En obligeant les autorités sanitaires à publier des enquêtes datant de plusieurs années, la pression médiatique a mis en évidence l’inertie générée par les démarches scientifiques trop rigoureuses en matière de pollution environnementale. Malgré le manque de preuves, c’est bien la mise en accusation des pesticides qui va permettre de lancer de nouvelles recherches pour éclaircir la situation des bébés nés avec des malformations dans l’Ain, le Morbihan et la Loire-Atlantique.
L'automne a été difficile pour Santé publique France (SPF). En quelques semaines, l’agence a été accusée d’avoir pris à la légère trois enquêtes relevant un nombre anormal de naissances de bébés nés avec des agénésies transverses des membres supérieurs. Puis d’avoir voulu casser le thermomètre en arrêtant de financer le registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera).
Le combat mené par cette association pour assurer sa survie et l’emballement médiatique qui a suivi ont finalement relancé l’affaire dite des bébés sans bras en obligeant SPF à publier des rapports conservés dans un tiroir depuis 2016.
Dans l’Ain, dans le Morbihan et en Loire-Atlantique, trois poches (ou clusters) d’enfants présentant des malformations et nés dans des rayons de quelques kilomètres ont été identifiées entre 2009 et 2014. Et si aucune preuve ne permet pour le moment de les accuser directement, les pesticides sont clairement montrés du doigt.
Est-ce aller vite en besogne ? Sans doute. Mais nommer de possibles responsables a inéluctablement fait avancer le dossier. Et cet épisode donne de nouveaux arguments aux adeptes du principe de précaution qui estiment qu’il est dangereux d’attendre en permanence des preuves pour agir.
Dans une tribune publiée le 29 octobre, plusieurs médecins et universitaires se plaignent en particulier des "délais considérables existant entre les alertes aux services concernés et les investigations, les signalements dans l’Ain datant de 2010".
S’ils ont conscience qu’on ne peut pas scientifiquement incriminer l’usage des pesticides, les signataires retournent l’argument et estiment que "rien ne permet actuellement d’infirmer [qu’ils] n’en soient pas la cause". Ils énoncent au passage une multitude d’autres effets toxiques que l’on a longtemps discutés avant qu’ils ne soient prouvés.
En attendant, la pollution se poursuit et les moyens ne sont pas toujours débloqués pour l’évaluer… Voire pour poser un bon diagnostic.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Dans l’affaire des bébés sans bras, l’approche légaliste de Remera a montré ses limites. Dans un article publié en juin 2017, la directrice du registre, Emmanuelle Amar, joue par exemple encore le jeu.
Elle s’évertue à éveiller les consciences en mettant l’accent sur "les risques reprotoxiques qui ont émergé et qui ne dépendent plus des seuls comportements individuels". Mais pour faire le lien entre les malformations congénitales et l’exposition environnementale, elle s’efforce de manier le conditionnel avec précaution.
Avec l’énergie du désespoir, elle n’a finalement pas hésité cet automne à insister sur la présence de champs de maïs et de tournesols à proximité de la zone identifiée dans l’Ain. Surtout, ses soutiens ont quant à eux clairement mis les pieds dans le plat en mettant en cause les pesticides.
C’est cette approche plus vindicative qui a remis le sujet sur la table. Et qui va finalement permettre aux scientifiques d’aller au bout des questions posées. Sans valider la thèse de la pollution environnementale, le ministre de la transition écologique et solidaire François de Rugy a estimé fin octobre qu’il fallait "lancer une nouvelle enquête pour faire la lumière sur l’origine de ces malformations".
Critiquée de toute part, SPF a de son côté été obligée de rouvrir son dossier. Fin octobre, l’agence a même annoncé onze cas suspects complémentaires dans le département de l’Ain entre 2000 et 2014… Une annonce qu’Emmanuelle Amar a moyennement appréciée car elle craint que l’on cherche à diluer son registre dans un ensemble plus vaste pour en conclure que la situation n’a rien d’anormal.
Quoi qu’il en soit, Remera a sauvé sa peau in extremis. Les procédures de licenciement engagées à l’encontre d’une équipe de scientifiques devenus des lanceurs d’alertes a finalement été suspendue – le directeur de SPF François Bourdillon ayant même affirmé la main sur le cœur qu’il n’avait jamais été question d’arrêter de financer le registre.
À Guidel dans le Morbihan où quatre cas ont été relevés entre 2011 et 2013, cet épisode a par ailleurs poussé la commune à organiser une réunion mardi 6 novembre. Elle a semble-t-il déjà permis à des familles non identifiées de signaler des cas similaires. Les empêcheurs de tourner en rond peuvent crier victoire.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.