Ordonnances : les entreprises peuvent-elles vraiment négocier sur les indemnités de licenciement ?

Ordonnances : les entreprises peuvent-elles vraiment négocier sur les indemnités de licenciement ?

24.10.2017

Convention collective

L'ordonnance sur la négociation collective du 22 septembre 2017 ne précise pas comment s'articulent les accords d'entreprise avec les accords interprofessionnels. Un oubli qui pourrait bien avoir des effets sur la latitude des entreprises à ouvrir des négociations sur les indemnités conventionnelles de rupture. Décryptage.

Le gouvernement ne semble pas avoir seulement oublié la place des accords de groupe dans la nouvelle articulation entre les accords collectifs issue des ordonnances sur le code du travail. Les relations entre les accords nationaux interprofessionnels et les autres accords collectifs sont également passées sous silence, ce qui soulève un certain nombre d'interrogations.

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Le silence des ordonnances sur les accords interprofessionnels

Jusqu'à la publication des ordonnances, le code du travail était clair sur l'articulation des accords interprofessionnels avec les autres accords collectifs. L'ancien article L.2253-1 du code du travail prévoyait ainsi : "Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. Une convention ou un accord peut également comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés".

Or, l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective supprime toute référence aux accords interprofessionnels dans la nouvelle articulation créant ainsi un vide quant à l'articulation - notamment - des accords d'entreprise avec les accords interprofessionnels.

Comme pour les accords de groupe, l'ordonnance passe sous silence les accords interprofessionnels lorsqu'elle définit le champ d'application des blocs 1, 2 et 3. Le nouvel article L.2253-3 du code du travail qui détermine le nouveau champ des accords d'entreprise et l'articulation avec les accords de niveau supérieur ne vise que les conventions de branche. "Dans les matières autres que celles mentionnées aux articles L.2253-1 et L.2253-2, les stipulations de la convention d'entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la convention de branche prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche. En l'absence d'accord d'entreprise, la convention de branche s'applique".

Et la définition que donne l'ordonnance des conventions de branche semble confirmer l'exclusion des accords interprofessionnels puisque sont visés les seuls accords de branche, les accords professionnels et les accords inter-branches.

L'impact sur les indemnités conventionnelles de rupture

La question peut sembler théorique. Pourtant, elle pourrait avoir des effets pratiques. Il suffit pour s'en convaincre de prendre l'exemple de l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail qui a notamment crée la rupture conventionnelle et précisé son régime avant que la loi du 25 juin 2008 ne la légalise.

Aux termes de cet accord, les entreprises doivent verser, lors de la rupture d'un CDI, une indemnité dont le montant ne peut être inférieur, à partir d'un an d'ancienneté dans l'entreprise, à 1/5e de mois par année de présence, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Cette disposition est également applicable aux ruptures conventionnelles. Dès lors, si l'accord de branche prévoit une indemnité de rupture plus favorable que l'indemnité légale, elle doit s'appliquer.

La question qui se pose est la suivante : les entreprises qui entrent dans le champ d'application de l'ANI du 11 janvier 2008 (celles qui sont adhérentes aux organisations patronales signataires et celles qui sont hors champ comme les professions agricoles par exemple) pourront-elles négocier des accords abaissant le montant des indemnités de rupture par rapport à ce que prévoit l'accord de branche, comme le leur permet l'ordonnance n° 1 du 22 septembre 2017 alors même que l'accord national interprofessionnel de 2008 prévoit obligatoirement le versement de l'indemnité de branche si elle est plus favorable que l'indemnité légale ?

En résumé, l'accord d'entreprise peut-il aussi déroger aux accords interprofessionnels alors que les ordonnances sont muettes sur ce point ? La question mérite d'être posée et la prudence devrait être de mise pour les entreprises tant que le ministère du travail n'a pas éclairci ce point.

Florence Mehrez
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