Michel Yahiel, commissaire général de France Stratégie, a remis vendredi son rapport sur la commission de refondation du code du travail. Le document de 38 pages propose une méthode de travail et dresse le profil du président de la commission et de ses membres. Un document que le nouveau président de la République consultera sans doute avec attention !
C'est un rapport qui devrait trôner en bonne place sur le bureau du nouveau président de la République élu hier. Emmanuel Macron, n’a eu cesse de répéter depuis des semaines que son quinquennat s’ouvrira par une réforme du droit du travail afin de donner plus de place encore à la négociation d’entreprise, franchissant ainsi un pas de plus par rapport à la loi Travail. Le rapport publié ce jour par France Stratégie sur la commission de refondation du code du travail, à la demande de l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, pourrait bien nourrir sa réflexion. "La mission s’est naturellement placée dans l’hypothèse où, quelles que soient la nature et l’ampleur des réformes projetées, le chantier de la simplification ne serait pas abandonné", souligne ainsi France Stratégie.
Dans son rapport, l’organisme de réflexion placé auprès de Matignon, propose une méthode de travail et dessine les profils susceptibles de composer la commission. Sans négliger la place du dialogue social alors que la promesse d’ordonnance hérisse déjà certains des partenaires sociaux.
Ne pas négliger le dialogue social
France Stratégie recommande fortement, compte tenu de "l’importance et la sensibilité des sujets qui relèvent de cette commission", d’associer immédiatement les partenaires sociaux à ce chantier". Le rapport suggère d’ouvrir une concertation afin de définir avec eux les sujets, mais aussi les objectifs et la nature des travaux qui seraient confiés à cette commission. Une concertation qu’Emmanuel Macron n’écarte pas, mais qu’il souhaite "accélérée".
Car derrière cette question, se profile le respect de l'article L.1 du code du travail (issu de la loi Larcher) qui oblige, avant toute réforme du droit du travail, à demander au préalable aux partenaires sociaux s’ils souhaitent ouvrir une concertation sur le sujet. Un article qui avait enflammé les débats autour de la loi Travail, certains syndicats estimant que la disposition n'avait pas été correctement appliquée.
France Stratégie envisage plusieurs hypothèses :
- "Si l’on considère que ce travail de recodification vise d’abord à définir le niveau d’élaboration des normes et le champ de l’ordre public, on pourrait estimer que l’article 1 qui vise ce « qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle » n’est pas applicable en l’espèce ». Une large concertation, matérialisée par une déclaration commune pourrait suffire" ;
- "Si l’on considère qu’il s’agit d’abord de fixer le niveau de la négociation (entre les branches et les entreprises), il s’agit d’une réforme qui doit être soumise à la procédure prévue par l’article L. 1 du code du travail : il faudrait ainsi permettre aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation ou d’adopter une délibération, en amont des travaux de la commission, ou bien appliquer l’article L. 1 une fois au début du processus ou avant l’examen de chaque grand thème, ou enfin appliquer cette procédure en aval du processus de réécriture effectué par la commission (un document d’orientation serait envoyé aux partenaires sociaux avec le résultat des travaux de la commission) ;
- Enfin, France Stratégie n’écarte pas une dernière hypothèse afin de respecter l’article L. 1 du code du travail : associer les partenaires sociaux, en continu, aux travaux de la commission, par le biais du Haut conseil du dialogue social (HCDS).
Quelle articulation avec l'agenda social des partenaires sociaux ? |
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Beaucoup s'interrogent sur la place de la négociation interprofessionnelle dans le nouveau quinquennat qui s'ouvre. France Stratégie la conforte. "Dans le cas où ces derniers souhaiteraient négocier sur certains sujets du code du travail, dans le cadre de la négociation nationale interprofessionnelle, ces sujets seraient traités en dernier par la commission, pour pouvoir en tenir compte".
Autre articulation à avoir en tête lors de ces travaux, celle avec les négociations de branche. "Le calendrier de travail de la commission devra pouvoir s’articuler avec celui des partenaires sociaux de négociation dans les branches, de l’ordre public conventionnel, soumis aussi par la loi du 8 août 2016 à un même délai de deux ans. Cette concordance des calendriers est d’ailleurs susceptible de poser problème. Il pourrait être envisagé d’allonger le délai laissé aux négociations de branche, pour que celles-ci tiennent compte du travail de réécriture accompli par la commission, sur la définition de l’ordre public législatif".
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Quelle réécriture du code du travail ?
La partie déjà réécrite par la loi du 8 août 2016 distingue trois niveaux pour chaque sujet, rappelle France Stratégie : dispositions d'ordre public, champ conventionnel et dispositions supplétives, avec en ligne de mire, la simplification du droit du travail. Lors de la poursuite de ces travaux, le gouvernement devra clarifier l'objectif poursuivi, insiste le rapport. S’agira-t-il d’une "simplification formelle", d’une simplification qui permette d’intégrer des éléments de jurisprudence ou, plus largement, d'une simplification visant à supprimer ou modifier des dispositions ? "Le gouvernement devra préciser ses intentions, le sens qu’il accorde à cette expression de "simplification" et le mandat donné à la commission, avant le début des travaux.
Quels sujets aborder ?
La loi Travail s’est limitée à la durée du travail et aux congés. Pour la suite, France Stratégie recommande "de commencer par les sujets où une part importante relève de l’ordre public, même s’il y a quelques sous-thèmes avec de forts enjeux de négociation, puis d’examiner ceux où la part de dispositions d’ordre public est moins facile à déterminer a priori, pour terminer par les sujets qui semblent a priori exclus du champ". Ainsi, l’examen des sujets pourrait-il se faire dans cet ordre :
- santé et sécurité au travail" (avec la partie pénibilité) ;
- emploi ;
- formation professionnelle ;
- relations collectives de travail ;
- relations individuelles du travail ;
- salaires, dividendes du travail ;
- dispositions particulières à certaines professions et activités ;
- contrôle de l’application de la législation du travail.
Ce travail pourrait par ailleurs aboutir à une révision des sujets déjà traités "afin de s’assurer de la cohérence globale du travail effectué".
Qui composera la commission ?
Le ministère du travail avait buté sur la composition de la commission face à la réticence de certains d'intégrer la commission dans un climat tendu après l'adoption de la loi Travail. France Stratégie, sans donner de noms, dessine des profils. La présidence de la commission "suppose la désignation d’une personne jouissant d’une légitimité reconnue et de la disponibilité nécessaire, et qui soit prête à porter le projet de réécriture, tout en garantissant l’autonomie de la commission ». Plusieurs options sont envisageables :
- un haut magistrat de la Cour de cassation ou du Conseil d’État : un profil qui "permettrait de garantir la légitimité et l’expertise juridique nécessaires, en veillant à faire primer une vision non uniquement contentieuse mais également soucieuse du caractère opérationnel du droit" ;
- un DRH ou un directeur des relations sociales "disposant d’une légitimité conférée par son expérience professionnelle en entreprise et sa pratique de la négociation collective" ;
- une personnalité publique reconnue et consensuelle.
France Stratégie recommande de limiter la commission à une quinzaine de personnes. La loi précise qu’elle doit être composée "d’experts et de praticiens des relations sociales" et comprendre également un nombre égal de femmes et d’hommes. France Stratégie suggère la présence de magistrats, d’universitaires, de praticiens (avocats, DRH, experts comptables, conseillers juridiques, représentants de services déconcentrés) et d’experts non juristes. La commission pourrait s’appuyer sur un groupe technique qui lui serait rattaché (six ou sept personnes), chargé de proposer une architecture thème par thème et de rédiger les textes (DGT, Igas, magistrats,..). Par ailleurs, au sein du HCDS pourrait être mis en place un groupe de travail ad hoc.
Quel calendrier ?
"La loi prévoit une échéance des travaux à l’horizon de deux ans, à compter de la promulgation de la loi, c’est-à-dire au 8 août 2018. Ce qui laisse environ une année à la commission pour travailler, si elle est mise en place avant l’été 2017", rappelle le rapport.
S'agissant de la transcription législative, là encore, France Stratégie formule plusieurs pistes
- une délibération unique du Parlement sur l’ensemble du texte, pour assurer la cohérence d’ensemble de la réécriture ;
- ou plusieurs textes législatifs par thématique (un ou plusieurs projets de loi ou une ordonnance).
France Stratégie n'écarte donc pas le passage par ordonnances en rappelant que c’est la voie qui avait été choisie lors de la recodification à droit constant du code du travail en 2008. Reste qu’il y a peu de chance que cette nouvelle refondation du code du travail se fasse à droit constant…
Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.
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