Les entreprises devront-elles bientôt rendre accessibles à tous leurs accords d'entreprise ? C'est l'une des mesures du projet de loi Travail. En l'état actuel, le texte leur ouvre toutefois la possibilité de s'y opposer si la publication est susceptible de leur créer un préjudice.
Le projet de loi Travail se donne pour ambition de développer la négociation d'entreprise. Elle n'est pourtant pas si atone que cela. En 2014, 36 500 accords d'entreprise ont ainsi été conclus selon le dernier bilan de la DGT. Le manque de visibilité sur les accords d'entreprise conclus peut peut-être expliquer - en partie - ce sentiment d'inertie. Mais le projet de loi Travail pourrait bien changer la donne.
Des accords publiés sauf opposition de l'entreprise
Le projet de loi prévoit ainsi que les accords d'entreprise et d'établissement ou de branche seront rendus publics et versés dans une base de données nationale et gratuite dont le contenu sera publié en ligne "dans un standard ouvert aisément réutilisable". L'employeur pourra toutefois s’opposer à la publication d’un accord s’il estime que sa diffusion serait préjudiciable à l’entreprise, pour des raisons de non-divulgation d’informations sensibles sur la stratégie de l’entreprise. "Cette exigence d’accessibilité du droit conventionnel doit être conciliée avec la protection des intérêts de l’entreprise. Certains accords contiennent des informations sensibles sur la situation de l’entreprise, sa stratégie ou sa politique en matière de ressources humaines, ou encore des informations qui relèvent du secret industriel et commercial", justifie le gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi. L'entreprise qui souhaite s'opposer à la publicité devra le faire au moment du dépôt de l'accord. L'opposition devra être notifiée aux signataires et à la Direccte.
Qui pourra s'opposer à la publication de l'accord ?
Des questions restent toutefois en suspens. L'opposition de l'entreprise devra-t-elle être motivée ? Par ailleurs qui pourra s'opposer à la publication ? A la lecture du texte, il semblerait que seule l'entreprise le pourra ; l'opposition devra seulement être "notifiée" aux signataires. Reste à savoir si les organisations syndicales pourraient contester le refus de publication, voire même s'opposer à la publication si l'entreprise ne le fait pas. Les réponses seront peut être dans le décret d'application prévu par la loi. Un décret devra en effet préciser les modalités pratiques de cette diffusion. Il devra notamment "définir la procédure la plus efficace, tout en garantissant l’anonymisation des données confidentielles", précise l'étude d'impact.
Des effets vertueux ?
Au-delà d'une plus grande transparence et accessibilité des accords d'entreprise, le gouvernement espère que cette publicité produira des effets vertueux en contribuant au développement des bonnes pratiques. En revanche, le gouvernement ne nie pas que cela demandera plus de travail pour l'administration. "Les services d’enregistrement des accords dans les Direccte devraient être impactés par cette procédure".
Les règles de publicité actuelles |
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Aujourd'hui, une publicité existe déjà au moins pour les salariés des entreprises concernées, mais "ces obligations restent trop souvent formelles et en décalage avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le mode d’accès au droit conventionnel d’entreprise ne permet plus aujourd’hui de répondre au besoin d’information des salariés comme des candidats à un poste au sein de l’entreprise", souligne l'étude d'impact.
Les entreprises doivent aujourd'hui déposer les accords qu'elles concluent auprès des Direccte. Par ailleurs, toute personne intéressée peut en prendre connaissance gratuitement.
Les entreprises doivent également porter à la connaissance de leurs salariés les conventions collectives applicables (les accords de branche sont également visés), avec affichage d'un avis sur le lieu de travail, aux emplacements réservés aux communications destinées au personnel. Cet avis doit comporter l'intitulé des conventions et accords collectifs applicables dans l'établissement. Il doit préciser où les textes sont tenus à la disposition des salariés sur le lieu de travail ainsi que les modalités leur permettant de les consulter pendant leur temps de présence. Les modifications ou compléments à apporter aux informations figurant sur cet avis doivent l'être dans un délai d'un mois à compter de leur date d'effet.
Dans les entreprises dotées d'un intranet, l'employeur doit mettre sur celui-ci à disposition des salariés un exemplaire à jour de la convention ou de l'accord par lequel il est tenu. Cette obligation se cumule avec la mise à disposition d'un exemplaire en libre consultation.
L'employeur fournit par ailleurs chaque année au comité d'entreprise, aux délégués syndicaux ou, à défaut, aux délégués du personnel, la liste des modifications apportées aux conventions ou accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ; à défaut de délégués du personnel, cette information est communiquée aux salariés.
Reste que pour les personnes extérieures à l'entreprise, la connaissance des accords d'entreprise est plus incertaine.
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Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.
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