Les conclusions des Assises du travail proposent de créer un 10e principe de prévention : "écouter les travailleurs"

24.04.2023

HSE

Et si ajouter "le principe de l'écoute" aux neuf principes généraux permettait de mieux appréhender le travail réel et de rendre la prévention plus efficace ? C'est ce que préconisent dans leur rapport Sophie Thiéry et Jean-Dominique Sénard, remis hier à Olivier Dussopt. Préserver la santé mentale et physique des travailleurs est un de leurs 4 axes de recommandations. Sans originalité, ils plaident aussi pour le développement d'une "culture de prévention" et l'effectivité des DUERP.

"Il ne pourra pas y avoir de prévention efficace si on ne commence pas par écouter les travailleurs sur ce qu'ils ressentent, vivent, sur la façon dont ils font leur travail", défend Sophie Thiéry. Présidente de la commission travail et emploi du Cese (conseil économique social et environnemental), elle est aussi, depuis quelques mois, "garante" des Assises du travail avec Jean-Dominique Senard, président du conseil d'administration du groupe Renault. Ils ont remis hier, lundi 24 avril 2023, la synthèse de leurs travaux au ministre du travail. La santé au travail est un des 4 axes qui structurent les 17 recommandations. Parmi elles, une évolution législative : "ajouter un 10e principe général de prévention à l'article L.4121-2 du code du travail : écouter les travailleurs sur la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail et les relations sociales".  

L'article L. 4121-2, listant les 9 principes généraux de prévention, est "un cadre général de référence qui permet d'ordonner la réflexion de l'employeur afin de lui permettre de remplir au mieux son obligation de sécurité", exposent les garants dans leur rapport. Y ajouter "le principe de l'écoute" doit permettre de mieux appréhender "le travail réel" et de favoriser "l'effectivité et l'efficacité de la prévention", notamment parce que les travailleurs vont mieux comprendre les mesures adoptées.

"L'écoute que l'employeur accorde à la façon dont les travailleurs vivent leurs situations de travail, dans toutes leurs dimensions techniques, organisationnelle, relationnelle et celle relative au contexte général de l'entreprise, renforce son dispositif de prévention des risques professionnels."

Culture prévention et DUERP 

Parvenir enfin à une "culture de la prévention primaire partagée" est "un axe très fort et très consensuel qui est ressorti de nos travaux", présente Sophie Thiéry. Rien de bien nouveau. Ce dessein fort louable – sans qu'il y ait de définition claire de ce qu'est une "culture de prévention" – préside et conclut la plupart des travaux sur la santé au travail depuis plusieurs années. À commencer par l'ANI (accord national interprofessionnel) de décembre 2020, qui avait l'ambition d'affirmer noir sur blanc l'importance de la prévention primaire dans notre dispositif de santé au travail, lui-même repris dans la loi du 2 août 2021 "pour renforcer la prévention en santé au travail". Le PST (plan santé au travail) 4, qui couvre la période 2021-2025, n'y échappe pas, pas plus que le "plan pour la prévention des accidents graves et mortels 2022-2025" dont un des axes est "d'accroître la diffusion de la culture de prévention".  Les propositions des assises se positionnent "en appui" de ces documents, pour "accompagner leur mise en œuvre" et "favoriser la rapide montée en puissance des transformations engagées".  

Le rapport n'échappe pas à un autre constat récurrent : alors que le DUERP (document unique d'évaluation des risques professionnels) a plus de 20 ans, beaucoup d'entreprises n'en ont toujours pas, ou ne l'actualisent pas. Pourtant, pour aider les employeurs à faire leur document unique, "les outils ne manquent pas". Les garants recommandent d'accompagner encore plus les entreprises, notamment les TPE-PME. "Et pour cela, il faut des organismes qui soient disponibles", déroule Sophie Thiéry, expliquant que les SPST (services de prévention et de santé au travail) sont les "acteurs clairement identifiés" comme "porte d'entrée pour les TPE-PME". "Mais nous avons tout de suite aussi vu leurs limites : ces services ont des difficultés, de moyens, et des difficultés à recruter, à intégrer de nouveaux risques", poursuit-elle. Les Assises préconisent donc "travaill[er] sur l'attractivité de la médecine du travail"

Formation 

Il y "urgence", déclare Sophie Thiéry, à "activer le levier de la formation" à la prévention primaire, tant dans le secteur privé que dans la fonction publique. Le rapport propose de mettre en place des "formations communes entre représentants des travailleurs et employeurs", mais aussi que des modules adéquats soient intégrés "dans tous les cursus managériaux", et que toute formation visant un diplôme ou une certification professionnelle prévoie "un module sur la prévention primaire" doublé d'une épreuve qui pourrait être "éliminatoire".  

Dans les entreprises ou dans l'administration, il faudrait développer "la formation continue en situation de travail", en misant sur "l'accompagnement des nouveaux arrivés par des pairs expérimentés". 

"Un fil rouge pour nos travaux à venir" 

Olivier Dussopt a reçu le rapport comme "un travail de fond très utile". "Ces recommandations seront un fil rouge pour nos travaux à venir", assure le ministre du travail. "Vous n'êtes pas tombé dans le piège d'une liste à la Prévert de mesurettes, ni dans l'autre piège, qui aurait consisté à vouloir bousculer toutes les normes, immédiatement".  

Attention, a souligné Olivier Dussopt, interrogé sur la façon dont pourraient être reprises les quelques recommandations demandant des évolutions législatives : "Les Assises ne se substituent pas au dialogue social. [Certaines recommandations] demandent une concertation avec les partenaires sociaux, voire la recherche de conclusions d'un ANI. Il n'y a donc pas de véhicule législatif arrêté." 

Les Assises du travail se sont déroulées entre décembre 2022 et mars 2023, dans le cadre du "conseil national de la refondation" (CNR). Une douzaine d'ateliers thématiques ont été organisés, ainsi qu'une quinzaine d'événements territoriaux, avec l'objectif de "réunir partenaires sociaux, entreprises, universitaires, personnalités qualifiées, praticiens de terrain et citoyens, autour de leurs attentes vis-à-vis du travail et du sens que chacun entend donner à cette activité"

 

Les 3 autres axes de recommandations pour "re-considérer le travail"

"Au cœur du rapport, il y a la nécessité d'établir un pacte de confiance au sein des organisations", exposent Jean-Dominique Sénard et Sophie Thiéry, listant pour cela "l'écoute, le dialogue social, la reconnaissance, l'équilibre des temps, l'effectivité et la portabilité des droits, et la prévention des risques professionnels".  

Leur synthèse, intitulée "Re-considérer le travail", s'organise autour de 3 axes, en plus de celui sur la santé au travail :  

  • "Gagner la bataille de la confiance par une révolution des pratiques managériales et en associant davantage les travailleurs",  
  • "Adapter les organisations du travail, favoriser les équilibres des temps de vie et accompagner les transitions pour les travailleurs",  
  • "Assurer aux travailleurs des droits effectifs et portables tout au long de leur parcours professionnel"

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

Découvrir tous les contenus liés
Élodie Touret
Vous aimerez aussi