Loi pouvoir d'achat : les alternatives au gaz russe

05.09.2022

HSE

Pour sécuriser l'approvisionnement énergétique, la loi mise, de façon temporaire, sur les énergies fossiles en proposant la réouverture temporaire de la centrale à charbon de St Avold et l'implantation d'un terminal méthanier flottant au Havre. Elle prévoit aussi le renforcement des obligations de stockage de gaz naturel.

Les modalités d’approvisionnement de la France en gaz naturel ont été bouleversées depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pour garantir sa sécurité énergétique, elle doit trouver des alternatives au gaz et au pétrole russes.  Le titre III sur la souveraineté énergétique de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat semble avoir trouvé une solution, temporaire, qui fait une grande part aux énergies fossiles.

En effet, la loi pouvoir d’achat envisage redémarrage de la centrale à charbon de St Avold, arrêtée depuis mars 2022, et l’exploitation d’un terminal méthanier flottant au Havre pour importer du gaz naturel liquéfié. Il serait alors possible d’acheminer du gaz de schiste des Etats-Unis. Les infrastructures de stockage doivent aussi se renforcer.

Renforcement des obligations de stockage de gaz naturel

Afin de mieux maîtriser la gestion des stocks de gaz naturel, l’article 23 de la loi instaure une trajectoire annuelle et un objectif minimal de remplissage des infrastructures de stockage.

Un nouvel article L. 421-7-2 du code de l’énergie permet au ministre chargé de l’énergie de fixer par arrêté, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), une trajectoire annuelle de remplissage des infrastructures de stockage ainsi qu’un objectif minimal de remplissage au 1er novembre de chaque année aux opérateurs des infrastructures de stockage. La trajectoire est composée d'objectifs intermédiaires.

 

Remarque : actuellement, le droit en vigueur impose aux fournisseurs une obligation de remplissage de leurs capacités de stockage à hauteur de 85 % au 1er novembre. Cette nouvelle mesure a pour but de pouvoir fixer une trajectoire allant au-delà des 85 %, pour remplir les stockages au maximum pour cet hiver.

 

En cas de remplissage insuffisant des capacités de stockage, le ministre chargé de l’énergie ordonne aux opérateurs de constituer les stocks de sécurité nécessaires pour respecter l’objectif minimal. Pour ce faire, les opérateurs utilisent, en priorité, les capacités de leurs installations qui n’ont pas été souscrites. Ils peuvent mobiliser la part non utilisée des capacités qui ont été souscrites.

La CRE se voit confier le suivi de l’atteinte des objectifs de la trajectoire de remplissage. Elle définit les modalités de constitution des stocks de sécurité par les opérateurs des infrastructures de stockage et les modalités de cession de ces stocks. Elle élabore les outils de prévision d’un risque de non-atteinte des objectifs de remplissage fixés par la trajectoire de remplissage.

Un décret en précisera les modalités et les conditions d’application. Les opérateurs des infrastructures de stockage ne sont pas autorisés à utiliser les stocks de sécurité en dehors des conditions fixées par ce décret et par la délibération de la CRE.

Les coûts associés à la constitution des stocks de sécurité, diminués des recettes associées à la cession de ces stocks, constituent des charges imputables aux obligations de service public.

Bientôt un terminal méthanier flottant au Havre

Face à la baisse des exportations de gaz russe vers l’Union européenne, des projets de raccordement de terminaux méthaniers flottants sont étudiés, en particulier sur le site portuaire du Havre.

Un terminal méthanier flottant constitue l’option la plus rapide pour accroître les capacités d’importation de gaz naturel. Il s’agit d’un navire servant d'installation de traitement de gaz naturel liquéfié, amarré dans un port où il est raccordé, par une canalisation, à un réseau de transport de gaz naturel. L’utilisation d’un équipement préexistant permet de limiter les travaux nécessaires à la seule canalisation de raccordement au réseau.

► Obligation de maintien en exploitation d’un terminal pour assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz 

L’article 29 de la loi permet de sécuriser l’exploitation d’un terminal méthanier flottant pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel. En contrepartie de l’obligation de maintien en exploitation, l’exploitant du terminal méthanier flottant peut bénéficier d’une couverture des coûts.

S’il est nécessaire d’augmenter les capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement, le ministre chargé de l’énergie peut décider de soumettre un terminal méthanier flottant ou un projet d’installation d’un tel terminal, qu’il désigne par arrêté.

Cette désignation emporte obligation pour l’opérateur de le maintenir en exploitation sur le territoire métropolitain continental pendant une durée fixée par l’arrêté eu égard aux besoins de la sécurité d’approvisionnement. L’arrêté fixe la date de mise en service du terminal méthanier flottant. Il peut également assigner à l’installation des capacités de traitement de gaz naturel liquéfié à atteindre.

Le terminal méthanier flottant demeure assujetti à la réglementation qui lui est applicable en matière de sécurité et d’environnement (droit international maritime, notamment).

L’opérateur du terminal méthanier flottant établit un programme annuel d’investissements, qu’il soumet pour approbation à la CRE. Ce programme comprend les opérations d’entretien ou de renouvellement des installations et des équipements.

Les tarifs d’utilisation des réseaux de transport (TURPE) de gaz naturel couvrent l’ensemble des coûts supportés par l’opérateur du terminal méthanier flottant. Les gestionnaires de réseau de transport de gaz naturel reversent leur dû aux opérateurs, selon des modalités fixées par la CRE. Si les recettes issues de l’exploitation du terminal sont supérieures aux coûts associés à l’obligation de maintien en exploitation, l’excédent de recettes est reversé par l’exploitant au gestionnaire de réseau, selon des modalités fixées par la CRE.

Les modalités d’établissement des TURPE ne peuvent bénéficier à un opérateur qui dispose d’une dérogation, prévue à l’article L. 111-109 du code de l’énergie, au droit d’accès mentionné à l’article L. 111-97. La décision accordant à l’opérateur, à sa demande, la dérogation prévue à l’article L. 111-109 du code de l’énergie mentionne les règles et les mécanismes applicables à la gestion et à l’attribution des capacités de l’installation, qui sont définis par la CRE.

► Régime dérogatoire pour accélérer la mise en service du terminal méthanier flottant du Havre

Le terminal méthanier flottant du Havre pourrait être mis en service en amont de l’hiver 2023-2024, sous réserve d’une réalisation rapide des procédures administratives. Pour ce faire, l’article 30 de la loi prévoit un régime procédural dérogatoire applicable à la réalisation du projet jusqu’au 1er janvier 2025, à la construction d’une canalisation de transport de gaz naturel d’une longueur de moins de 5 km et des installations annexes qui lui sont associées. La durée d’exploitation du terminal méthanier flottant ne peut dépasser cinq ans.

L’instruction des demandes préalables aux travaux et aux aménagements portuaires nécessaires à la réalisation du projet, notamment la demande de l’autorisation de construction et d’exploitation d’une canalisation de transport de gaz naturel prévue à l’article L. 555-1 du code de l’environnement, peut être conduite selon tout ou partie de ces règles dérogatoires lorsque l’application des règles de droit commun est incompatible avec la finalité poursuivie par le projet, en particulier avec sa date de mise en service.

La transposition de la directive 2011/92 permet d’ouvrir la possibilité au ministre de l’environnement de dispenser le projet de la procédure d’évaluation environnementale en fonction de l’examen au cas par cas auquel ce projet est soumis.

Pour les seuls travaux et aménagements portuaires, dans l’éventualité d’une destruction d’espèces protégées ou d’habitats d’espèces protégées, la dérogation prévue au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement peut être délivrée. Les travaux peuvent démarrer sans attendre la validation finale des mesures de compensation, sur la base de mesures d’évitement et de réduction, ainsi que de mesures de compensation provisoires ou d’une poursuite ultérieure des travaux d’identification des mesures de compensation.

La demande d’autorisation de construire et exploiter la canalisation de transport de gaz naturel visant à raccorder le terminal méthanier flottant au réseau de transport de gaz naturel est simplifiée : les consultations obligatoires sont réduites, le délai de consultation des communes traversées par la canalisation et de celles-situées à moins de 500 mètres de cette canalisation est raccourci. Toutefois l’autorisation ne peut être délivrée qu’après la réalisation d’une procédure de participation du public dans les conditions prévues à l’article L. 123-19-2 (participation par voie électronique d’une durée de 15 jours).

Les travaux préparatoires à la pose de la canalisation soumis à un régime déclaratif peuvent démarrer avant l’obtention de l’autorisation de construire et d’exploiter la canalisation, si les travaux sont réalisés dans un milieu déjà artificialisé.

L’exploitant doit transmettre au préfet une étude sur les impacts environnementaux associés à l’exploitation du terminal méthanier flottant, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes, d’atteintes à la biodiversité et de consommation d’eau et d’autres ressources naturelles. Elle est réalisée dans un délai de six mois à compter de sa mise en service. L’étude précise le scénario de référence retenu, les hypothèses de détermination des impacts et, le cas échéant, les incertitudes et les impossibilités de quantification de certains impacts.

Le préfet communique régulièrement, au cours de l’instruction du projet et au moins une fois par an pendant la durée d’exploitation du terminal à la commission de suivi de site territorialement compétente les informations relatives aux nuisances, dangers et inconvénients présentés par les infrastructures et installations.

Six mois avant la fin de l’exploitation du terminal méthanier flottant, l’exploitant remet une étude sur les conditions de démantèlement de l’exploitation, sur les mesures de compensation mises en œuvre, sur l’état de la biodiversité et des sols ainsi que sur l’avenir des personnels. Elle est notifiée par l’exploitant au préfet du département, qui la met à disposition du public par voie électronique et la transmet sans délai au Parlement ainsi qu’aux collectivités concernées.

► Des dispositions conformes à la Constitution

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les articles 29 et 30 de la loi pouvoir d'achat. Selon les députés requérants, ces dispositions autorisent qu'il soit porté à l'environnement des atteintes irréversibles et méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et les exigences découlant des articles 1er, 5 et 6 de la Charte de l'environnement. 

Le Conseil constitutionnel relève que ces dispositions :

  • visent à répondre à des difficultés d'approvisionnement énergétique en gaz par l'augmentation des capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié. Ce faisant, elles mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique ;
  • ne trouvent à s’appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en gaz. Par une réserve d'interprétation formulée en des termes inédits, le Conseil constitutionnel juge, qu'il résulte cependant du préambule de la Charte de l'environnement que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l'article 1er de la Charte de l'environnement, ces dispositions ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en gaz ;
  • précisent que le terminal méthanier flottant désigné par arrêté est soumis aux règles et aux contrôles de sécurité internationalement reconnus applicables à la catégorie des navires, et en particulier à ceux prenant en charge du gaz naturel liquéfié, ainsi qu'à l'ensemble des prescriptions prises par le préfet, afin notamment de prévenir les inconvénients ou dangers pour l'environnement. Ces prescriptions précisent les obligations liées au démantèlement ou à l'adaptation des installations et des équipements à l'issue de leur exploitation, incluant les éventuelles obligations de renaturation du site ;
  • encadrent les dérogations procédurales s'appliquant pour la réalisation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre.

Le Conseil constitutionnel en déduit, sous la réserve précédemment énoncée, que les dispositions des articles 29 et 30 sont conformes à la Constitution.

Reprise temporaire des centrales à charbon

En fixant une limite annuelle de fonctionnement, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a conduit à la cessation des activités des quatre centrales à charbon implantées sur le territoire national. Afin de réduire l’impact social de cette décision, l’ordonnance du 29 juillet 2020 a prévu un accompagnement renforcé de l’Etat et des obligations de reclassement.

► Des dispositions dérogatoires au droit du travail

Pour faire face aux risques sur l’approvisionnement en gaz, il a été décidé de refaire fonctionner la centrale de Saint-Avold (Moselle). La reprise temporaire d’activité de la centrale implique le réembauchage d’anciens salariés, déjà formés, actuellement en congé de reclassement.

L’article 32 de la loi encadre la conclusion des contrats à durée déterminée (CDD) ou des contrats de mission, des salariés de la centrale de Saint-Avold en congé de reclassement, afin de ne pas remettre en cause les avantages qu’ils ont acquis dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Des dérogations temporaires à plusieurs dispositions législatives du code du travail sont prévues : suspension du congé de reclassement ou du congé d’accompagnement, conclusion du contrat dans les 6 mois suivant le licenciement pour motif économique, durée du contrat pouvant aller jusqu’à 36 mois, renouvellement, sans délai de carence entre deux contrats, des CDD ou des contrats de mission.

Ces dérogations sont applicables aux contrats conclus à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023.

► Rehaussement du plafond d'émissions de gaz à effet de serre

L’article 36 de la loi donne une base légale à la reprise ou au renforcement de l’activité des centrales à charbon. Un décret peut rehausser le plafond d’émissions de gaz à effet de serre applicable aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national.

► Compensation renforcée des émissions de gaz à effet de serre

L’article 36 soumet les exploitants des installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles à une obligation de compensation additionnelle des émissions de gaz à effet de serre résultant du rehaussement du plafond d’émissions de gaz à effet de serre.

Les exploitants des installations concernées sont soumis, sous peine de sanctions définies par décret, à une obligation de compensation des émissions de gaz à effet de serre résultant du rehaussement de ce plafond d’émissions. Cette compensation doit permettre de financer des projets de compensation situés sur le territoire français et favorisant notamment le renouvellement forestier, le boisement, l’agroforesterie, l’agrosylvopastoralisme ou l’adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage naturel de carbone. En application de l'article L. 229-55 du code de l'environnement, les réductions et séquestrations d'émissions issues de ces projets doivent être mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles.

L’obligation de compensation des émissions ne dispense pas l’exploitant de ces installations, le cas échéant, du respect des obligations qui lui incombent en application de l’article L. 229-7. Les modalités de mise en œuvre, notamment le niveau et les modalités de l’obligation de compensation sont fixées par décret.

► Des dispositions constitutionnelles

Les députés requérants dénoncent les dommages irréversibles qu'un tel rehaussement causerait à l'environnement ainsi que l'absence de précision sur la portée de l'obligation de compensation de cette mesure prévue par les dispositions déférées. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de l'article 6 de la Charte de l'environnement. Mais le Conseil constitutionnel a admis la conformité des articles 32 et 36 de la loi à la constitution.

En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu limiter le risque de défaillance du système électrique national. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique.

Il incombe au pouvoir réglementaire de fixer le niveau et les modalités de cette obligation afin de compenser effectivement la hausse des émissions de gaz à effet de serre et de ne pas compromettre le respect des objectifs de réduction de ces émissions et de réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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