Ordonnances Travail et salaire minimum : le ministère du travail retient une vision restrictive de la primauté de la branche

Ordonnances Travail et salaire minimum : le ministère du travail retient une vision restrictive de la primauté de la branche

06.06.2019

Convention collective

Les ordonnances Travail ont confirmé la primauté des accords de branche sur les accords d'entreprise en matière de salaire minimum hiérarchique. Mais un débat s'est ouvert sur la définition même du salaire minimum. Des branches ont en effet étendu l'assiette du salaire minimum à des accessoires de rémunération pensant ainsi les verrouiller au niveau de la branche. Mais le ministère vient de rappeler que tel n'est pas l'esprit des ordonnances Travail.

Le sujet avait fait polémique au moment du conflit des transports routiers en octobre 2017. A la suite de la publication des ordonnances Travail du 22 septembre 2017, les transporteurs routiers avaient demandé et obtenu que la prime de 13e mois soit intégrée au salaire minimum hiérarchique, thème que la branche peut verrouiller car appartenant au bloc 1 (article L.2253-1 du code du travail).

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Cette tolérance accordée par le ministère des transports à ce secteur pouvait faire tâche d'huile. Certaines branches se sont en effet engouffrées dans cette faille des ordonnances. Mais la sentence est tombée avant-hier pour certaines d'entre elles, le ministère du travail ayant, dans plusieurs arrêtés portant extension d'accords salaires, exclu de l'extension les dispositions conventionnelles contrevenant à l'esprit des ordonnances et à la nouvelle articulation entre les accords de branche et les accords d'entreprise autour des trois blocs.

Tel est le cas par exemple de l'arrêté du 29 mai 2019 portant extension de l'avenant salaires du 24 novembre 2017 dans le secteur du commerce de gros de l'horlogerie. Les partenaires sociaux de la branche ont fixé une grille des minimas professionnels comportant une assiette qui intègre les compléments de salaire et la prime d'ancienneté, tout en précisant que les accords d'entreprises ne pouvaient y déroger défavorablement. Une phrase censurée par le ministère du travail lors de la demande d'extension de l'avenant.

"Compte tenu du nouvel ordonnancement des niveaux de négociation issu de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, les termes "par conséquent aucun accord d'entreprise (...) soient plus favorables aux salariés" de l'alinéa 3 de l'article 4 sont exclus de l'extension. En effet, dès lors que les stipulations conventionnelles de branche visent une grille salariale (comportant une assiette qui intègre des compléments de salaire) et par ailleurs une prime d'ancienneté, et qu'elle dispose qu'on ne peut y déroger que dans un sens plus favorable, celles-ci ne peuvent avoir pour objet et légalement pour effet de faire obstacle à la conclusion d'accords d'entreprise sur le fondement de l'article L.2253-3 du code du travail et dans les domaines tels que définis par ces mêmes dispositions".

Une doctrine ministérielle désormais stabilisée

La Direction générale du travail a donc fixé sa doctrine. Trois cas de figure peuvent se présenter lors de la demande d'extension de l'accord collectif :

  1. Le salaire minimum hiérarchique de branche n'intègre aucun accessoire de salaire : l'accord peut être étendu ;
  2. L'assiette du salaire minimum hiérarchique de branche intègre des accessoires de salaire mais la branche n'a pas verrouillé cette disposition et permet aux entreprises d'y déroger. L'accord peut être étendu sans exclusion car la branche n'empêche pas les accords d'entreprise de faire autrement sur les accessoires de salaire qui relèvent du bloc 3 ;
  3. L'assiette du salaire minimum hiérarchique de branche intègre des accessoires de salaire mais la branche a verrouillé cette disposition empêchant toute dérogation par accord d'entreprise. La disposition verrouillant le salaire minimum hiérarchique ainsi défini sera exclue de l'extension au motif qu'elle viole l'article L.2253-32 du code du travail qui permet aux entreprises de négocier librement sur les accessoires de salaire (bloc 3).

Cette vision restrictive du salaire minimum de branche ne fait que reprendre la position de l'administration dans la circulaire du 22 septembre 2004 relative à la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle et le dialogue social qui énonçait que "la notion de salaires minima recouvre quant à elle les salaires minima hiérarchiques horaires ou mensuels et les salaires garantis minima mensuels ou annuels (RAG) correspondant aux grilles de classification fixées par la convention ou l'accord collectif de branche".

 

 

 

 

Florence Mehrez
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