Présenté en conseil des ministres mercredi 10 février, le projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat reprend le socle de propositions présentées en juin. À moins que les parlementaires ne bougent certains curseurs, le texte ne devrait toutefois pas suffire à atteindre les objectifs climatiques que la France s’est fixés.
Changement de nom pour le projet de loi issu des discussions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Comme l’avait annoncé la ministre de la transition écologique Barbara Pompili lors de ses vœux, le texte mis en consultation mi-janvier et présenté en conseil des ministres ce mercredi 10 février sera rebaptisé « climat-résilience ». Pour le reste, seuls quelques ajustements devraient être faits afin de prendre en compte les mises en garde du Conseil d’État sur certaines mesures potentiellement inconstitutionnelles.
« Rien de nouveau en revanche sur l’ambition », soupire Agathe Bounfour. Comme beaucoup d’autres, la responsable des transports du RAC (réseau action climat) regrette que la transmission annoncée « sans filtre » des propositions au Parlement ait finalement opéré de nombreux virages. Une stratégie d’autant plus contrariante que « les citoyens avaient reçu la mission de travailler sur une baisse des émissions de 40 % d’ici 2030, rappelle Stéphane Chatelin, directeur de l’association Négawatt, alors que depuis, l’ambition européenne a été rehaussée à - 55 % ».
À Matignon, on assume parfaitement. « On ne sait pas encore comment ce nouvel objectif sera réparti, ni ce qui va relever des mesures européennes », explique un conseiller ministériel. Ce chiffre portant sur les émissions « nettes », il ouvre en outre la possibilité de travailler non plus sur les baisses d’émissions, mais sur les mesures de compensation carbone.
Quoi qu’il en soit, atteindre les - 40 % grâce à ce projet de loi semble déjà illusoire. Dans son avis, le Cese (conseil économique social et environnemental) n’y va pas par quatre chemins. Affirmer que le texte s’inscrit dans la SNBC (stratégie nationale bas-carbone) serait selon lui « un abus de langage ». Là encore, le gouvernement se défend : « Plusieurs mesures auront un impact indirect qu’on ne peut pas évaluer car elles visent le retour d’une écologie du bon sens », note un conseiller du ministère de la transition écologique.
Parmi les exemples avancés : l’affichage environnemental qui poussera les consommateurs à faire des choix plus responsables. Ou la publicité sur laquelle « on pose les bases d’un changement profond afin que l’on arrête de faire la promotion de certains produits ».
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Dans le détail, de nombreuses critiques se concentrent sur le titre 3 consacré aux déplacements. « Il y a quelques avancées notables, notamment sur la mise en place des ZFE », souligne Stéphane Chatelin. Avant la fin 2024, ces zones à faibles émissions seront instaurées dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants pour encadrer la circulation des véhicules les plus polluants (article 25 de l'avant-projet).
Pour autant, « les mesures les plus structurantes de la convention n’ont pas été reprises en l’état, poursuit le responsable de Négawatt, on est face à des objectifs chiffrés souvent transformés en indications sans précision opérationnelle ». Sauf surprise, les parlementaires devraient par exemple se diviser sur la portée réelle de l’interdiction de trois lignes de vols intérieurs (art. 35), de l’extension de certains aérodromes (art. 36) ou des véhicules particuliers émettant le plus de carbone (art. 28).
Plus de sept ans après la crise des bonnets rouges qui avait débouché sur la suppression de la taxe poids lourds, l’encadrement du transport routier sera remis au goût du jour avec la possibilité de légiférer par ordonnance afin de créer des vignettes régionales (art. 31). Une trajectoire mettra par ailleurs fin progressivement aux remboursements partiels de TICPE pour les poids lourds entre 2023 et 2030 (art. 30)… sous des conditions qui elles aussi seront très débattues.
Pour que l’acceptabilité soit au rendez-vous, sans doute faudrait-il davantage flécher les aides vers l’acquisition de véhicules au GNV d’ores et déjà opérationnels, estime Stéphane Chatelin, « avec un approvisionnement minimal en gaz renouvelable qui pourrait bouger dans le temps en fonction de la disponibilité (30 % en 2022 et 40 % 2025 par exemple) ». Ce choix aurait l’avantage de soutenir la filière méthanisation.
Aux parlementaires désormais de saisir de ces sujets. Il leur appartiendra aussi de « décider s'ils souhaitent ou non avancer la date d'entrée en vigueur de certaines mesures », note le cabinet Gossement Avocats dans son analyse de l'avant-projet de loi : la consigne du verre pour réutilisation fixée pour le moment en 2025 (art. 12), l’obligation de solariser ou de végétaliser les bâtiments de plus de 500 m² en 2024 (art. 23), ou encore l’extension à la restauration collective privée de l’intégration de 20 % de bio dans les menus à partir de 2025 (art. 57).
À eux enfin de réintroduire d’éventuels sujets oubliés. « Il n’y a rien sur la prolifération des plastiques qui était un sujet phare des discussions de la Convention », regrette Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, association nationale des collectivités pour la gestion des déchets et de l'énergie, qui aimerait aussi que le temps législatif soit l’occasion de débattre de l’avenir de l’opérateur énergétique national qu’est EDF (projet Hercule).
Négawatt, Amorce et beaucoup d’autres ont déjà fait en sorte d’atténuer la portée de certaines mesures envisagées par les citoyens de la Convention, ou de glisser dans la loi des éléments qui n’avaient pas été débattus. Chacun voit midi à sa porte et si les citoyens tirés au sort pourront se prévaloir d’avoir posé les bases d’une discussion, ce sont bien les parlementaires qui feront le tri.
Dans un contexte de défiance à l’égard de l’élite, sans doute faudra-t-il à l’avenir conserver ces « initiatives de démocratie délibérative par des groupes de citoyens tirés au sort », estime une note de la Fabrique écologique publiée le 2 février. À condition de « fixer clairement le rôle, le statut et la portée des propositions faites par les Conventions ou assemblées citoyennes ». Patience. Avant de tirer les leçons de cette expérience, il y a une loi à boucler.
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