Les tableaux de maladies professionnelles : un système à bout de souffle

Les tableaux de maladies professionnelles : un système à bout de souffle

02.05.2016

HSE

Le système des tableaux professionnels qui conditionne en partie la réparation des maladies professionnelles, doit-il être remis à plat ? Toute révision, quand il y a lieu, est déjà laborieuse, et la commission spécialisée au sein du Coct est accusée d'inefficacité.

Des discussions sans fin. Les travaux portant sur une révision, ou plus rarement sur la création d'un tableau de maladie professionnelle peuvent se résumer en cette formule lapidaire. En témoigne la renégociation du tableau 57 (sur les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, des TMS), démarrée en 2008, à la demande du ministère du Travail et de l'assurance maladie. Le tableau sur les TMS ne correspondait plus aux organisations du travail. Une nouvelle rédaction s'imposait, sous la houlette de la commission spécialisée n°4 du Coct (conseil d'orientation sur les conditions de travail), relative aux pathologies professionnelles.

Baisse artificielle des TMS

Trois ans plus tard le paragraphe A (sur l'épaule) est révisé en 2011, puis le paragraphe B (coude) en 2012 et le paragraphe C (poignet, main et doigt) en 2013. Las ! Les modifications apportées, notamment celles limitant les travaux susceptibles d'entraîner ces maladies, l'introduction de durées quotidiennes d'expositions, suscitent la colère de la CFDT et de la CGT. "Les critères d'expositions se sont durcis et entraînent une baisse des reconnaissances, alors que les TMS restent une épidémie socialement inacceptable", critique Hervé Garnier, secrétaire national CFDT en charge du travail et de la santé au travail. Selon le bilan 2014 sur les conditions de travail, "le nombre de maladies professionnelles nouvelles a diminué de 5,8 % entre 2011 et 2013 sur les troubles musculo-squelettiques, qui représentent un peu plus de 85 % des maladies professionnelles en 2013". "Avant, vous travailliez les bras en l'air, vous aviez mal à l'épaule, vous rentriez dans les clous. Aujourd'hui, il faut par exemple avoir l'épaule levée d'une certaine manière pendant 3h30 par jour en cumulé pour pouvoir prétendre à une reconnaissance en maladie professionnelle", admet Bernard Salengro, membre (CGC) du Coct.

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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Une réparation fondée sur les tableaux, fruit d'un compromis

Se déroulant dans une indifférence sociale, ces discussions sont pourtant lourdes d'enjeux. Il existe actuellement 114 tableaux, qui sont le fruit d'un compromis social. "Un compromis social plutôt favorable à l'employeur car le système des tableaux ne reconnaît pas l'ensemble des maladies professionnelles", observe Pierre-Yves Montéléon, membre CFTC du Coct. Dans son Dictionnaire historique et philosophique de la médecine (PUF, 2003), Philippe Davezies écrit que "le dispositif mis en place en 1898 est fondé sur la notion de risque professionnel". "La pathologie professionnelle est le prix que la collectivité doit payer pour l’augmentation de sa richesse. La loi prévoit donc que les employeurs seront responsables de la réparation mais qu’il s’agira d’une responsabilité sans faute vis-à-vis de laquelle ils pourront s’assurer. D’autre part, le salarié victime supportera lui-même une partie du coût : la réparation du préjudice ne sera que partielle."

Une commission accusée de tous les maux

Les partenaires sociaux, qui siègent au sein de la commission spécialisée n°4 du Coct, en charge de réfléchir aux tableaux professionnels, trouvent difficilement un terrain d'entente. Lors de la réunion du 24 novembre 2014, le bilan sur les conditions de travail relate ainsi que "les représentants des salariés et des employeurs ne sont pas parvenus à s’accorder sur une extension de la reconnaissance comme maladie professionnelle de la gale pour les personnels des services sociaux". Pour Hervé Garnier, "les débats au sein de la commission spécialisée sont devenus trop techniques, la dimension politique est gommée”. Une dérive technocratique qui remonte au début des années 30, pour Philippe Davezies : "Les maladies professionnelles vont disparaître pour longtemps du débat public. Au contraire, la vigilance du patronat vis-à-vis de la réparation des maladies professionnelles ne faiblira pas. Avec l’objectif de limiter les coûts pour l’entreprise et donc de freiner le développement de la liste". Lente, trop technique, insuffisamment politique, inutile, experts partisans... La commission spécialisée est taxée de nombreux maux.

À bout de souffle

À tel point que la CFDT, la CGT exigent une remise à plat. "L'idée est de revenir à un fonctionnement plus efficace, avec des experts qui mènent une réflexion contradictoire, et ensuite, des partenaires sociaux qui émettent un avis", plaide Hervé Garnier. Dans tous les cas, son avis reste consultatif, l’État a le dernier mot. Plus globalement, des voix dénoncent un système dépassé. "Les tableaux ont atteint leurs limites avec des maladies plurifactorielles. Le lien était assez évident, pour un travailleur qui était atteint d'une colique de plomb et qui avait inhalé du plomb. Mais une tendinite du coude peut être liée au fait qu'il joue au tennis, ou à une gestuelle professionnelle", explique le professeur Paul Frimat, président de la commission spécialisée du Coct, ex-président en charge du groupe de travail sur le tableau 57. C'est dire si un tableau sur le burn-out n'est pas prêt de voir le jour.

Sarah Delattre
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