C'est l'un des points de vigilance de Christophe Sirugue, le rapporteur du projet de loi Travail : éviter que le développement de la négociation d'entreprise ne favorise le dumping social. C'est aux nouvelles commissions paritaires de branche que le rapporteur confie cette mission. Mais le dispositif est pour l'heure incomplet.
Le rapporteur du projet de loi Travail, Christophe Sirugue, avait précisé lors de sa rencontre avec l'Association des journalistes de l'information sociale, jeudi dernier, qu'il réfléchissait à une mesure pour éviter que le développement des accords d'entreprise ne s'accompagne de dumping social. "Il nous faut un outil, des rendez-vous réguliers pour évaluer les risques et procéder aux harmonisations nécessaires". Les branches peuvent ainsi être "un élément de réponse", assurait-il la semaine dernière. Il a depuis finalisé sa réflexion et déposé un amendement en vue de l'examen en séance publique qui démarre cet après-midi. Si étendre le champ laissé à la négociation d'entreprise "est parfaitement légitime, souligne Christophe Sirugue, il n’en est toutefois pas moins essentiel de veiller à ce que la conclusion d’accords collectifs d’entreprise dans certains domaines n’entraîne pas des effets néfastes, en particulier sur les conditions de travail des salariés et sur les conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises d’un même secteur d’activité".
Les commissions paritaires de branche désignées vigies
Ce sont les nouvelles commissions paritaires de branche - que crée le projet de loi - qui se verraient déléguer cette mission.
L'article 13 du projet de loi met sur pied ces nouvelles commissions. Les actuelles commissions paritaires d'interprétation deviendront ainsi des commissions permanentes de négociation qui représenteront la branche notamment dans l'appui aux entreprises et vis-à-vis des pouvoirs publics. |
Ces commissions auraient pour mission de dresser un bilan des accords collectifs d'entreprise, et en particulier de leur impact sur les conditions de travail des salariés et sur la concurrence entre les entreprises de la branche. Elles pourraient ainsi formuler des recommandations destinées à répondre aux difficultés identifiées. Le projet de loi prévoyait seulement jusqu'à présent que la commission"exerce un rôle de veille sur les conditions de travail et d'emploi".
Le rapporteur estime ainsi que "le niveau de la branche, qui joue un rôle traditionnel de régulation économique et sociale, apparaît comme le plus approprié pour assurer cette mission de sentinelle. Les branches pourront ainsi notamment s’assurer régulièrement que la primauté donnée à l’accord d’entreprise ne se traduit pas par des pratiques de dumping social dommageables, par exemple à travers la liberté laissée désormais aux entreprises de fixer le taux de majoration des heures supplémentaires".
L'information des branches : la pièce manquante
Seul hic : pour l'heure, les entreprises n'ont aucune obligation de transmettre leurs accords aux branches, sauf dans un seul cas. Lorsque l'accord a été conclu avec des élus, il ne peut entrer en application qu'après validation de la commission paritaire nationale de branche compétente. Le projet de loi étendra-t-il cette obligation à tous les accords d'entreprise ? Ou le rapporteur compte-t-il sur une autre mesure du projet de loi visant à rendre obligatoire la publicité des accords d'entreprise à partir du 1er septembre 2017 ? Là encore, le dispositif ne serait pas suffisant car les signataires pourraient s'y opposer pour un motif légitime.
Les débats qui commencent aujourd'hui devront sans doute permettre de préciser ce point.
Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.
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