Négociation santé au travail : après la prévention, l'offre de service, mais toujours pas d'ébauche de texte commun

Négociation santé au travail : après la prévention, l'offre de service, mais toujours pas d'ébauche de texte commun

24.09.2020

HSE

Autour de la table qui doit permettre, en fin d'année d'aboutir à un accord national interprofessionnel, les questions se suivent et restent en chantier. La plupart des organisations syndicales s'inquiètent de cette méthodologie. Début septembre, c'était sur la prévention, ce coup-ci à propos de l'offre de service dont doivent pouvoir bénéficier les entreprises, un sujet qui a soulevé plusieurs désaccords.

Autour de la table de la négociation sur la santé au travail, tout le monde est d'accord au moins sur un point : les discussions se déroulent avec une certaine pression. Les partenaires sociaux doivent aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI) d'ici la fin de l'année s'ils ne veulent pas se faire griller la priorité par les députés de la majorité, qui travaillent activement à préparer une proposition de loi, menés notamment par Charlotte Lecocq.

La quatrième séance de négociation s'est tenue mardi 22 septembre après-midi et cela marquait la première moitié des rencontres planifiées. Toutes les organisations apportent au fur et à mesure leurs contributions écrites, et la partie patronale a proposé ce mardi un texte commun sur l'offre de services, sujet à l'ordre du jour – comme la fois précédente, sur la prévention. Il n'y a pour l'instant aucun texte dit "martyr", qui pourrait servir de base de travail à amender pour aboutir à l'ANI. Une nouvelle date a été ajoutée en octobre pour ajouter un peu de lest au calendrier : trois dates sont ainsi prévues le mois prochain (les 9, 13 et 29), puis deux en novembre (13 et 27).

Divergence méthodologique

Autre point largement partagé, ce coup-ci plutôt du côté des organisations syndicales : ça coince sur la méthodologie. "On continue d'égrainer chaque thématique, mais sans faire de séance de mise en commun, s'inquiète Mireille Dispot, négociatrice de la CFE-CGC. La phase de convergence des points de vue sera compliquée."

Même Éric Chevée, de la CPME, le reconnaît : "Le sujet est tellement vaste qu'on a dû saucissonner les séances au rythme des chapitres de la négo. Les OS sont un peu déroutées et on peut les comprendre. Habituellement, on a un texte sur la table au bout de 2 ou 3 séances". Il prédit lui aussi "un mois de novembre compliqué". Comme le Medef, la CPME a organisé des bilatérales avec les organisations syndicales.

Prévention : le sujet n'est pas clos

"Le sujet de la prévention n'est toujours pas clos ; cela pose clairement un problème pour la suite des discussions. Définir le champ de la prévention est tout l'enjeu de cette négo, et on butte là-dessus", explique Jérôme Vivenza (CGT). La prévention a fait l'objet des deux réunions précédentes, d'abord fin juin, mais les organisations patronales n'avaient alors pas présenté leurs positions, puis début septembre, et le chantier était resté inachevé, de l'avis de tous.

Le rendez-vous bonus de mi-octobre pourrait permettre de revenir dessus. "La dernière fois, le Medef nous a dit qu'on y verrait plus clair quand on parlerait de l'offre de service. Eh bien non, on ne voit toujours pas, juge Catherine Pinchaut (CFDT). On nous dit maintenant que ça s'éclaircira avec la QVT [le 9 octobre, ndlr]. Je ne suis pas sûre…" Du côté du Medef, on assure simplement qu'il n'y a pas de fâcherie en vue, que l'on avance en marchant et que la prévention est bien la colonne vertébrale de la discussion.

Offre de service ou missions ?

Sur l'offre de service en santé au travail, sujet à l'ordre du jour ce mardi, les attentes et ambitions sont importantes, côté patronal. Tant le Medef que la CPME ou l'U2P veulent en avoir davantage pour leur argent auprès des SSTI (services de santé au travail interentreprises) et y voient l'occasion de reporter en partie sur eux leurs obligations en matière de prévention des risques professionnels (pour réaliser le document unique, par exemple). Ils veulent aussi que les services soient réellement contraints d'assurer, entre autres, le suivi médical, "afin de sécuriser les entreprises".

"Nous refusons le terme même d'offre de service, et ce n'est pas un point de détail, insiste Pierre-Yves Montéléon (CFTC). C'est trop restrictif, trop commercial, trop centré sur les SSTI. La prévention primaire doit être une mission plus large, qui englobe d'autres acteurs de proximité, tels que les Carsat ou les Direccte, et nationaux tels que l'INRS ou l'Anact." La CFTC veut porter, dans cette négociation, l'idée de postes de travail "aptes" à accueillir des travailleurs, et imagine que les SSTI pourraient délivrer ce "visa".

Attractivité et certification

"On en revient toujours au même problème : avant de décider quels services on attend de quels acteurs, il faut définir ce qu'on veut comme prévention, pour pouvoir partir des besoins", répète Serge Legagnoa, négociateur FO. Il estime cependant avoir eu, mardi, "des échanges intéressants et des éléments très concrets, avec des précisions côté patronal". S'est posée la question des liens entre médecine du travail et médecine de ville, censée être une piste pour répondre à la pénurie des médecins du travail, mais aussi de l'attractivité de la médecine du travail, et du rôle des infirmiers en santé au travail. FO voudrait par exemple que ces infirmiers bénéficient du même statut protecteur que les médecins du travail.

Le document patronal propose tous les "attendus" de l'offre de service "soient convertis dans un référentiel d'évaluation pour une certification par tierce partie obligatoire". "Attention, prévient Catherine Pinchaut, que ce soit clair : le référentiel de Présanse, on n'en veut pas, il ne répond pas aux exigences de qualité que l'on veut définir." La CFDT n'est pas contre une certification, mais à condition qu'elle soit "co-construite" et ne s'arrête pas à des objectifs quantitatifs. La CFE-CGC défend pour sa part une "double accréditation, à la fois financière et médico-technique", en complément de l'agrément aujourd'hui délivré. "Et il va falloir régler la question des SSTI qui continuent à exercer alors qu'ils n'ont plus d'agrément", rappelle Mireille Dispot.

Gouvernance et contreparties

Fin octobre, viendra sur le tapis la question de la gouvernance, et notamment celle des services de santé au travail. En 2019, les discussions s'étaient arrêtées sur ce désaccord. Les organisations patronales entrouvrent davantage la porte aujourd'hui, mais non sans contreparties. D'abord, sur le principe de "qui paye dirige", les employeurs veulent garder la présidence des services. "C'est un problème de partager la gouvernance alors que c'est nous qui avons la responsabilité pénale, déclare Éric Chevée (CPME). Jusque là, cette responsabilité du chef d'entreprise bloque la discussion sur la gouvernance… " C'est posé là.

L'ouverture de la négociation sur le télétravail décidée mardi perturbera-t-elle celle sur la santé au travail ? "Pour l'instant, ce n'est pas venu percuter, et on a bien l'intention d'aller au bout sur les deux", indique Serge Legagnoa. "En santé au travail, comme c'est gagnant-gagnant, on trouve en général plus facilement des accords, fait valoir Pierre-Yves Montéléon. Ce serait regrettable que l'une des négociations vienne emboliser l'autre." Catherine Pinchaut souligne que ce sont en partie les mêmes délégations des deux côtés. "En tout cas, on est sous pression des deux côtés", concluent plusieurs négociateurs.

 

 

► Lire aussi :

• Lettre de cadrage : Réforme de la santé au travail : qu'attend le gouvernement des partenaires sociaux ?

• 1ère séance : Négociation santé au travail : ça commencera par la prévention

• 2e séance : Négociation santé au travail : "il ne s'est pas passé grand chose"

• 3e séance : Négociation santé au travail : le volet prévention reste dans le flou

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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