"Les exigences de mon travail ont un impact négatif sur ma santé mentale", disent 4 salariés sur 10

14.03.2023

HSE

Le cabinet Empreinte humaine vient de publier la 11e édition du baromètre qu'il tient très régulièrement depuis 3 ans. Les résultats ne sont toujours pas bons : 44 % des salariés sont dans une situation de "détresse psychologique". Pourtant, 90 % des travailleurs répondent qu'avoir un travail est bon pour la santé mentale, et 80 % aiment leur travail.

44 % des salariés sont dans une situation de "détresse psychologique". Une proportion toujours aussi élevée, trois ans après le début de la crise sanitaire. Empreinte humaine calcule cet indicateur régulièrement depuis avril 2020. Il s'agit là des résultats de la 11e édition, publiés le 9 mars 2023 (*). "Tant que des actions de fond ne seront pas menées, les conséquences sur l'absentéisme, les arrêts maladie, le turn-over ou le rapport dégradé au travail continueront à être observées dans les prochains mois", prédit Christophe Nguyen, président du cabinet spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux. Les trois-quarts des répondants déclarent que "leur état de santé psychologique est lié partiellement ou totalement au travail".

"Plus l'état de santé mentale est affecté, plus le rapport au travail en subit les conséquences", constate Empreinte humaine : 1 salarié sur 2 dit qu'avoir vu un des ses collègues faire un burn-out l'a amené à se poser des questions sur son propre travail, 1 sur 2 se reconnaît dans le "quiet quiting", et 54 % disent moins tolérer le stress professionnel. Pour le cabinet, ces chiffres témoignent d'un "nouveau rapport au travail". Les jeunes (moins de 29 ans), les femmes, et les managers sont les toujours les plus exposés à la détresse psychologique.

"Les gens savent" 

Est-ce de la flemme, les gens ne veulent-ils plus travailler, ne voient-ils plus que le mauvais côté du travail ? Loin de là. 90 % répondent qu'avoir un travail est bon pour la santé mentale, 80 % aiment leur travail, notamment car ils continuent à apprendre et voient qu'ils s'améliorent encore. Cependant – et c'est là que le bât blesse – 4 salariés sur 10 indiquent que "les exigences de leur travail ont un impact négatif sur leur santé mentale".  

"Les gens savent, commente Christophe Nguyen. Ils savent que le travail est bon pour la santé mentale, mais ils sont déçus par le management, ils ne veulent plus qu'on leur demande un surinvestissement permanent. Ils aiment apprendre, avoir de l'autonomie, être utiles... mais ils le font de moins en moins, à cause des process, reportings, réunions." 55 % ont l'impression que leur travail n'est qu'une ressource servant investisseurs et actionnaires.  

"Les gens ne veulent pas moins travailler, ils veulent être plus efficaces et travailler mieux, poursuit le psychologue du travail. Entre 75 et 90 % disent que s'ils travaillaient dans un environnement sain, ils pourraient donner plus." Les salariés français attendent aussi de la reconnaissance, via leurs salaires et primes, mais pas uniquement. Alors que 40 % se disent "épuisés au travail", 8/10 déclarent être moins fatigués quand ils sont reconnus. "Il faut dire à son collaborateur, lorsqu'il vient d'accomplir une tâche importante, "bravo, c'est bien, j'ai vu ce que tu as fait, à charge de revanche !"", conseille Christophe Nguyen.  

"5 fruits et légumes par jour, mais rien pour prévenir le burn-out" 

Pour le dirigeant d'Empreinte humaine, il est urgent d'"être dans la guidance" et d'"organiser la connaissance exploitable" pour la livrer de façon simple aux patrons et aux managers, avec des exemples "très concrets" de "ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire". Il regrette que l'on soit "trop dans une vision de court terme", sans voir "le lien entre santé mentale au travail et économie". 

"Les pouvoir publics n'ont pas envie de mettre de nouvelles obligations pour les employeurs, et on ne veut pas dire que le travail fait souffrir. Il faudrait pourtant en faire une question de santé publique, plaide-t-il : on a la loi Évin, les 5 fruits et légumes par jour, mais rien pour prévenir le burn-out." Christophe Nguyen déplore des PST (plans santé au travail) trop techniques, pas assez concrets, et des plaquettes ou guides sur les RPS qui restent insuffisants. Il faudrait selon lui développer les "incitations financières" pour mettre en œuvre des actions de prévention "validées scientifiquement".

 

Qu'est-ce que la "détresse psychologique" ?

La "détresse psychologique chevauche à la fois des symptômes de dépression et d’épuisement", présente l'étude, soulignant que "lorsqu'elle n'est pas traitée, elle risque d'entraîner des problèmes de santé graves" comme l'hypertension, des troubles anxieux, la dépression sévère, des troubles addictifs.  

Il est plus pertinent d'évaluer la "détresse psychologique" que le stress, nous expliquait en 2021 Christophe Nguyen : "On peut toujours rétorquer qu'il y a du positif dans le stress, certains diront que l'on peut manager avec le stress… Alors que l'on ne peut clairement pas manager avec la détresse". 

L'indicateur est obtenu à l'issue d'un questionnaire "validé scientifiquement", insiste Empreinte humaine. Contrairement à la plupart des autres résultats du baromètre, la "détresse psychologique" n'est pas déclarative. Autrement dit, il ne s'agit pas de répondre à la question "vous sentez-vous en détresse psychologique ?".

 

(*) Menée par Opinion way pour Empreinte humaine, la 11e édition du baromètre a été réalisée en ligne. Le recueil a été fait du 7 au 17 février 2023, auprès d'un panel représentatif de 2.000 salariés, constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d'âge, de secteur d'activité, de nature d'employeur et de taille d'entreprise. 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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