PPL santé au travail : derniers ajustements au Sénat avant les discussions pour s'accorder avec les députés

PPL santé au travail : derniers ajustements au Sénat avant les discussions pour s'accorder avec les députés

07.07.2021

HSE

La proposition de loi "pour renforcer la prévention en santé au travail" a été adoptée au Sénat. Le gouvernement a fait passer une poignée d'amendements, les sénateurs rapporteurs ont surtout ajouté des dates butoirs, la gauche a réussi à intervenir sur la définition du harcèlement sexuel au travail. Et parmi les amendements retoqués, on lit ce qui va faire débat en CMP.

Dernier virage avant la ligne droite finale : lors de l'examen en séance publique, les 5 et 6 juillet 2021, les sénateurs ont apporté encore quelques modifications à la proposition de loi "pour renforcer la prévention en santé au travail", avant d'adopter le texte. Ils ont aussi accepté des amendements du gouvernement. C'est avec ce texte modifié que les sénateurs iront en CMP (commission mixte paritaire) : ils y constateront les divergences avec les députés, et devraient trouver un accord, point par point. Rendez-vous est pris le 20 juillet. Il ne leur restera ensuite plus qu'à faire formellement adopter le texte de la CMP dans leurs chambres respectives.

Après le travail en commission des affaires sociales fin juin, piloté par Pascale Gruny (LR, Aisne) et Stéphane Artano (RDSE, Saint-Pierre-et-Miquelon), qui ont apporté quelques modifications importantes au texte, celles adoptées cette semaine peuvent davantage sembler de l'ordre du détail. Les débats permettent néanmoins de se faire une idée précise de ce qui reste en balance entre les deux chambres.

La poignée du gouvernement

Laurent Pietraszewski a participé à toutes les séances durant ces deux jours. Il a affiché en introduction sa volonté de "veiller au respect de l'équilibre de l'ANI". Le secrétaire d'État en charge de la santé au travail a défendu 8 amendements du gouvernement, dont 5 ont été adoptés. L'un (177) s'assure qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, la cellule de PDP (prévention de la désinsertion professionnelle) des services de santé au travail pourra effectivement partager des infos avec l'assurance maladie. Espérons que le territoire de Stéphane Artano était le seul d'outre-mer concerné par la nécessité d'une telle précision. Deux (171 et 172) concernent la transposition du règlement EPI (équipements de protection individuelle).

Deux autres reviennent sur des modifications du Sénat : l'un (170) pour retoquer une partie des précisions qu'avait apportées le Sénat sur le suivi des salariés du particulier employeur, car le gouvernement ne veut pour l'instant pas "préjuger […] du type de cotisation ni des modalités de prise en charge des salariés dans les territoires" ; et l'autre (187) pour revenir sur le rôle de proposition, et non plus d’avis, attribué par les sénateurs au futur CNSPT (comité national de prévention et de santé au travail) sur le cahier des charges qui va présider à la certification des services de santé au travail.

 

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En revanche, Laurent Pietraszewski n'a pas réussi à faire passer le rétablissement de l'habilitation à réorganiser Anact et Aract par voie d'ordonnance (176). Ni la réintroduction de la visite de mi-carrière supprimée par la commission des affaires sociales (166) alors qu'elle est prévue par l'ANI de décembre 2020. "Ne surchargeons pas les services de santé au travail. Il faudrait, pour cette visite, recruter 200 médecins supplémentaires", assure Pascale Gruny.

Les sénateurs ont prévu que le chef d'entreprise puisse être gratuitement suivi par le service de santé au travail auquel il adhère, et c'est "une bonne chose" pour le secrétaire d'État, à un détail près : une gratuité "ni justifiée, ni équitable", mais qu'il n'a pas réussi à retoquer (165). Du moins pour l'instant, car il y a de fortes chances que ces trois points portés par le gouvernement se retrouvent imposés par les députés lors de la CMP.

Dates butoirs

Les deux rapporteurs du texte se sont notamment attelés, via leurs amendements, à fixer des dates butoirs pour la mise en œuvre des dispositions de la PPL : 1er juillet 2022 pour la formation des infirmiers en santé au travail (236) 1er octobre 2022 pour le passeport prévention (224), 1er janvier 2023 pour le médecin praticien correspondant (235), et 1er janvier 2024 pour que le DMST (dossier médical en santé au travail) soit versé au DMP (dossier médical partagé) (229).

En plus d'une mesure dérogatoire concernant à nouveau spécifiquement Saint-Pierre-et-Miquelon (234), la commission a ajouté dans le texte une expérimentation d'"actions de prévention collectives" à destination des intérimaires (233). Elle inscrit aussi le principe de réciprocité entre services autonomes et services inter : puisque les SPSTA (services de prévention et de santé au travail autonomes) pourront s'appuyer sur les SPSTI (services de prévention et de santé au travail interentreprises), il n'y a pas de raison que l'inverse ne soit pas possible (237), d'autant que les services autonomes ont tendance à capter une grande partie des médecins du travail, avec des salaires plus attractifs.

Lobbying et harcèlement

Une vingtaine d'amendements venant d'autres sénateurs ont été adoptés. Pas moins de 10 amendements sont passés pour faire une place aux organisations patronales multiprofessionnelles (la FNSEA pour l'agriculture et l'Udes pour l'économie sociale et solidaire) autour de la table du futur CNSPT et de ses déclinaisons régionales, les CRSPT. "Restons-en à l'équilibre de l'ANI, a contré Laurent Pietraszewski, sans succès. Les partenaires sociaux n'ont pas prévu la participation des organisations multiprofessionnelles à ce niveau." Ce point ne devrait pas tenir en CMP.

À l'article 1er de la PPL, la gauche a réussi à revenir sur la définition du harcèlement sexuel au travail. Les deux amendements (77 et 145 rect.) prévoient que "le harcèlement sexuel au travail est matérialisé lorsqu’il est subi par la victime, et pas lorsqu’il est imposé par l’auteur", comme c'est le cas actuellement dans le code du travail. Les députés avaient voulu s'aligner sur le code pénal. "Le verbe imposer suppose que la victime de harcèlement devra prouver l'acte, alors qu'actuellement, les prud'hommes peuvent prononcer le licenciement des harceleurs en ne retenant que la seule matérialité des faits, sans démontrer l'élément moral de l'infraction", a défendu Laurence Cohen (PCF, Val-de-Marne).

"Retenir deux écritures différentes dans le code du travail et dans le code pénal risque d'être source de difficultés", estime Laurent Pietraszewski, défavorable à ces amendements. "Le Conseil d'État s'est prononcé pour une harmonisation entre les deux codes, mais ce n'est pas incompatible avec les spécificités du code du travail, plus protectrices pour les victimes", a au contraire appuyé Stéphane Artano.

Retoqués

Parmi les amendements qui ne sont pas passés : l'allongement de la durée de conservation du DU de 40 à 50 ans, l'ajout du "dentiste en santé au travail" à l'équipe pluridisciplinaire, la création du statut de salarié protégé pour les infirmiers en santé au travail  – "pourquoi sans cesse s'inquiéter au-delà du raisonnable ?", a déploré Laurent Pietraszewski. Ou encore le retour de la fiche individuelle d'exposition à des agents chimiques dangereux.

Alors qu'ils avaient l'avis favorable du secrétaire d'État, les amendements revenant sur trois mesures fortes ajoutées par la commission des affaires sociales du Sénat ne sont pas passés. Il s'agit du droit de prescription accordé au médecin du travail, du suivi post-exposition au risque chimique et de la possibilité de désigner un administrateur pour les services de santé au travail défaillants. Trois points que Pascale Gruny et Stéphane Artano entendent défendre face à Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean en CMP le 20 juillet.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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