D'une négociation qui ferait le grand écart entre "travailler plus" et une "qualité du travail" améliorée, à une liste noire publique des travailleurs condamnés suite à un accident du travail, en passant par une réforme de la visite médicale de reprise, les propositions ont fusé ces derniers jours. On vous récapitule celles à suivre.
Alors que l'été est déjà bien entamé, les annonces fusent, qui touchent au travail et au droit social. Il y a d'abord eu Astrid Panosyan Bouvet qui, lors d'un CNPST (comité national de prévention et de santé au travail) vendredi 11 juillet 2025, a présenté toute une série d'orientations au patronat et aux syndicats pour lutter contre les accidents du travail. Puis le premier ministre qui, mardi 15 juillet, a listé les économies envisagées pour le prochain budget, complété là encore par la ministre du travail. Sans surprise, on ne coupera pas à de nouveaux débats sur les arrêts maladie, et de nouveaux sujets de négociations sont soumis aux partenaires sociaux.
Nous avons noté 13 points à retenir et à suivre dans les mois qui viennent.
Il faut "réconcilier le pays avec le travail", estime François Bayrou. Il propose de supprimer deux jours fériés. Selon quelles modalités ? Il laisse les partenaires sociaux en discuter. Sur le même principe que la journée de solidarité instituée après la canicule de 2003 ? Pas vraiment, répond le cabinet d'Astrid Panosyan Bouvet, il s'agirait là de faire "deux vraies journées de travail en plus, pour deux jours de produit du travail en plus pour l'économie nationale" et le gain ne serait "pas nécessairement affecté à la Sécurité sociale".
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Selon le premier ministre, des salariés en arrêt de travail voudraient reprendre mais ne peuvent pas faute de décrocher une visite de reprise avec le médecin du travail, une situation "absurde", décoche-t-il. Dès 2026, "à l’exception des AT-MP, c’est le médecin généraliste qui déterminera la possibilité de reprise du travail", souhaite-il. Une déclaration qui semble méconnaître le cadre actuel des visites de reprise. Le cabinet de la ministre du travail précise que "l’idée n’est pas de supprimer la visite médicale de reprise mais d’en revoir les modalités".
Plus globalement, le gouvernement entend davantage contrôler et limiter les arrêts maladie. "Les entreprises doivent prendre toute leur part dans la prévention des arrêts maladie par l’amélioration des conditions de travail, et les salariés responsabilisés contre les arrêts répétés sans motif sérieux", expose le ministère du travail.
Astrid Panosyan Bouvet a annoncé une négociation au périmètre particulièrement étendu. L'augmentation du temps de travail en ferait partie, ainsi que la limitation des arrêts de travail, mais la ministre entend aussi imposer aux partenaires sociaux plusieurs objectifs pour améliorer "la qualité du travail". Elle met notamment sur la table "un objectif de préserver résolument la santé au travail par un meilleur dialogue social de proximité avec par exemple une invitation des partenaires sociaux à intégrer le principe d’écoute professionnelle dans les politiques de prévention" et "en luttant avec volontarisme contre les accidents du travail, en particulier graves et mortels". Elle voudrait aussi des mesures permettant de lutter "contre le temps partiel subi – à 80 % des femmes — en renforçant par exemple les droits des salariés [amplitudes horaires, temps de transports professionnel…] en même temps que sont assouplis des freins à l’embauche".
En CNPST, la ministre du travail a indiqué vouloir "relancer les réflexions menées autour de la tarification des cotisations" AT-MP. Elle souhaite parvenir à des "règles de calcul plus responsabilisantes et incitatives à la prévention". L'idée serait que ces cotisations soient moins mutualisées et correspondent davantage à la situation réelle des entreprises.
Astrid Panosyan Bouvet veut "instruire la possibilité de limiter les rangs de sous-traitance", notamment sur les chantiers. Dans cette même logique d'une responsabilité renforcée pour les donneurs d'ordre, elle suggère "un devoir de vigilance et des sanctions associées en cas de non-respect de leurs obligations en matière de santé-sécurité".
D'abord au niveau national, en rendant obligatoire, dans chaque devis dressé dans le cadre d'un marché public, un "lot 'sécurité' (ou lot 0) détaillant les principales mesures de prévention justifiées par la prestation". Cela doit permettre de neutraliser le coût des mesures de prévention, afin que les entreprises qui ont un réel budget en faveur de la prévention des risques ne soient pas pénalisées lors des négociations tarifaires.
La ministre du travail entend aussi porter cette philosophie au niveau européen, alors qu'est discutée la révision de la directive sur les marchés publics. "Beaucoup de choses ont été faites sur les clauses d'exclusion pour des motifs environnementaux, par exemple, mais on n'a pas d'équivalent sur le volet social, explique-t-elle au Monde. Or il y a un devoir de vigilance. Il me semble important pour un acheteur public de pouvoir exclure de ses appels d'offres une entreprise qui, manifestement, ne respecte pas ses obligations en matière de santé et de sécurité".
Connaissiez-vous la "liste noire" ? Ce site du ministère du travail publie, sur décision d'un juge, les noms des personnes physiques et morales qui ont été condamnées pour travail illégal (travail dissimulé, marchandage, prêt de main d'œuvre illicite, emploi de travailleurs sans papiers), avec l'objectif "d'assurer une transparence sur les pratiques frauduleuses des entreprises, à destination de leurs clients potentiels". La ministre du travail propose de faire de même pour les "condamnations d'entreprises en cas d'accidents du travail graves et mortels".
Selon la ministre, "les médecins du travail évaluent à 8,6% les salariés en difficulté avec l'alcool [...] et à 7% pour le cannabis". Dans une "logique de responsabilisation des travailleurs", elle avance une "interdiction générale de travailler sous l'emprise de substances psychotropes, dont alcool et drogues". Elle souligne aussi le droit de l'employeur à réaliser des dépistages "pour les postes de sûreté et de sécurité exposés à des risques particuliers", mais c'est déjà possible, sous certaines conditions.
Alors que le code du travail vient de s'enrichir de tout un volet détaillant les mesures que les employeurs doivent mettre en œuvre lors d'une vague de chaleur ou d'un épisode de canicule, plus ou moins intense, Astrid Panosyan Bouvet souhaite que les inspecteurs et inspectrices du travail puissent décider d'un arrêt temporaire de travaux "pour les situations de péril grave et imminent". Ce sera en place l'été prochain, espère-t-elle.
Peu de précisions sur ce point, à ce stade. Comme sur tous les points, la ministre du travail demande aux partenaires sociaux qui siègent au CNPST "d'en définir les modalités". "Je vous donne aujourd'hui un point d'arrivée dont il nous appartient de construire le chemin", déclare-t-elle.
Et si on systématisait les garde-corps sur les toits lors de la construction d'un immeuble, pour ensuite mieux prévenir les chutes de hauteur du charpentier, du couvreur, ou du zingueur, par exemple ? C'est la suggestion du ministère du travail, qui veut "intégrer dans le code de la construction des normes de conception des bâtiments permettant de garantir la sécurité des travailleurs qui interviennent ultérieurement à leur construction".
Ce point revient régulièrement ces dernières années sans davantage de développements. En outre, le gouvernement voudrait carrément "interdire le recrutement, pendant une certaine durée, d'un apprenti et l'accueil de stagiaires" lorsqu'un employeur a été condamné pour faute inexcusable et/ou homicide et blessures involontaires. "Il faut marquer le coup", commente à ce propos Astrid Panosyan Bouvet dans les colonnes du Monde.
Vaste programme, qu'Astrid Panosyan Bouvet limite pour l'instant à trois points. D'abord, que "tout employeur" soit formé à la santé-sécurité au travail. Ensuite, qu'il transmette systématiquement, en cas d'AT grave, un "rapport d'analyse" à la Carsat, au CSE, à l'inspection du travail et au service de santé au travail – ce qui pourrait lui permettre de bénéficier d'un "accompagnement pour mettre à jour le DUERP lorsque l'analyse a révélé un manque dans la démarche de prévention". Enfin – et cela sonne plutôt comme une bonne pratique sinon un vœu pieu –, elle veut "placer à un niveau stratégique dans la gouvernance de l'entreprise les échanges autour de la prévention des accidents du travail".
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