Négociation d'un accord sur l'égalité professionnelle : "tâchez de ne pas faire l’impasse sur le diagnostic préalable"

Négociation d'un accord sur l'égalité professionnelle : "tâchez de ne pas faire l’impasse sur le diagnostic préalable"

07.04.2024

Convention collective

Le cabinet Plein Sens a signé un accord sur l'égalité professionnelle. Mathilde Fochesato et Alexandre Chernet, tous deux consultants au sein du cabinet, se sont prêtés à un exercice d'interviews croisées pour un retour d'expérience sur la négociation de cet accord à laquelle ils ont tous deux directement participé.

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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 Le cabinet Plein Sens est un cabinet de conseil et bureau d’études spécialiste des relations et des organisations du travail. Il vient de signer en son sein un accord sur l'égalité professionnelle. L'occcasion de procéder à un décryptage des conditions préalables à la signature d'un tel accord.

Plein Sens a ainsi procédé à un échange croisé entre Mathilde Fochesato et Alexandre Cheret, tous deux consultants au sein du cabinet. La première a participé à la réalisation du diagnostic préalable à la négociation. Le second, en tant que représentant du personnel de Plein Sens, a contribué à négocier l’accord auprès de la direction.

Pouvez-vous vous présenter chacun/chacune et définir votre rôle sur le sujet de l'égalité professionnelle ? Comment avez-vous participé à la fabrication de cet accord ?

Mathilde Fochesato : Je suis consultante senior au sein de Plein Sens. J’accompagne les clients du cabinet sur leurs problématiques en lien avec l’égalité professionnelle, qu’il s’agisse de réaliser des diagnostics, accompagner les négociations d’accords égalité professionnelle, ou encore d’agir en prévention, par exemple sur la question des violences sexistes et sexuelles au travail. En interne, pour Plein Sens, j’ai participé à la réalisation du diagnostic préalable aux négociations de notre accord égalité professionnelle.

Alexandre Chernet : Je suis consultant senior et représentant du personnel au sein de Plein Sens. Dans une bonne partie de mes activités, j’interviens sur la question des risques psychosociaux et des conditions de travail et je remarque que même l’exposition aux RPS est différente en fonction du genre, de l’âge, de l’origine sociale, etc. En tant que membre du comité social et économique (CSE), j’ai participé aux négociations pour notre nouvel accord égalité professionnelle.

Plein Sens a choisi de faire un diagnostic qualitatif préalable. Pourquoi ? Qu’est-ce que ça a apporté ?

Mathilde Fochesato : Dans l’accord de méthode initial partagé entre la direction et les élus, il était, en effet, prévu que les négociations s’appuient sur la réalisation d’un accord préalable qualitatif. Pour ce faire, nous avons conduit une série d’entretiens individuels et confidentiels avec les salariés du cabinet qui le souhaitaient. Nous avons ensuite organisé des ateliers afin d’approfondir certaines thématiques issues des entretiens. Cette approche qualitative a permis d’identifier des situations de travail concrètes sur lesquelles l’accord pourrait agir. Cette approche a aussi permis l’acculturation du cabinet sur ce sujet.

Alexandre Chernet : Ce diagnostic nous a été plus qu’utile en tant que CSE, puisqu’il nous a permis de nous mettre d’accord avec la direction sur les constats principaux et ce dès le départ des négociations. Ainsi, nous avons poursuivi les mêmes objectifs de réduction des inégalités et iniquités, même si certaines mesures ont fait l'objet de discussions, ce qui est normal et attendu dans le cadre d’une négociation collective.

Comment avez-vous choisi les grandes thématiques de l’accord ?

Alexandre Chernet  : Elles nous ont été proposées par la direction, et nous étions d’accord ! Les trois premières (VSST, conditions d’exercice du métier et accompagnement des parcours professionnels), correspondaient assez bien avec les trois grands axes de progression identifiés dans le diagnostic. Pour ce qui est de la rémunération effective, c’est une thématique obligatoire.

Mathilde Fochesato  : L’accord vise à protéger les salariés dans leur pratique et dans l’exercice quotidien de leur métier, à garantir les conditions d’une meilleure qualité de vie au travail et à sécuriser l’entreprise du point de vue de ses obligations. Il était donc important que les thématiques retenues soient en phase avec les vécus ressortis lors de la phase du diagnostic, ce qui a été le cas.

Comment avez-vous organisé la négociation ? Comment s’est-elle déroulée ?

Mathilde Fochesato : La démarche a été paritaire de bout en bout. Les partenaires sociaux ont été associés dès le début et un accord de méthode en vue des négociations a été établi. Cela a permis de poser des conditions de négociation en amont (nombre de séances et thématiques de négociation, modalités de relecture, calendrier).

Alexandre Chernet : Nous avons prévu en tout six séances de négociation. Une par thème abordé dans l'accord, mais aussi une pour écrire le préambule (il nous semblait important de préciser nos intentions communes), et une pour définir clairement le plan d'action lié à l'accord. De manière plus générale, nous nous sommes donnés du temps. Du temps pour discuter de ces sujets compliqués, qui ne sont pas perçus de manière identique par tous les individus, du temps pour parler un langage commun avec la direction, du temps pour lire les accords des autres entreprises, du temps enfin pour relire nos propositions après réflexion.

En quoi cette démarche a été innovante ?

Mathilde Fochesato : Cette démarche a cherché à faire du sujet de l’égalité professionnelle un objet de dialogue social au sens large au sein de l’entreprise, pas seulement limité à la table des négociations. Grâce à la mobilisation du collectif au travers des entretiens individuels et des ateliers, mais aussi à une communication régulière et transparente auprès des équipes tout au long de la démarche (annonce de la méthodologie, partage du diagnostic, présentation finale de l’accord par les élus). Par ailleurs, le diagnostic a permis de proposer des mesures au plus proche de la réalité du travail des équipes, qui cherchent à agir pas seulement pour résorber les inégalités de situations constatées mais aussi en amont, sur les causes racines des inégalités.

Alexandre Chernet :  Je suis d’accord avec Mathilde, ce qui a vraiment fait la différence, c’est de partir d’un diagnostic concret. Pour nous, les négociateurs, cela nous a aidé à proposer des actions adaptées aux besoins de Plein Sens, et pas seulement de raisonner selon un empilement de mesures tirées d’un benchmark.

Quels conseils donneriez-vous à des entreprises qui s’apprêtent à négocier leur accord égalité professionnelle ?

Mathilde Fochesato  : Tâchez de ne pas faire l’impasse sur le diagnostic préalable ! Car il s’agit d’un réel levier pour fabriquer du consensus et faciliter les négociations, comme en témoignait Alexandre. En ce sens, il ne faut pas hésiter à prendre le temps d’établir une méthodologie partagée dans un accord de méthode préalable entre direction et élus.

Alexandre Chernet : D’abord, prenez votre temps. Penser l’égalité professionnelle et trouver des mesures adaptées aux besoins du collectif, ça nécessite d’en discuter, d'effectuer des recherches, et ça ne peut se faire qu’avec un peu de temps. Enfin, il faut penser les modalités de pilotage ! C’est une fois que l’accord est signé que la réelle action commence, il faut donc bien définir la comitologie, les référents dans l’entreprise (deux chez nous), et des indicateurs partagés qui permettent de mesurer l’avancée de l’égalité professionnelle.

Plein Sens
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