bruno Le Maire, interpellé sur le sujet par la députée de la majorité, Véronique Riotton (Haute-Savoie).

 

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"Cela fait partie des demandes faites à Air France" invitée par ailleurs à devenir "la compagnie la plus respectueuse de l’environnement de la planète", poursuit le ministre. Le cas interroge les parlementaires. Ce sont "des éléments de langage, dénonce le député de Gironde (la France insoumise) Loïc Prud’homme. Vous nous annoncez que l’entreprise respectera des conditions écologiques et sociales strictes. Lesquelles puisqu’elles ne sont pas inscrites dans la loi ?". Les deux ministres promettent un "contrat de performance et de transition entre l’État et les actionnaires". Il débouchera sur "la réduction de 50 % des émissions de CO2 par passager-kilomètre à horizon 2030 par rapport à 2005", dixit Élisabeth Borne, une cible qui devra être atteinte fin 2024 pour les vols métropolitains. Parmi les pistes : renouveler la flotte, utiliser des biocarburants et redimensionner le réseau des vols domestiques.

Cinq lignes pointées du doigt

Députée des Deux-Sèvres, Delphine Batho (non inscrite) craint pour sa part que la compagnie aérienne verdisse artificiellement son activité en utilisant l’arme de la compensation carbone nettement moins engageante. Attention, souligne quant à lui Matthieu Orphelin (Maine-et-Loire, Libertés et territoires), "certaines contreparties évoquées correspondent à des engagements déjà pris par le passé". L’équipe de Loïc Prud’homme a enfin fait le décompte des lignes intérieures que le gouvernement a demandé à la compagnie aérienne de fermer car elles concurrencent des liaisons ferroviaires de moins de 2h30. D’après ses calculs, il n’y en aurait que cinq (reliant Marseille à Lyon et Paris à Lyon, Bordeaux, Nantes et Rennes).

Tous concernés

Si le cas d’Air France est le plus emblématique, la question posée sera la même quels que soient les secteurs d’activité. "L’éco-conditionnalité doit devenir la norme du soutien de l’État aux entreprises stratégiques en France et à l’export, et même à toute entreprise dont l’activité à une externalité négative forte sur l’environnement", insiste le député du Gard Anthony Cellier (LREM), qui demande à ce qu’on rationalise les contreparties à exiger et leur évaluation. Élisabeth Borne est confiante. "Depuis 2018, l’APE et l’Ademe travaillent ensemble sur la mise en place d’une méthodologie pour définir les émissions de CO2 des entreprises, évaluer leur stratégie climat et s’assurer qu’elles respectent leur trajectoire. Cette approche doit être réalisée secteur par secteur. Certains sont d’ores et déjà couverts, je pense à l’automobile et l’énergie. D’autres sont en cours de finalisation".

Théorie et pratique

Il y a urgence. Car en attendant, les acteurs politiques et économiques continuent à s’affronter à coups d’incantations et de petites phrases suivant leurs degrés d’optimisme et de pessimisme. Dans l’automobile par exemple, Bruno Le Maire a promis de "soutenir exclusivement les véhicules respectueux de l’environnement, en particulier les véhicules électriques". D’autres rappellent que le secteur a déjà reçu bon nombre de subventions pour développer des moteurs plus performants… et que ce sont les ventes de SUV qui ont bondi. "Tout le monde est d’accord sur cette relance un peu verte, constate Barbara Pompili, députée de la Somme (LREM). On doit sortir des slogans et rentrer dans le concret, ce qui est toujours un peu plus compliqué".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Olivier Descamps
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