Alors que les députés doivent se prononcer, pour la troisième fois, sur la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, la commission des affaires sociales a amorcé le travail, hier. Le périmètre des personnes bénéficiaires et l'étendue de la réparation font débat. La proposition de loi, venue du Sénat, a été adoptée et ira donc dans l'hémicycle. Mais elle a largement été modifiée.
"Il y a pire que de ne pas faire, c'est faire semblant", a conclu Dominique Potier (PS) à l'issue du passage en commission de la loi portant création d'un fonds d'indemnisation des vicitimes de produits phytosanitaires dont il est le rapporteur. La proposition de loi votée il y a un an au Sénat, arrivée à l'Assemblée nationale via une niche du Groupe socialistes et apparentés, a été débattue en commission des affaires sociales ce 23 janvier 2019, qui l'a votée après l'avoir modifiée pour en limiter largement sa portée. Elle arrivera en séance plénière fin janvier.
Le fonds serait financé par la taxe sur les produits phytosanitaires, déjà existante mais qui serait augmentée, la MSA (mutualité sociale agricole), et la sécurité sociale. Le texte proposé en commission prévoyait qu'aussi bien les personnes exposées dans le cadre de leur travail que de leur environnement, mais aussi les enfants exposés in utero, pourraient bénéficier du fonds. En commission, deux amendements LREM qui semblent contradictoires ont été votés. L'un fixe l'indemnisation des victimes d'une exposition non professionnelle à 2023 (contre 2020 dans le cas d'une exposition professionnelle) et l'autre limite résolument les bénéficiaires à ceux dont la maladie professionnelle est reconnue et à leurs enfants exposés in utero.
"Symbolique"
La proposition de loi prévoyait que, contrairement à une réparation encadrée par le régime AT-MP, celle-ci ne serait pas forfaitaire mais intégrale, à l'image de ce qui existe pour le Fiva (fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante). En commission, les députés ont finalement refusé la réparation intégrale en lui préférant la forfaitaire, et n'ont pas voté pour la possibilité de recours.
Comme le prévoyait le texte proposé, les députés ont voté un renversement de la charge de la preuve. Le concerné n'aurait pas à prouver le lien de causalité entre sa maladie et son exposition, une commission médicale indépendante s'en chargerait. La liste des pathologies concernées serait fixée par arrêté. La proposition de loi prévoyait un délai de prescription des demandes de dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques ou de la date du premier certificat médical constatant l'aggravation de la maladie. En commission, les députés n'ont pas voté cette disposition. Toutes ces modifications adoptées rendent le texte "trop symbolique", a estimé Dominique Potier en conclusion. Selon lui, le texte tel qu'il est devenu n'apporte rien de plus que le système de réparation AT-MP actuel.
Pour lui, le fonds tel qu'il est dessiné par le Sénat permettait, à l'inverse, de contrebalancer les limites du régime AT-MP. Le socialiste met en avant la lente évolution des tableaux de maladie professionnelle. Il évoque aussi le déficit d'information : "la connaissance de cette voie d’indemnisation par les assurés et médecins traitants est insuffisante, et, dans le cadre du système complémentaire aux tableaux, la connaissance scientifique ne fait pas l’objet d’une diffusion suffisante au sein et à destination des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) pour que ceux-ci puissent jouer efficacement leur rôle de 'corde de rappel'", écrit-il dans son rapport. C'est un consensus : ces maladies sont largement sous-déclarées.
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Ce n'est pas la première fois que les députés ont à se prononcer sur le sujet. Comme le texte proposé par Nicole Bonnefoy (PS) voté à l'unanimité au Sénat n'était pas à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, les sénateurs avaient introduit le sujet dans le projet de loi dite EGAlim adoptée en septembre, en limitant cette fois-ci les bénéficiaires du fonds aux victimes professionnelles. Les députés avaient voté contre. Les sénateurs avaient réitéré leur démarche en intégrant la création du fonds dans le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), via un amendement du groupe socialiste et républicain. Nouvel échec.
La majorité avait voté à la place, à l'occasion de l'examen de la loi dite EGAlim, que "dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le financement et les modalités de la création, avant le 1er janvier 2020, d’un fonds d’indemnisation des victimes de maladies liées aux produits phytopharmaceutiques". Pour l'opposition, il s'agit d'un subterfuge. Un rapport de l'Igas, l'IGF et le CGAAER a déjà été rendu il y a un an au gouvernement. Il a évalué les dépenses annuelles du fonds, entre 28 millions d'euros et 93 millions d'euros sur dix ans, selon le scénario retenu, qui varie en fonction des périmètres des maladies, des victimes prises en charges, et des préjudices.
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"Jouer la montre avec un énième rapport sur le sujet relève d’une pratique d’expérimentation humaine inadmissible au regard de ce qui est déjà connu de si longue date", estime de son côté Phyto-victimes dans un communiqué du 21 janvier 2019. L'association de défense des victimes de pesticides fait remarquer que lorsqu'il était sénateur de de la Drôme, Didier Guillaume, maintenant ministre de l'Agriculture, avait voté pour la création de ce fonds d'indemnisation. "Nous ne pourrions comprendre qu’il s’y oppose, aujourd’hui, en tant que ministre", prévient-elle.
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