Les accords collectifs favorables à l'emploi pourront primer sur le contrat de travail

Les accords collectifs favorables à l'emploi pourront primer sur le contrat de travail

19.01.2016

Convention collective

Lors de ses vœux adressés hier aux acteurs de l'entreprise et de l'emploi, le Président de la République a précisé certaines des mesures qui seront adoptées dans le projet de loi Travail en matière de temps de travail et de barémisation des indemités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Reste toutefois de nombreuses inconnues.

Le Président de la République ne s'est pas contenté hier matin, lors de ses vœux aux acteurs de l'entreprise et de l'emploi dans l'hémicycle du Conseil économique, social et environnemental (CESE), de préciser son plan de lutte contre le chômage ; il est aussi revenu sur les autres réformes en cours, notamment certaines des dispositions qui intégreront le projet de loi de la ministre du travail, Myriam El Khomri. Reste que ces annonces demandent à être clarifiées. Décryptage.

Plus de souplesse en matière de temps de travail

Le Président de la République a rappelé hier que le projet de loi de la ministre du travail, Myriam El Khomri, modifiera les dispositions sur le temps de travail en appliquant dès à présent la nouvelle architecture du code du travail (règles d'ordre public, champ de la négociation et normes supplétives). François Hollande a précisé hier que la réforme visera à conférer à l'accord d'entreprise "la responsabilité de fixer les modalités d'organisation du temps de travail, sans remettre en cause la durée légale en permettant par exemple de fixer le taux de majoration et le nombre d'heures supplémentaires ou de moduler davantage le temps de travail au-delà même de l'année". Reste à savoir ce que le gouvernement a en tête alors que des possibilités existent déjà dans la loi.

1) En matière d'heures supplémentaires : l'accord d'entreprise peut déjà fixer le contingent d'heures supplémentaires et peut même déroger à l'accord de branche. Une des nouveautés envisageables serait de permettre d'aller au-delà des durées maximales fixées par la loi. Le rapport Badinter, remis lundi prochain, devra justement déterminer les principes fondamentaux, notamment en matière de durée du travail. Dans leur ouvrage "Le travail et la loi", Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen proposent qu'un accord collectif puisse déroger aux limites fixées par la loi en matière de durée quotidienne et de durée hebdomadaire, à titre exceptionnel, par décision de l'administration.

2) S'agissant du taux de majoration des heures supplémentaires : aujourd'hui un accord d'entreprise ou de branche peut fixer un taux de majoration inférieur au taux légal (qui est de 25% pour les 8 premières heures et 50% au-delà) sans pouvoir être inférieur à 10%. S'agit-il alors de permettre aux entreprises de prévoir un taux inférieur à 10% ?

3) En matière de modulation du temps de travail enfin, un accord collectif peut déjà fixer un nombre d'heures à effectuer sur l'année. François Hollande souhaite permettre aux entreprises de prévoir une telle organisation du travail dérogatoire au-delà même d'une année.

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Le Président de la République a ensuite annoncé que, dans certains cas, le rapport accord collectif/contrat de travail allait évoluer. Le projet de loi Travail donnera plus de place à l'accord collectif en lui permettant "lorsqu'il est conclu dans l'intérêt de l'emploi" de s'imposer au contrat de travail. L'objectif : permettre "sans remettre en cause les garanties fondamentales (...) d'adapter le droit du travail aux réalités économiques et aux spécificités locales".

La référence à "l'intérêt de l'emploi" semble viser les accords de maintien dans l'emploi qui permettent à une entreprise en difficulté d'éviter de licencier en baissant les salaires et en modifiant l'organisation du travail. La loi Macron a déjà apporté des modifications à leur régime afin de renforcer l'attractivité du dispositif. Le patronat estime pourtant que tant que le verrou du contrat de travail ne sera pas levé, les entreprises ne les utiliseront pas. Les salariés peuvent en effet aujourd'hui refuser de se voir appliquer un accord de maintien dans l'emploi ; l'entreprise doit alors les licencier. Le gouvernement semble aujourd'hui vouloir aller plus loin et permettre aux accords de maintien dans l'emploi de s'imposer aux contrats de travail. Le gouvernement pourrait-il aussi décider d'autoriser les accords de maintien dans l'emploi "offensifs" pour maintenir ou développer l'emploi sans que l'entreprise ne rencontre nécessairement de graves difficultés économiques ? La primauté de l'accord collectif sur le contrat est un mécanisme qui a déjà été utilisé en 2012 s'agissant des accords majoritaires visant à mettre en oeuvre un nouvel aménagement des horaires de travail.

L'un des enjeux d'une nouvelle articulation entre l'accord collectif et le contrat de travail est la nature du licenciement du salarié qui refuse l'application de l'accord.

Un barème d'indemnités fondé sur la seule ancienneté

Contrairement à ce qu'avait annoncé la ministre du travail, le nouveau barème d'indemnités en cas de licenciement injustifié qui est en préparation ne devrait être fondé que sur un seul critère : l'ancienneté du salarié. "Il s'agit de réduire l'incertitude juridique lors des ruptures du contrat en introduisant un montant plafond exprimé en mois de salaire, dépendant de la seule ancienneté du salarié", précise ainsi le dossier de presse publié hier. Ce montant s'ajoutera aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement qui demeurent inchangées. Les atteintes graves au droit du travail ne seront pas soumises à l'application de ce nouveau barème, comme c'était déjà le cas pour le premier barème retoqué par le Conseil constitutionnel : discrimination, non-respect de l'égalité professionnelle, harcèlement moral et sexuel, témoignage de corruption, maternité, accident du travail ou maladie professionnelle, inaptitude, salariés protégés, exercice du droit de grève...

Le barème entrera en vigueur au second semestre 2016 ; il doit être intégré dans le projet de loi Travail.

Florence Mehrez
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