Lubrizol : Élisabeth Borne assure que "le principe de pollueur-payeur s'applique totalement dès aujourd'hui"

Lubrizol : Élisabeth Borne assure que "le principe de pollueur-payeur s'applique totalement dès aujourd'hui"

03.10.2019

HSE

Hier soir, la ministre Élisabeth Borne a répondu – deux heures durant – aux questions des députés de la commission du développement durable, sur l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen. Au-delà des annonces sur les résultats des analyses, largement commentés, que répond la ministre sur la connaissance de la liste des produits chimiques par les services de l'État, sur la responsabilité de l'exploitant, ou plus généralement sur la culture du risque ? Verbatims.

La ministre de la transition écologique et solidaire, en charge des risques industriels et de leur prévention, a été auditionnée hier soir, mercredi 2 octobre 2019, par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, Le matin même, l'Assemblée avait décidé de se doter d'une mission d'information – voire d'une commission d'enquête – sur l'incendie qui s'est déclaré, dans la nuit du mercredi 25 au jeudi 26 septembre, dans l'usine Lubrizol de Rouen,  dégageant un gigantesque panache de fumée noirâtre et une forte odeur d’hydrocarbures soufrés. Mardi soir, la préfecture a indiqué que plus de 5 253 tonnes de produits ont été détruites dans les flammes de cette usine chimique classée Seveso seuil haut, notamment des additifs multi-usages et des produits améliorant de viscosité.

Deux heures durant, Élisabeth Borne a répondu aux questions des députés. Elle a encore répété "l'engagement de transparence absolue" du gouvernement, et que "toutes les mesures réalisées jusqu'à aujourd'hui sur la base des produits que nous avons recherchés n'ont pas fait apparaître de polluants anormaux". Mais au-delà de cette question essentielle, largement analysée et débattue et dans les médias, qu'a-t-elle déclaré sur la gestion des risques dans les installations classées ? Nous avons sélectionné plusieurs verbatims à retenir.

► Quel est le rôle du ministère de la transition écologique et solidaire lors d'un accident de ce type ?

"Sur de telles installations, le ministère de la transition écologique et solidaire est plus particulièrement chargé des risques industriels. En cas d'accident, il est chargé de prévenir tout risque de sur-accident, de contrôler la réalisation par l'exploitant des opérations de dépollution et de superviser l'évaluation à court, moyen et long terme de l'impact environnemental, en s'appuyant sur l'expertise des agences de l'État spécialisées et en s'assurant que les industriels assument toutes les responsabilités qui sont les leurs."

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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► Qu'a-t-il été demandé à l'exploitant ?

"Les services de l'État ont fixé deux priorités claires à l'exploitant dès l'extinction de l'incendie : mettre en sécurité le site, pour éviter tout risque de sur-accident, et traiter les sources d'odeurs. Ce qui passe par le nettoyage des résidus de combustion sur le site – car ce sont sans doute notamment ces résidus qui donnent l'impression de vivre dans une station-service, comme le relatent certains habitants – mais également par l'évacuation des 1 000 fûts endommagés, dont 160 pouvant être à l'origine d'émanations. Le préfet a validé [mardi] soir le protocole de traitement, avec notamment le confinement sous une tente, et nous avons demandé très fermement à l'exploitant de le mettre en œuvre dans les meilleurs délais."

► Et maintenant, quelles sont les attentes de l'État envers l'exploitant ?

"Nous procèderons pour la phase post-accidentelle qui vient de débuter avec le même niveau d'exigence et de transparence. L'objectif de cette phase est clair : procéder à l'évaluation la plus précise possible des conséquences dans la durée sur l'environnement et sur la santé de cette catastrophe. Pour cela les services de l'État avancent avec un protocole très clair : cela passe d'abord par affiner les substances susceptibles d'avoir été émises dans l'environnement."

"Nous recherchons dès à présent des polluants émis en plus petite quantité ou ayant des effets potentiels à plus long terme. […] Nous avons saisi l'Ineris et l'Anses pour nous aider à identifier quels sont les polluants formés lors de la combustion de ces substances qui sont les plus pertinents à rechercher dans le cadre de la surveillance de l'environnement. Ces données approfondies nous permettrons d'alimenter la surveillance de l'ensemble des impacts environnementaux, dans l'eau, dans l'air, dans les sols, dans les produits agricoles."

"La surveillance été prescrite à l'exploitant Lubrizol, et bien-sûr, les résultats des analyses déjà engagées seront versés à cette surveillance."

► Les services de l'État n'avaient-ils pas accès à la liste des produits chimiques présents sur le site, même si cette information n'est plus publique pour des raisons de sûreté ? Pourquoi la liste des produits ayant brûlés n'a été diffusée que mardi soir ?

"Oui, les autorités publiques ont accès à la liste de tous les produits entreposés dans tous les sites Seveso, puisque les autorisations de ces installations comportent la liste des produits et les quantités maximales autorisées sur le site."

"Il faut différencier la liste exhaustive des produits et leur quantité maximale, qui figure dans les autorisations ICPE, et la liste demandée à l'exploitant s'agissant des 15 % de son site qui a subit l'incendie. C'est celle-là que nous n'avons eue [que mardi]."

"Il n'existe pas a priori [dans les informations conservées par les services de l'État] des informations sur les produits contenus dans un périmètre particulier et c'est donc la question que nous avons posée à l'exploitant. […] Par ailleurs, nous lui avions suggéré de rendre [la liste] lisible et vous pourrez constater dans le document qui est en ligne que ce n'est pas très grand public… Mais en tout cas cette liste, nous l'avons rendue publique quand nous l'avons eue."

► Y aura-t-il un arrêté de catastrophe technologique ? L'État indemnisera-t-il les activités impactées, telles que les exploitations agricoles ? Quid du principe pollueur-payeur ?

"L'état de catastrophe technologique renvoie à la situation qui avait été constatée après AZF, où je crois que l'on avait 26 000 logements endommagés, avec des vitres brisées, etc, et 1200 logements totalement inutilisables… Cet état de catastrophe technologique ouvre la possibilité de lever les franchises d'assurance sur ce type de dommages. En aucun cas cela ne permet d'assurer une prise en charge d'activités telles que celles des agriculteurs.

"Le principe de pollueur-payeur s'applique totalement dès aujourd'hui : tous les nettoyages qui sont réalisés peuvent être mis à la charge de l'exploitant, ou encore les interventions des entreprises sur les morceaux de toits amiantés."

"On pourra creuser davantage s'il y a des dommages qui ne seraient pas bien couverts aujourd'hui, mais je pense que ce principe de pollueur-payeur est vraiment celui qui guide la législation sur les installations classées. Et en l'état de ce qu'est l'état de catastrophe technologique, il n'apparaît pas aujourd'hui que cela puisse être la réponse adaptée à la situation, même si je suis bien consciente que les populations vivent un état de catastrophe industrielle."

"C'est l'industriel et non pas l'État qui a la responsabilité de payer toutes les indemnisations résultant de ce qu'il s'est passé sur le site industriel."

► Que sait-on des causes potentielles de l'accident ? L'installation était-elle régulièrement surveillée ?

"Il faudra assurer la pleine transparence sur les causes accident : dès jeudi 26, j'ai annoncé le lancement d'une enquête administrative qui complètera l'enquête pénale en cours. De nombreuses zones d'ombre demeurent, à commencer par l'origine même de l'incendie. […] L'enquête administrative ne pourra pas aboutir indépendamment enquête judiciaire."

"Ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'est pas normal [qu'il y ait eu un tel incendie] dans ce site extrêmement surveillé. Des inspections réalisées en 2017 avaient conduit à mettre en demeure l'industriel de renforcer son système de protection de l'incendie. On avait pu constater que cela avait été fait en 2018, et cela a à nouveau été inspecté en 2019. Dans ce hangar, il y a des dispositifs de protection contre l'incendie a priori très puissants, des sprinklers, et aujourd'hui on ne sait pas, on ne comprend pas pourquoi ces dispositifs, alors qu'ils sont dimensionnés pour, ils n'ont pas permis d'éviter l'incendie."

"Ce site faisait l'objet d'une surveillance rigoureuse de l'inspections des installations classées de la Dreal. Depuis le précédent incident en 2013, près 39 inspections ont réalisées sur le site, les dernières en juin et septembre 2019, et le PPRT a été approuvé en 2014."

► Quelles conséquences en tirer pour d'autres exploitations ?

"Nous ne disposerons d'une analyse plus précise des causes que d'ici quelques semaines, mais d'ici là, j'ai saisi l'ensemble des préfets afin qu'ils demandent aux exploitant des sites Seveso de renforcer leur vigilance et d'interroger leur propres système de procédure de gestion des risques au regard de cet incendie."

"Pour que l'enquête administrative puisse avancer et que l'on puisse en tirer conséquences, éventuellement le renforcement des prescriptions qui pourront être mises en œuvre, il faut qu'on comprenne en premier lieu ce qu'il s'est passé."

► L'information des citoyens est-elle suffisante ?

"Alors que de nombreuses fausses informations sont diffusées depuis jeudi, nous devons travailler à renforcer l'information de la population en amont de la crise, pour développer une culture du risque, mais aussi pendant et après la crise. C'est un sujet sur lequel je souhaite que nous travaillons avec le ministère de l'intérieur."

"Effectivement, peut-être qu'on pourra retenir qu'on aurait pu, qu'on aurait dû avoir une meilleure associations des élus, des associations environnementales. On a certainement à y réfléchir, y compris en prenant en appui sur les Clic (comités locaux d'information et de concertation)."

Élodie Touret
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