Propositions pour un meilleur traitement pénal du contentieux de l'environnement

03.01.2023

HSE

Un rapport du Parquet général de la Cour de cassation recommande d'améliorer la coordination et le dialogue des différents acteurs du contentieux, de modifier l’organisation judiciaire au service de l’efficacité du traitement du contentieux de l’environnement et d'améliorer la réponse pénale et son suivi.

Faisant écho à des publications récentes (CGEDD, IGJ, « Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement », oct. 2019 ; CADEJ, Rapport du groupe de travail, « L’éclosion des pôles régionaux environnementaux ou le petit livre vert du CADEJ », 2021), le Parquet général de la Cour de cassation publie un rapport consacré au traitement pénal du contentieux environnemental. Ce rapport est issu des réflexions issues d'un groupe de travail pluridisciplinaire chargé de faire le point sur l’état actuel du contentieux pénal de l’environnement : ses enjeux, ses perspectives, et surtout son effectivité. Ce groupe de travail, qui s'est réuni 13 fois entre le 3 juin 2021 et le 12 octobre 2022, était présidé par le Procureur général près la Cour de Cassation, François Molins.

Après avoir constaté une insuffisante efficacité de la réponse pénale, le rapport formule une série de recommandations regroupées en trois thématiques.

Constat général : un défaut d’efficacité de la réponse pénale

En introduction, le rapport rappelle les évolutions récentes du contentieux lié à la mise en œuvre du droit de l'environnement, notamment l'ordonnance de 2012 sur la simplification et l'harmonisation des polices administratives et judiciaires de l'environnement, les circulaires du 21 avril 2015 et du 20 septembre 2022 définissant les orientations de la politique pénale environnementale et surtout la loi du 24 décembre 2020 créant les pôles régionaux spécialisés en matière d'atteinte à l'environnement et la possibilité de conclure une convention judiciaire d'intérêt publics pour les délits environnementaux.

Le rapport rappelle tout d'abord que le contentieux de l’environnement ne constitue qu’une très faible part de l’activité des juridictions pénales, oscillant actuellement entre 0,5 % et 1 % des affaires traitées (environ 20 000 procédures par an), un chiffre en baisse continue ces dernières années, alors que les enjeux et les risques en lien avec l’environnement sont majeurs et que les préoccupations des citoyens qui en résultent sont légitimes.

► Lire aussi : Le contentieux pénal de l'environnement reste encore timide, 25 mai 2021

Le rapport estime ensuite que le défaut d’efficacité du droit de l’environnement résulte en partie d’un droit et d’une procédure ne parvenant pas à se saisir de la spécificité de la matière environnementale pour les raisons suivantes.

En premier lieu, la grande technicité du droit pénal de l’environnement et de ses incriminations, nécessitant souvent la maîtrise de nombreuses données scientifiques, rend le traitement de ces dossiers délicats et conduit les parquets à recourir à des qualifications pénales génériques plus faciles à manier, plutôt qu’aux qualifications prévues par le code de l’environnement.

En deuxième lieu, la procédure pénale et la répression ne semblent pas adaptées aux actes de pollution diffuse (utilisation de véhicules polluants, nuisances sonores, dépôts sauvages d’ordure, etc.).

En troisième lieu, la coordination entre les parquets et les polices administratives multiples peut être difficile mais elle est indispensable, de même que la qualité des procès-verbaux de constatation, dont dépend beaucoup, si ce n’est essentiellement, la suite de la procédure.

En quatrième lieu, la place des parties civiles à l’occasion des procès, et l’efficacité de la constitution de partie civile au soutien de l’action publique posent également question.

En cinquième lieu, la fragmentation du contentieux environnemental, que se partagent l’ordre administratif et l’ordre judiciaire, porte parfois atteinte à la lisibilité et à l’efficacité de la lutte contre les infractions environnementales. De même, le manque de lisibilité des incriminations souvent définies par renvoi à la réglementation administrative suscite des difficultés.

En dernier lieu, la police de l’environnement – administrative comme judiciaire – souffre d’un déficit chronique de moyens et de formation.

Améliorer la coordination et le dialogue des différents acteurs du contentieux

Il ressort des auditions et des constats effectués par le groupe de travail que la communication entre les acteurs judiciaires et l’administration constitue l’une des difficultés majeures du traitement du contentieux pénal de l’environnement, accentuée par la pluralité et la grande diversité des acteurs. En effet, dans le traitement de ce contentieux, une telle difficulté se révèle en amont, au vu de la dispersion des services d’enquête, et en aval, au vu de la déficience dans le suivi des sanctions rendues.

Afin de répondre à l'éclatement du contentieux au sein de la chancellerie (civil/pénal), les rapporteurs proposent la mise en place d'une mission au sein de la chancellerie sur le traitement civil et pénal du contentieux de l'environnement.

De même pour faire face à la formation spécialisée insuffisamment partagée entre les différents acteurs, il est proposé de renforcer la formation de l'ensemble des acteurs du contentieux de l'environnement (inspecteurs de l'environnement, inspecteurs de polices judiciaire, magistrats).

Pour face au manque de coopération entre les services et la coordination insatisfaisante entre les acteurs judiciaires et l’administration, il est proposé la création de comités opérationnels à géométrie variable.

Par ailleurs, confrontés aux insuffisances dans le suivi des sanctions, le groupe de travail suggère l'instauration d'une autorité administrative indépendante en charge du contrôle et du suivi des sanctions.

Enfin, la dispersion des services d'enquête pourrait être corrigée par la création d'un service national d'enquête.

Modifier l'organisation judiciaire au service de l'efficacité du traitement du contentieux

Dans l’optique d’une meilleure efficacité de traitement du contentieux de l’environnement, le groupe de travail propose une modification de l’organisation judiciaire. Il s’agit en effet de pallier les lacunes constatées par le groupe au cours de ses réflexions s’agissant de la transmission d’informations, des procédures de référés et du manque de spécialisation des juridictions au traitement du contentieux environnemental. Par ailleurs, dans le cadre de la répression des atteintes environnementales, le renouvellement de l’organisation judiciaire s’inscrit nécessairement dans un contexte européen.

Afin d'améliorer les transmissions d'information, il est proposé d'imposer des transmissions d’information à l’attention des pôles régionaux environnementaux.

Face au manque de spécialisation des juridictions au traitement du contentieux environnementale, le groupe de travail recommande de mettre en place une juridiction environnementale à compétence civile et pénale ou des pôles spécialisés au sein des formations de jugement.

Pour pallier à l'insuffisance des procédures d'urgence devant le juge, les rapporteurs suggèrent de renforcer l'efficacité des procédures de référé.

Enfin, conscient de la nécessité d'une répression des atteintes environnementales au niveau européen, le groupe de travail propose d'étendre la compétence du parquet européen (Règl. n° 2017/1939 du Conseil, 12 oct. 2017), à la matière environnementale.

Améliorer la réponse pénale et son suivi

Le groupe de travail conclut ses travaux sur la nécessaire amélioration de la réponse pénale aux infractions environnementales, encore insatisfaisante concernant celles de moindre gravité, recommandant ainsi une redéfinition de l’infraction de mise en danger et une refonte des procédures de saisies et de confiscation dans le cadre de ce contentieux particulier. Le groupe de travail insiste enfin sur l’application de la nouvelle forme de justice pénale négociée au contentieux pénal environnemental.

Pour faire face au traitement insatisfaisant des infractions environnementales de moindre gravité, il est proposer de développer la troisième voie (alternatives aux poursuites), recruter des délégués spécialisés du procureur et créer des assistants spécialisés en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement.

Il est également proposé de redéfinir l’infraction de mise en danger en matière environnementale, d'adapter les procédures de saisies et de confiscations et enfin d'encourager le recours à la convention judiciaire d'intérêt public environnemental (CJIPE). Sur ce dernier point les experts estiment qu'il est nécessaire d’une part, de mieux faire connaître cet outil auprès des associations afin qu’elles participent de manière active à cette nouvelle forme de « justice négociée », et d’autre part de sensibiliser les parquets à l’importance d’informer ces associations des propositions de CJIPE, en particulier, les associations agréées, afin qu’elles puissent là-encore participer à la réflexion liée à l’évaluation la plus juste du préjudice écologique et à son suivi.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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