Nouveau règlement EPI : qu'est-ce que ça change ?

Nouveau règlement EPI : qu'est-ce que ça change ?

26.05.2016

HSE

La directive sur les équipements de protection individuelle de 1989 est remplacée par un règlement. Pour les utilisateurs professionnels, les changements sont minimes, voire transparents. L'évolution la plus notable concerne la protection contre les bruits nocifs, dont les EPI changent de catégorie.

Finalement, elle donnait satisfaction et vieillissait plutôt bien, cette directive sur les EPI (équipements de protection individuelle) de 1989 (directive 89/686/CEE). C'est peut-être pour cela que les discussions pour la retoucher, qui ont débuté dès le milieu des années 1990, s'apparentent depuis à l'Arlésienne. Mais ça y est, c'est décidé : elle sera abrogée le 21 avril 2018. Elle cèdera sa place à un règlement européen – un instrument présentant l'avantage, contrairement à une directive, de ne pas nécessiter de transposition par les États membres et évite donc des transpositions divergentes : il s'appliquera intégralement et directement sur tout le marché européen dès son entrée en vigueur. Le texte a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 31 mars 2016.

Exigences essentielles + normes techniques

Pour l'utilisateur d'EPI – ou pour son employeur – ce nouveau règlement ne change pas grand chose. "La directive de 1989 avait été écrite selon les principes de la 'nouvelle approche' en matière d'harmonisation technique et de normali­sation", raconte Michel Jacques, chargé de mission normalisation et EPI à l'INRS. "Ainsi, elle prévoit que les EPI aux exigences essentielles de santé et de sécurité qu'elle liste et qui sont, en d'autres termes, des objectifs à atteindre. Tandis que les détails techniques sont renvoyés à la normalisation." Les normes harmonisées ont donc évolué au fil des années et des technologies, tandis que les exigences essentielles sont restées. À quelques détails rédactionnels près, ces exigences sont reprises à l'identique dans le nouveau règlement. "L'expérience a montré que ces principes fondamentaux fonctionnaient bien dans ce secteur et devraient être conservés, voire encouragés davantage", énonce d'ailleurs le préambule du règlement.

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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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L'"indice de confort" contre le bruit est supprimé

Trois "exigences essentielles de sécurité" sont tout de même modifiées. La première concerne les EPI contre le bruit : pour l'instant, une étiquette obligatoire indique un "indice de confort" ; cette mention est supprimée par le règlement, "l'expérience ayant montré en effet qu'il n'était pas possible de mesurer et d'établir un tel indice", précise le texte. Autre suppression, cette fois pour les vibrations mécaniques. La directive envisageait qu'elles puissent être prévenues par des EPI. "Le seul usage d'un EPI ne peut permettre d'atteindre cet objectif" ; l'obligation de ne pas dépasser les valeurs limites d'exposition des travailleurs aux vibrations établies par la législation de l'Union est donc supprimée du nouveau texte sur les EPI. Enfin, troisième et dernière modification quant aux objectifs de santé sécurité à atteindre : le fabricant d'un EPI protégeant contre les rayonnements n'aura plus à présenter des "courbes de transmission" dans sa notice d'utilisation, "puisque l'indication de l'échelon de protection est plus utile et est suffisante pour l'utilisateur".

Changements pour les fabricants

"Pour le fabricant, la bonne nouvelle, c'est que si l'EPI qu'il propose est aujourd'hui conforme à la directive, il sera – a priori, sauf exception – conforme au règlement", rassure Michel Jacques. Car c'est bien pour lui, ainsi que pour les importateurs et autres mandataires, que le règlement apporte le plus de changements. Désormais, toutes les procédures de conformité, de désignation des organismes notifiés, ainsi que, par exemple, le rôle des autorités de contrôle des marchés, sont précisés directement dans le texte. Une écriture qui s'inscrit dans une approche globale au niveau européen, découlant de la volonté d'harmoniser les différentes procédures d'évaluation de conformité.

Les 3 catégories de risques

Ces procédures dépendent de la catégorie de risque de l'EPI concerné. Le règlement reprend l'organisation en 3 catégories. La première catégorie concerne les "risques minimaux", "ceux pour lesquels – commente Michel Jacques – on se rend compte du danger en temps opportun". Il s'agit par exemple de lunettes de soleil, de vêtements pour protéger de la pluie ou de gants de jardinage et dés à coudre qui doivent contrer les "agressions mécaniques superficielles", selon le jargon réglementaire. Pour cette catégorie 1, c'est le fabricant lui-même qui contrôle que son EPI répond aux exigences. À l'opposé, il y a la catégorie 3, qui liste de façon exhaustive les risques les plus graves, qui peuvent laisser des séquelles irréversibles voire entraîner la mort (1). Les EPI de cette catégorie doivent à la fois obtenir "l'attestation d'examen UE de type", et montrer patte blanche à lors de contrôles, faits à des intervalles aléatoires, du produit par un organisme notifié ; le fabricant devant aussi mettre en place des auto-contrôles. Enfin, la catégorie 2 englobe tous les EPI qui ne font pas partie des deux autres catégories. Catégorie intermédiaire, ses EPI subissent l'examen UE de type, suivi d'un contrôle interne de conformité.

Le bruit passe en catégorie 3

Plusieurs types d'EPI glissent, avec la mise en place du nouveau règlement, de la catégorie 2 à la catégorie 3. C'est notamment le cas pour la protection contre les bruits nocifs. Ceci afin d'augmenter le niveau de qualité des EPI, pour des expositions dont les séquelles peuvent être irréversibles. Il s'agit de protéger le marché européen, et par là les travailleurs européens, d'importations parfois de mauvaise qualité, pour des EPI censés protéger des mêmes risques mais affichants des coûts parfois très disparates en fonction de leur pays de production.

Calendrier

Le nouveau règlement entrera en vigueur le 21 avril 2018. On entre dans une période de "dé-transposition" : les États membres vont devoir peu à peu retirer de leur corpus législatif et réglementaire les références à la directive, qui reste  pleinement en vigueur jusqu'à cette date. En France, la directive de 1989 a par exemple été transposée via 22 textes. Ensuite, jusqu'au 21 avril 2019, directive et règlement pourront cohabiter. On trouvera ainsi des EPI conformes soit à la directive, soit au règlement. Pour le savoir, il faudra se référer à la notice d'utilisation fournie par le fabricant. Enfin, à partir du moment où la directive fera vraiment partie du passé, les attestations CE de type délivrées selon la directive resteront valides au maximum 5 ans, c'est-à-dire jusqu'au 21 avril 2023, à moins qu'elles n'aient expirées avant cette date. C'est là qu'employeurs et utilisateurs devront être vigilants et vérifier les dates.

 

(1) La catégorie 3 concerne, selon le nouveau règlement : les substances et mélanges dangereux pour la santé, les atmosphères présentant un déficit en oxygène, les agents biologiques nocifs, les rayonnements ionisants, les ambiances chaudes dont les effets sont comparables à ceux d'une température d'air égale ou supérieure à 100 °C, les ambiances froides dont les effets sont comparables à ceux d'une température d'air inférieure ou égale à – 50 °C, les chutes de hauteur, les chocs électriques et travaux sous tension, les noyades, les coupures par scie à chaîne tenue à la main, les jets d'eau haute pression, les blessures par balles ou coups de couteau, les bruits nocifs.

Élodie Touret
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