"L’empreinte carbone du télétravail est un nouveau champ à investir par les entreprises"

"L’empreinte carbone du télétravail est un nouveau champ à investir par les entreprises"

17.10.2021

Convention collective

Gépy Koudadje, avocate, et Gilbert Cette, économiste, lanceront en janvier 2022 leur cabinet dédié à l'accompagnement des branches et des entreprises avec un prisme économique et juridique. Parmi leurs préoccupations : aider les partenaires sociaux à s'emparer de la question de la transition écologique mise sur le devant de la scène avec la loi Climat du 22 août 2021. Interview.

En janvier prochain, Gépy Koudadje, avocate, et Gilbert Cette, économiste, lanceront une nouvelle structure qui combinera les approches juridique et économique afin "de réinventer une appréhension du droit social". L’objectif est d’accompagner les entreprises et les branches professionnelles "dans l’écriture équitables des rapports sociaux pour une meilleure performance économique". Parmi les enjeux forts identifiés, celui de la transition écologique. "Le droit social va devoir répondre à cet enjeu ; nous y arriverons par le dialogue social", assure Gépy Koudadje, alors que la loi Climat du 22 août 2021 change la donne. Interview.

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Que change la loi Climat en matière de prise en compte de la transition écologique par le droit du travail ?

Gépy Koudadje : Avant la loi Climat, il existait une seule occurrence sur la transition écologique dans le code du travail. Dès lors, cette dimension n’était pas prise en compte alors même que des entreprises peuvent avoir des activités polluantes. Désormais, la transition écologique intègre les dispositions sur la négociation triennale supplétive de branche sur la GPEC. Les branches doivent donc dès à présent répondre aux enjeux de la transition écologique alors même que la GPEC est pour l’heure très peu utilisée au niveau de la branche.

Gilbert Cette : Les normes environnementales ont un coût et elles peuvent jouer sur la concurrence entre entreprises. Pour éviter cela, il est essentiel que le souci environnemental soit pensé et accompagné au niveau de la branche afin d’éviter que certains n’en tirent un avantage concurrentiel. 

Etes-vous optimistes sur le développement de cette négociation ?

Gépy Koudadje : Cela dépendra des secteurs. Cette négociation devra aborder le sujet des classifications - le cœur de la branche – mais aussi des investissements dans le secteur, l’activité des entreprises dans quelques années et, partant, de la formation professionnelle. Il faut élaborer une cartographie des métiers à risque, ceux en dynamique, identifier les leviers en termes de formation professionnelle et donner des grands indicateurs aux entreprises.

Gilbert Cette : Il faut être d’une très grande modestie sur le sujet et prévoir une anticipation fine. Toutefois, la conciliation devra aller très loin. C’est le rôle des branches que d’anticiper et de réfléchir aux formes de lutte contre les émissions dans la production et l’adaptation des produits. Elles doivent également anticiper l’augmentation des prix carbone ; le prix de la production de certains produits va être considérable. Il faut anticiper ce phénomène et rechercher de nouveaux produits, élaborer des normes dans la conception des produits, mettre en commun des travaux de recherche.

Les acteurs de la négociation sont-ils préparés à aborder le sujet de la transition écologique ?

Gépy Koudadje : La formation des élus, des syndicats et des entreprises va nécessairement devoir évoluer pour répondre à toutes ces questions de droit social sur les conséquences environnementales des activités et métiers. Le rôle de l’entreprise et des syndicats est déjà en train de changer avec la RSE, l’objet social de l’entreprise. L’évolution du rôle des organisations syndicales peut d’ailleurs susciter des vocations chez les plus jeunes.

Comment cela va-t-il impacter les entreprises ?

Gépy Koudadje : Si l’entreprise ne tient pas compte des effets de la transition écologique, il y aura, demain, des fermetures d’entreprises car les métiers vont beaucoup changer. L’entreprise doit également se pencher sur les conséquences environnementales du télétravail. Avec le télétravail, il y a moins de voitures et de déplacements, mais de nombreux serveurs fonctionnent et entraînent une pollution numérique. L’empreinte carbone du télétravail est un nouveau champ à investir par les entreprises.

Gilbert Cette : Les branches et les entreprises n’auront pas le choix pour la préservation et le développement des emplois et de l’économie. La labellisation, leur image deviendront de plus en plus importantes. Ce n’est pas tant l’action de l’Etat que leur image de marque qui les fera bouger. Par ailleurs, il s’agit d’une question qui sera de plus en plus importante pour les jeunes. Les corps intermédiaires et les syndicats font partie des institutions qui doivent contribuer à aider ce passage à l’acte.

Les entreprises doivent-elles également sensibiliser leurs salariés ?

Gilbert Cette : C’est à la branche d’élaborer ce travail de sensibilisation, secteur par secteur. Même si la loi Climat prévoit des dispositions supplétives de branche, on imagine mal une branche qui renverrait aux seules entreprises l’édiction de ces normes. Il revient aux branches de prévoir des dispositions qui se déclineront dans les entreprises, permettant ainsi de ne pas affecter la concurrence via des normes identiques pour toutes les entreprises. La branche a un double rôle à jouer : mutualiser et décliner les normes sans fausser le jeu.

Florence Mehrez
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