Le tableau n° 61 doit permettre une meilleure reconnaissance du cancer de la prostate provoqué par les pesticides. Notamment suite à une exposition au chlordécone. Seuls les travailleurs agricoles sont concernés pour le moment.
Le ministre de l’agriculture l’avait promis avant la fin de l’année, c’était dans les temps : le décret du 20 décembre 2021 portant création du tableau de maladie professionnelle n°61 pour le cancer de la prostate dû à une exposition aux pesticides a été publié au Journal officiel. "Il permet de faciliter l’indemnisation des victimes", se félicite le gouvernement. Les concernés peuvent désormais faire valoir une présomption de causalité entre l’exposition professionnelle et la maladie. L’instruction des dossiers devrait passer de 8 à 4 mois, imagine le gouvernement.
Jusqu’à présent, la reconnaissance était théoriquement possible, mais uniquement après qu’un CRRMP (comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle) étudie les liens de causalité. Selon les chiffres de la Cnam, 12 demandes auraient été examinées entre 2011 et 2018, qui ont abouti à 3 reconnaissances.
La maladie doit être constatée dans un délai de maximum 40 ans, à partir de la fin de l’exposition aux pesticides. La victime doit justifier d’une durée d’exposition minimale de 10 ans, consécutifs ou non. Les travaux concernés sont ceux "exposant habituellement aux pesticides", "lors de la manipulation ou l'emploi de ces produits, par contact ou par inhalation", ou "par contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités ou lors de l'entretien des machines destinées à l'application des pesticides".
Le décret ne s’applique qu’aux salariés ou non salariés affiliés au régime agricole dans l’Hexagone et aux travailleurs agricoles du régime général dans les Outre-mer – où la particularité est que les travailleurs agricoles ne sont pas affiliés au régime agricole. Combien d’hommes vont désormais pouvoir faire reconnaître l’origine professionnelle de leur maladie ? "En l’absence de surveillance complète de l’exposition des salariés agricoles aux pesticides nous avons du mal à avoir, même de manière approximative, une idée du nombre de cancers de la prostate dus aux pesticides", explique-t-on à l’Inserm.
Nombreux Martiniquais et Guadeloupéens sont concernés. Parmi les produits phytosanitaires pouvant causer un cancer de la prostate, on trouve le chlordécone, largement utilisé dans les bananeraies des Antilles jusqu’en 1993. La prévalence de la maladie est bien plus élevée dans ces départements qu’ailleurs en France. Le plan Chlordécone IV 2021-2027, élaboré alors que la création du tableau était déjà envisagée, prévoit de renforcer l’information sur les procédures de reconnaissance, grâce à la publication d’un guide et un accueil physique.
La Confédération paysanne, plusieurs associations et des syndicats s’étaient prononcés en faveur d’une durée d’exposition minimale de 5 ans. Qu’elle soit finalement fixée à 10 ans, comme pour les deux autres tableaux traitant de l’exposition aux pesticides, "ne correspond pas aux connaissances scientifiques", estime Phytovictimes. Selon l’association, "cette décision a été prise pour des raisons purement financières et politiques, limitant ainsi le nombre de victimes éligibles".
Les hommes qui ne remplissent pas les conditions fixées dans le tableau devront solliciter un CRRMP spécialisé. En effet, pour uniformiser la politique de reconnaissance, depuis la mise en place du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, un seul et même comité traite toutes les demandes liées aux pesticides.
Ce tableau est le premier élaboré suivant une nouvelle méthode qui découple la phase d’analyse scientifique des débats socio-économiques entre partenaires sociaux. L’analyse scientifique a été réalisée par l’Anses, qui avait conclu en une relation causale "probable" entre le cancer de la prostate et l’exposition aux pesticides en général, et au chlordécone en particulier. Les débats sociaux-économiques ont eu lieu en Cosmap, commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture.
La disparité actuelle entre les régimes est l’une des raisons pour laquelle la mission d’expertise préalable est confiée à l’Anses. Cela pouvait donc laisser espérer la fin de l’inégalité de traitement : aujourd’hui, la reconnaissance de la maladie de Parkinson ou du lymphome malin non hodgkinien dus aux pesticides n’est possible, via les tableaux, que pour les travailleurs agricoles. Pourtant, le décret du 20 décembre ne concerne, encore une fois, que le régime agricole.
Dans son récent rapport sur le cancer de la prostate, l’Anses recommandait pourtant bien un tableau pour le régime général rappelant que des emplois de secteurs variés exposent aux pesticides (textile, traitement des déchets…). Le sujet a été discuté entre les partenaires sociaux. Cela "a fait l’objet de plusieurs réunions de travail de la commission spécialisée du Coct", nous indique-t-on à la Direction générale du travail, mais "en l’absence de consensus, aucune décision n’a été prise à ce stade pour le régime général".
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