Montagne d’Or : l’impossible consensus environnemental

Montagne d’Or : l’impossible consensus environnemental

06.06.2018

HSE

Mine d’emplois dans une Guyane sinistrée pour les uns, mirage économique et scandale environnemental annoncé pour les autres, le projet d’exploitation aurifère amazonien Montagne d’Or fait l’objet jusqu’au 7 juillet d’un débat public pour le moins animé. Zoom sur les questions posées par un projet totalement atypique en France.

Les ONG contre un projet industriel. À 125 km au sud de Saint-Laurent du Maroni, deuxième ville guyanaise en termes de population, l’opposition de WWF, de Greenpeace ou du collectif Or de question à l’opérateur minier Montagne d’Or frise le cliché. Et pourtant elle n’avait rien d’évident puisque cela fait plusieurs années que la hache de guerre semblait avoir été enterrée. Et que WWF en particulier travaillait avec les orpailleurs pour les aider à verdir leur activité et à lutter contre la filière illégale… Une union qui a notamment permis d’améliorer la traçabilité des matières extraites. Le mariage semble consommé.

Tous les ingrédients sont réunis pour que la série d’ateliers organisés par la Commission nationale du débat public du 7 mars au 7 juillet 2018 ne fasse pas réellement avancer le schmilblick. La filiale du Russe Nordgold et du Canadien Colombus Gold est soutenue entre autre par la CCI (chambre de commerce et d’industrie) qui considère l’exploitation du gisement aurifère comme "une opportunité de revitalisation, de création de valeur et d’emplois". L’UICN (union internationale pour la conservation de la nature) dénonce a contrario un projet qui "va à l’encontre des engagements internationaux de la France en matière d’environnement et de santé humaine".

Quelle remise en état ?

Alors que le gisement visé fait aujourd’hui l’objet d’une exploitation illégale, l’entreprise ne nie pas les risques, mais estime qu’elle offre justement une opportunité au territoire d’exploiter le filon dans des conditions sanitaires et légales acceptables, dans le respect des normes européennes et du fameux triptyque "éviter, réduire, compenser".

Très concrètement, le cyanure utilisé pour fixer la pulpe d’or sur du charbon actif sera par exemple confiné dans des bassins spécifiques et détruit après utilisation. Après douze ans d’exploitation, le porteur de projet prévoit en outre une remise en état du site qu’il anticipera en créant en amont du projet une banque de graines d’espèces locales et une pépinière.

S’attaquer à l’or primaire a enfin, entre autres, le mérite de tuer dans l’œuf les velléités de développement de l’orpaillage alluvionnaire qui exploite dans les rivières les paillettes issues de l’érosion de la roche primaire au prix d’impacts importants – comme l’augmentation des teneurs en mercure de l’eau.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Une forêt primaire

Pas de quoi convaincre les opposants. "Le texte remis par le maître d’ouvrage raconte une belle histoire, une description tellement superficielle et tellement générale de la gestion des risques, qu’elle rend le dossier peu crédible", estime dans sa contribution au débat FNE (France nature environnement), pas rassurée par les milliers de tonnes d’explosifs et de cyanure qu’il faudra amener sur place.

Même si la réglementation française prévoit des normes draconiennes pour confiner la pollution, l’histoire récente regorge d’accidents dramatiques comme la catastrophe roumaine de Baia Mare en 2000 qui a contaminé l’eau potable de millions de Hongrois ou la rupture de digue de la mine d’or canadienne du Mount Polley en 2014.

Surtout, perdu "entre deux réserves biologiques intégrales, le projet prévoit un déboisement total de 1513 hectares dont une déforestation de forêts primaires de 575 hectares, sur un site où plus de 2 000 espèces et animales dont 127 protégées ont été inventoriées", évalue WWF. Même en faisant un maximum d’efforts, comment compenser un tel déboisement ? L’analyse est reprise par Sauvons la forêt qui craint au passage un effet boule de neige et une nouvelle ruée vers l’ouest.

250 000 signatures contre le projet

Les ONG se retrouvent aussi pour dénoncer le passéisme de l’extraction minière qui devrait selon elles se tourner vers le recyclage. L’entreprise Montagne d’Or qui espère commencer ses travaux en 2019 et exploiter le filon de 2022 à 2034 prévoit de capter 1,6 gramme d’or dans chaque tonne de minerai. À titre de comparaison, la concentration de l’or dans des téléphones usagés est évaluée à 200 grammes par tonne.

Difficile de faire le moindre pronostics quant à l’avenir du projet. Le président de la République s’y est dit favorable à plusieurs reprises au nom du développement économique de la Guyane. Son ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot n’a quant à lui jamais caché son scepticisme tout en estimant que c’étaient aux Guyanais d’en décider. Pas sûr dès lors que la grande pétition lancée par les opposants et recueillant déjà près de 250 000 paraphes change quoi que ce soit. Le débat public en cours lui se tient jusqu’au 7 juillet.

Olivier Descamps
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