Le médecin du travail pourrait verser des informations au DMP, dossier médical partagé

Le médecin du travail pourrait verser des informations au DMP, dossier médical partagé

01.04.2019

HSE

Pour chaque salarié, le médecin du travail est aujourd'hui censé renseigner un DMST, dossier médical en santé au travail. En revanche, il n'a pas accès au DMP, le fameux dossier médical partagé pour lequel une importante campagne de développement est engagée. Demain, il n'aurait toujours pas directement accès au DMP, qu'il ne pourrait pas consulter, mais le DMST pourrait être versé au DMP. Explications de cet amendement au projet de loi santé adopté en première lecture à l'Assemblée nationale.

S'il est un dénominateur commun entre les rapports Lecocq, Frimat et Dharréville, et même Seiller, pour ne citer que les plus récents, c'est bien la recommandation d'autoriser l'accès au dossier médical partagé (DMP) par le médecin du travail. C'est chose faite, ou presque, à l'article 12 quinquies du projet de loi "relatif à l'organisation et la transformation du système de santé"  qui a été adopté le 26 mars 2019 en première lecture par l'Assemblée nationale.

Cet article – en l'état actuel du texte qui n'en est qu'au début de son parcours législatif – permet que les données de médecine du travail figurent dans ce dossier médical partagé. Après des années d'errances, le DMP est promis depuis quelques semaines à un renouveau.

 

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La disposition n'a pas été écrite par le gouvernement dans le projet de loi, elle vient de l'adoption par les députés d'un amendement porté notamment par Charlotte Lecocq (LREM, Nord). En séance, c'est Sylvain Maillard (LREM, Paris) qui l'a défendue comme étant "une première avancée dans l’intégration de la médecine du travail au parcours de soins du patient".

Via le DMST

Contrairement aux autres professionnels de santé, il n'est pas prévu que le médecin du travail puisse directement reporter dans le DMP "les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge", tel que le prévoit l'article L. 1111-15 du code de la santé publique. Ce sont les données actuelles du DMST, qui serait intégrées au DMP, à partir du 1er juillet 2021 (date d'entrée en vigueur proposée).

Le médecin du travail ne pourra pas consulter le DMP. "Dans le cadre de la médecine du travail, le dossier médical partagé est accessible uniquement pour y déposer des documents", préciserait le code de la santé publique modifié au même article L. 1111-15. 

En revanche, le médecin traitant pourrait ainsi consulter les informations médicales de santé au travail de son patient, tout comme les autres professionnels de santé qui, selon les règles déjà en vigueur, ont accès au DMP.

"Cadre rénové"

Les professionnels de la santé au travail auront ainsi "la possibilité d’avoir un suivi individuel de la santé des salariés et de renseigner [le] dossier médical partagé, dans le respect des principes régissant ce dossier", explique Sylvain Maillard – maladroitement, puisque les médecins du travail assurent déjà un suivi individuel :

"Ils pourront, dans ce cadre rénové, mieux partager leur diagnostic relatif au lien entre santé et travail, apparaître comme référent en la matière auprès des médecins de ville, inscrire des éléments relatifs aux expositions professionnelles dans le dossier médical partagé et s’impliquer davantage dans la veille sanitaire."

Le député rapporteur Thomas Mesnier (LREM, Charente), qui expliquait un peu plus tôt lors de la séance que "le DMP sera la pierre angulaire de l’espace numérique de santé", s'est déclaré favorable à l'amendement. Ouvrir le DMP à la médecine du travail lui "semble très intéressant". Quant à la ministre de la santé Agnès Buzyn, sans se déclarer favorable, elle s'en est remis à la décision de l'Assemblée.

Dans les prochaines discussions sur le texte, le gouvernement souhaitera-t-il étoffer la disposition, au contraire la limiter, ou bien la maintenir telle quelle ? "À terme, l’objectif du décloisonnement complet de la médecine du travail, via une réciprocité de l’accès à l’information, pourra faire l’objet de discussions", avance le député de la majorité Sylvain Maillard.

Et les risques professionnels ?

Aujourd'hui, le code du travail prévoit (article L. 4624-8) que le DMST, qui sera donc versé au DMP, donne "les informations relatives à l'état de santé du travailleur", retrace les "expositions auxquelles il a été soumis" et mentionne tout aménagement de poste (article L. 4624-3) ou inaptitude (article L.4624-4). Julien Borowczyk (LREM, Loire) voulait aller un tout petit peu plus loin.

Par un amendement inspiré par son travail avec Pierre Dharréville (communiste rattaché au groupe GDR, Bouches-du-Rhône) lors de la commission d’enquête sur les pathologies professionnelles dans l'industrie, il a proposé en séance que le DMP "comporte également un volet relatif à la médecine du travail mentionnant le poste de travail occupé, les risques professionnels et les mesures préventives recommandées par le médecin du travail".

Le conseil de l'ordre des médecins a bien, fin 2015, établit une liste des "éléments communicables" dans le DMST plus précise et large que ce que prévoit le code du travail, incluant notamment "les éléments du poste de travail : définition, tâches effectuées (fiche de poste, par exemple), risques et dangers", mais en pratique, ces éléments y figurent rarement. Les inscrire dans le code de la santé publique, selon l'amendement soumis, aurait pu faire évoluer les choses.

Selon Julien Borowczyk, "mettre en évidence le poste et l’exposition du salarié" permettrait notamment au médecin traitant d'avoir, lors d'un arrêt maladie, "une visibilité sur la capacité du salarié à reprendre son activité". Le rapporteur lui a suggéré de retirer sa proposition, sans quoi il aurait prononcé un avis défavorable qui lui laissait peu de chances d'être adopté. Amendement retiré.

Les données en santé au travail iront dans le "Health Data Hub"

L'article 11 du projet de loi entend "amélior[er] l’utilisation des données de santé, en créant une Plateforme des données de santé, qui se substitue à l’Institut national des données de santé tout en élargissant ses missions", expose le gouvernement.

C'est ce qu'Agnès Buzyn préfère appeler le Health Data Hub et qu'elle veut enrichir "de l’ensemble des données collectées lors des actes pris en charge par l’assurance maladie", y compris donc des données recueillies lors de prestations AT-MP.

Un amendement – adopté – des députés Modem a ajouté à la liste les "données de santé recueillies lors des visites d’information et de prévention" avec la médecine du travail.

 

► Lire aussi :

Qui a accès au dossier médical en santé au travail ? (janv 2016)

• Dossier médical en santé au travail : quelles données conserver et comment les stocker ? (fév. 2016)

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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