La ministre du travail doit aujourd'hui présenter au Coct le nouveau dispositif pour la pénibilité. Les représentants des organisations syndicales entendent y soulever plusieurs questions. Ils veulent entrer dans le débat technique, inquiets de la disparité créée entre les 10 facteurs et du mauvais signal vers la prévention.
Le patron qui suit, "chaque jour", son salarié portant des charges lourdes "avec un chronomètre", "Ubu qui se transforme en Kafka", ou encore "l'usine à gaz" infernale. Pour défendre la transformation du C3P (compte personnel de prévention de la pénibilité) en un "compte professionnel de prévention" amplement remodelé, Muriel Pénicaud usera-t-elle cet après-midi, devant les partenaires sociaux spécialisés du Coct (conseil d'orientation sur les conditions de travail), de ces mêmes images, qu'elle a si souvent répétées ces derniers jours devant les parlementaires ?
Restant très floue face aux interrogations des députés, la ministre du travail a systématiquement renvoyé à sa présentation devant le Coct, la levée du voile sur les détails techniques de la réforme voulue par l'exécutif. Les questions sont pourtant nombreuses, avec ce retour à un système qui fait le choix de la retraite anticipée sur constat médical pour 4 des 6 facteurs de pénibilité, et supprime la cotisation spécifique.
► Lire aussi : Compte pénibilité : retour à une logique de réparation en fin de carrière |
---|
Qui sera en charge du constat médical ? Sur quels critères ? Comment créer des tableaux de maladie professionnelle "pénibilité" ? Si le taux d'IP (incapacité permanente) dépasse les 10 %, cela signifie-t-il qu'en plus du départ anticipé, le salarié touchera une rente ? Quelle réparation pour ceux qui ne souffriront des conséquences de leur exposition qu'après leur retraite ? Et pour ceux qui sont concernés par plusieurs facteurs, relevant du système à points et de la retraite anticipée (bruit et vibrations mécaniques, par exemple) ? Le financement du nouveau système sera-t-il intégré aux cotisations AT-MP ? Y aura-t-il une nouvelle incitation à faire de la prévention ?... Les organisations syndicales préparent leur liste de questions.
Si les représentants les salariés perçoivent plutôt comme un signal positif la venue de la ministre du travail devant le Coct – qui ne l'avait toujours pas, hier soir, mentionné à son agenda –, elles n'espèrent pas y obtenir grand-chose. "Je prends acte du choix du gouvernement", déclare Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT en charge des questions de santé au travail, qui a particulièrement défendu le C3P durant tout le dernier quinquennat. "Car je sais la bataille qu'il y a eu derrière pour en arriver là, pour que le compte pénibilité ne disparaisse pas complètement", ajoute-il. Idem du côté de la CGT-FO : la "seule ligne rouge" de Jocelyne Marmande était la suppression. À part la CGT qui lance un appel contre l'ensemble de la réforme du code du travail le 12 septembre, aucun des syndicats salariés n'entend pour l'instant appeler à la mobilisation de ses troupes.
"Notre prise d'acte marque la volonté de sortir du débat politique, pour enfin entrer dans le débat technique. Nous acceptons de tourner la page, mais avons une nouvelle page – technique ! – à écrire", se positionne Hervé Garnier. "Nous considérions le dispositif comme étant encore en construction, on ne s'en contentait pas. Le faire évoluer nous semblait cohérent", assure Tony Fraquelli, représentant la CGT au Coct. Connaissant bien les difficultés techniques liées aux questions de santé au travail, la plupart admettent qu'il fallait faire évoluer le compte pénibilité… mais en lui laissant sa chance. "Le C3P répondait quand même à un réel besoin, il avait été amplement discuté, même s'il n'était pas parfait. On n'a pas eu l'occasion de faire le moindre bilan de son application", regrette Pierre-Yves Montéléon, à la CFTC.
À la CFDT, Hervé Garnier reconnaît même que "là où on a peut-être vraiment raté un coche, c'est pour le BTP. On ne voulait pas créer de nouveaux régimes spéciaux, et on les a intégrés dans le C3P. Mais dans ce secteur tous les dispositifs (intempéries, etc.) sont collectifs, et là, sur un même chantier, il aurait fallu traiter différemment le carreleur et le maçon... C'est vrai que c'est difficile". Pour Pierre-Yves Montéléon, les référentiels métiers étaient vraiment une bonne solution. "Malheureusement, sauf exception, les partenaires sociaux n'étaient pas associés à la réflexion. Ce qu'il en est ressorti, dans les fédérations professionnelles qui ont fait le travail, est de qualité très inégale, peu en lien avec le travail réel", constate-il, précisant qu'il s'agit d'un euphémisme.
Une nouvelle mouture qui renforce le rôle du dialogue social dans les branches : telle est la philosophie mise en avant par Muriel Pénicaud, qui réfute tout coup d'arrêt au développement de la prévention que devait permettre le C3P, via sa cotisation spécifique, liée au nombre de salariés exposés. Faire basculer le financement vers les cotisations de la branche AT-MP inquiète les syndicats. Pour Tony Fraquelli, à la CGT, c'est simple, "sans cotisation spécifique, il n'y a plus d'incitation, il n'y aura plus de prévention".
Muriel Pénicaud défend une incitation non financière, "liée au cadre de référence, sur lequel il est important que les branches se penchent". Elle estime que toutes les entreprises ne savent pas mettre en œuvre des politiques de prévention. "Aussi est-il bienvenu, à mon sens, que les branches se saisissent du sujet et que la loi précise que c'est là leur responsabilité – ce qui est le cas dans ce que nous avons prévu", déclare-t-elle. "Je vais défendre l'idée de rester sur un système pollueur-payeur, avertit Hervé Garnier. C'était un des points forts du compte pénibilité ; c'est un des points faibles de la branche AT-MP."
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.