Le handball féminin se dote d'un accord sectoriel

Le handball féminin se dote d'un accord sectoriel

05.04.2021

Convention collective

Gauthier Kertudo, avocat associé au sein du cabinet Barthélémy Avocats, analyse le nouvel accord sectoriel, signé le 15 mars dernier, dans le handball féminin.

Le 15 mars 2021, les partenaires sociaux du handball professionnel féminin se sont réunis pour signer ensemble un accord historique. L’UCPHF (Union des clubs professionnels de handball féminin), l’AJPH (l’Association des joueuses professionnelles de handball) et Master7 (Groupement des entraîneurs professionnels et des professionnels de la formation de handball) ont en effet officialisé l’entrée en vigueur prochaine d’un accord encadrant les relations professionnelles de travail entre les joueuses, les entraîneurs et leurs clubs. Quelle est la valeur de cet accord et quelle est sa place dans la hiérarchie des normes issues du dialogue social sportif ? Quel est le contenu de ce texte ?

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Pour comprendre l’accord, il faut au préalable en rappeler le contexte. D’abord ce texte arrive en pleine crise sanitaire ce qui a pu ralentir quelque peu le dialogue social en début d’année 2020. Sa conclusion aujourd’hui démontre incontestablement la volonté des partenaires sociaux d’aller au bout d’un projet envisagé depuis un moment. Cette volonté se traduit aussi par ce choix des acteurs d’être les premiers signataires d’un accord collectif applicable à un sport professionnel féminin. D’autres sports ont pu entreprendre des projets similaires mais sans que cela n’aboutisse à la signature d’un accord à ce jour (1). 

Ensuite, ce texte dénote parce qu’il arrive à un moment où la tendance du dialogue social reste marquée par la question du rapprochement des branches. En effet, depuis le 8 août 2016 (2), le législateur a souhaité réduire le nombre de textes conventionnels et faciliter le rapprochement des familles présentant des similarités. Nous verrons que le handball féminin n’est pas une branche mais inévitablement le texte vient s’ajouter au paysage conventionnel sportif. A côté de la convention collective nationale du sport, il s’ajoute ainsi aux autres accords collectifs ou chartes applicables par exemple dans le football (3), le basket (4), le rugby (5) ou le handball masculin (6). Ce paradoxe, au-delà du timing, est pertinent car il démontre la volonté des partenaires sociaux de se doter de normes les plus adaptées à la réalité du terrain. Sabrina Ciavatti, vice-présidente de l’AJPH en charge du secteur féminin et ancienne joueuse professionnelle, le présente ainsi : "Disons que la CCNS ce n’est pas qu’elle n’était pas adaptée, mais elle était là pour donner un cadre général. Elle ne traitait pas des particularités des disciplines. Par exemple, sur le repos, les calendriers de chaque discipline. En tant que sportive, elle n’était pas non plus adaptée aux cas des grossesses puisqu’en tant que handballeuses en général les joueuses sont mises en arrêt de travail au bout du deuxième mois" (7).

Quelle valeur ?

Le texte est présenté comme une "convention collective". La terminologie rassure car elle renvoie à l’idée d’un texte rédigé pour un secteur et permettant de protéger juridiquement les acteurs. En réalité, le vocable exact aurait pu être "convention collective par assimilation". L’expression est plus lourde mais elle renvoie à la jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis plusieurs années (8). Plus encore, la terminologie complète aurait également pu être "accord sectoriel à valeur de convention collective par assimilation". Les textes applicables aux différentes disciplines professionnelles sont en réalité des accords sectoriels. La notion d’accord sectoriel résulte des dispositions même de la convention collective nationale du sport et notamment de son article 12.2.1. qui liste les thèmes obligatoires à mentionner au sein d’un accord sectoriel.

Il est du reste complexe de les assimiler à des conventions collectives dans leur nature. Le Professeur Jean Mouly, au sujet de la Charte du football professionnel, indiquait d’ailleurs : "Il faut une certaine imagination pour assimiler ce texte à une convention collective alors que les conditions de celle-ci ne sont nullement remplies" (9) Il faut d’ailleurs préciser que l’on oppose convention collective et accord collectif par le fait que la première a pour objet l’ensemble des conditions de travail, de rémunération, d’emploi ainsi que les garanties sociales, tandis que dans le second il n’est traité que d’un ou plusieurs sujets et/ou une ou des catégories. La qualification d’accord s’impose donc dès lors que ne sont concernés que les joueurs/ses et les entraîneurs.

Nous comprenons toutefois que le choix des partenaires sociaux d’emprunter l’expression "convention collective" dans la présentation est un choix pragmatique qui permet également d’envoyer un message fort aux différents acteurs. Le sujet est important car dès lors que le texte revendiquera la nature de convention collective certaines règles devront s’appliquer à son égard (10).

Quel contenu ?

L’article 500 de la Charte du football professionnel précise ce qu’il faut entendre par "joueur professionnel". Il est précisé ainsi : "Un joueur devient professionnel en faisant du football sa profession". L’expression traduit totalement la philosophie d’un accord sectoriel. Le texte a vocation à encadrer les relations professionnelles entre les seuls sportifs et les entraîneurs et leur club. Parce que le sportif a fait du sport sa profession,  doivent lui être appliqués le code du travail et les règles issues de la négociation collective.

D’abord, le texte indique qu’il a vocation à s’appliquer aux clubs "participant au championnat de handball féminin de première division (LFH) dont l’organisation et la gestion est assurée par la Fédération Française de Handball". Le texte ajoute que les catégories de personnels concernés sont "les joueuses liées par un contrat de travail aux clubs participant audit championnat" et "les entraîneurs sous contrat de travail avec les mêmes clubs exerçant leurs fonctions d’entraîneur principal, entraîneur adjoint, entraîneur responsable d’un centre de formation".

Ensuite, l’accord signé dans le handball professionnel traite d’un certain nombre de sujets structurants pour le hand féminin.

  • le contrat de travail ; 
  • le temps de travail ; 
  • les congés ; 
  • la formation professionnelle continue ; 
  • la classification ; 
  • la rémunération ; 
  • la prévoyance et complémentaire santé ; 
  • l’exploitation de l’image par les salariés ; 
  • la santé, l’hygiène et la sécurité. 

Sur la question du contrat de travail, il faut noter que le texte met en œuvre pour la première fois dans le sport féminin les dispositions du code du sport, issues de la loi du 27 novembre 2015 (11) relatives :

  • à la définition de l’activité principale de l’entraîneur comme disposition impérative pour le CDD spécifique pour les entraîneurs (12) ; 
  • aux durées dérogatoires du contrat en cours de saison (13).

La CCHPF met en œuvre également pour la première fois dans le sport féminin les dérogations conventionnelles au temps de travail à temps partiel.

Cette mesure permettra notamment de déroger aux mi-temps obligatoires prévus au sein du chapitre 12 de la CCNS et ainsi permettre aux clubs de recourir aux CDD spécifiques pour leurs entraîneurs "dont les missions sont limitées à un domaine spécifique de l’entrainement" dès 6 heures par semaine (14).

Il faut par ailleurs noter comme mesure importante la volonté des partenaires sociaux d’aligner le nombre de jours de congé accordés aux joueuses professionnelles sur celui accordé aux joueurs dans ce sport, à savoir sept semaines (15). 

L’accord, au contraire d’autres accords sectoriels, prévoit qu’en l’absence d’homologation du contrat la conséquence n’est pas la nullité de ce dernier (16). Le texte indique que le contrat dans cette hypothèse ne peut être rompu (17).

L’article 3 du chapitre 8 consacré à la prévoyance et complémentaire santé acte d’un maintien de salaire pendant 12 mois pour la joueuse en congé maternité. Le texte énonce ainsi : "Quelle que soit leur ancienneté, les joueuses et les entraîneurs entrant dans le champ d’application de la présente convention bénéficient des prestations de sécurité sociale et, pendant les 12 premiers mois d’arrêt de travail, d’un complément par le club permettant le maintien intégral de leur rémunération nette dans la limite de 2 PMSS à compter du premier jour d’arrêt de travail, que celui-ci résulte de maladie, d’accident de travail, ou d’un congé maternité, le Club complétant en net le montant des indemnités journalières de sécurité sociale".

La mesure est importante et symbolise sûrement l’avancée en termes de droit sociaux qui résultent de cette négociation collective. Cette disposition renvoie aussi à une image moderne de la négociation collective capable de répondre efficacement à un besoin impérieux du terrain et ici de ses actrices.

La convention prévoit le versement d’un capital formation de 3 000 euros annuel et non capitalisable pour les entraîneurs cadres. Cette somme sera à la charge du club (18).

La convention traite de la question de l’image des joueuses et des entraîneurs. On y retrouve des notions connues en droit du sport à savoir l’image associée collective et l’image associée individuelle. A ce stade, le texte ne traite pas de la question de la redevance prévue par la loi du 1er mars 2017 et évoquée au sein du code du sport à l’article L.222-2-10-1.

Enfin, il faudra noter que la convention collective du handball professionnel féminin n’est pas signée ni par la Ligue féminine de handball, ni par la Fédération française de handball au contraire de la Charte du football professionnel qui est cosignée par les partenaires sociaux, la LFP et la FFF (19). La convention collective du rugby professionnel est quant à elle signée par les partenaires sociaux et la LNR mais l’article 1.3.2. de la CCRP précise toutefois que la Ligue de rugby "appose sa signature sans avoir la qualité de partie". Le texte du handball professionnel féminin reprend en réalité une formulation que l’on retrouve au sein de la convention collective du basket professionnel. Il est ainsi indiqué que la convention "est élaborée en présence de représentants qualifiés de la Ligue Féminine de Handball (LFH) de la Fédération Française de Handball (FFHB), en sa qualité d’organisateur et de gestionnaire des compétitions du secteur du handball féminin". Ce n’est pas anecdotique et cela renforce la vocation première de l’accord à savoir le traitement des relations professionnelles entre les joueuses, les entraîneurs et les clubs.

Le contenu déjà riche de la convention collective du handball professionnel féminin illustre parfaitement la qualité du dialogue social dans la discipline. Les partenaires sociaux ont prévu classiquement la mise en place de commissions (paritaire, Emploi, Formation et Transition Professionnelle…) dont il est certain que le travail va permettre de faire vivre pleinement ce texte nouveau. Les partenaires sociaux proposent par ailleurs de découvrir l’actualité du dialogue social dans le hand féminin à travers un compte twitter déjà très actif (20). Cette dynamique incitera peut-être d’autres secteurs à prendre ou reprendre le chemin de la négociation pour aboutir à la signature de nouveaux accords de discipline.

 

(1) Par exemple le basket-ball professionnel féminin. 

(2) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. 

(3) La charte du football professionnel. 

(4) La convention collective du basket professionnel.

(5) La convention collective du rugby professionnel. 

(6) Accord collectif du handball masculin de première division. 

(7) Extrait du dossier de presse de la signature de la convention collective page 11.

(9) Note sous l'arrêt du 1er février 2000, Dalloz 2000, p.466

(10) Etude 255 – Les accords collectifs dans le football par David Jacotot, droitdusport.com, octobre 2017. 

(11) Loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale. 

(12) Chapitre 3 article 1.1. 

(13) Chapitre 3 article 1.3. 

(14) Chapitre 4 article 2.3. 

(15) Chapitre 5 article 1.2. 

(16) A l’inverse l’article 256 de la Charte du football professionnel prévoit que "Tout contrat, ou avenant de contrat, non soumis à l’homologation ou ayant fait l’objet d’un refus d’homologation par le service juridique ou la commission juridique de la LFP est nul et de nul effet"

(17) Chapitre 3 Article 2.3.3.

(18) Chapitre 6 Article 3.2.

(19) Précisément, le texte indique à son article 1er : "La présente convention et ses annexes, conclues en application des dispositions légales et règlementaires, en présence de la Fédération française de football (FFF), de la Ligue de football professionnel (LFP) (…)".

(20) @DihaneHandball

Gauthier Kertudo
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