Réforme de la santé au travail : aller plus loin sur l'utilisation des données de traçabilité collective

Réforme de la santé au travail : aller plus loin sur l'utilisation des données de traçabilité collective

28.04.2021

HSE

Anses, Anact, SPF, INRS, tous sont d'accord : si on veut renforcer la prévention primaire, il faut développer les connaissances scientifiques. Et donc s'organiser pour mieux utiliser les données de santé au travail collectées par les services de santé au travail.

"Sur le principe, tout ce qui peut permettre de faire avancer la prévention primaire en santé au travail est vu d'un œil favorable par une agence sanitaire", remarque Gérard Lasfargues, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Anses, à propos de la proposition de loi santé au travail, lors d'une audition mi-avril devant la commission des affaires sociales du Sénat, qui va examiner le texte d'ici l'été. Un point positif souligné également par les autres organismes sollicités ce jour-là – l'Anact, l'INRS et SPF (Santé publique France). Tous sont aussi à l'unisson sur un point : il faudrait aller plus loin sur la traçabilité, la biosurveillance, et la dématérialisation des données de santé afin de mieux les partager et les exploiter, notamment à des fins de recherche.

Traçabilité via le document unique

En remodelant le document unique d'évaluation des risques professionnels et en organisant sa conservation durant au moins 40 ans, la PPL (proposition de loi) balise le terrain. L'article 2 du texte tel qu'adopté par les députés écrit ainsi que le document unique "répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs" et surtout qu'il "assure la traçabilité collective de ces expositions".

Toutes les versions successives du DU devront, en plus d'une transmission systématique au service de santé au travail, être conservées par l'employeur pendant au moins 40 ans. Elles seront "tenu[e]s à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès". Une durée qui se veut "cohérente avec le délai d'émergence potentielle d'une maladie professionnelle", précise l'amendement de la majorité, et permet "d'englober les délais de survenue des maladies comme le mésothéliome, dont la survenue médiane est de 35 ans après l'inhalation de poussières d'amiante, le cancer de la vessie ou les cancers bronchopulmonaires, qui sont les cancers professionnels les plus fréquents".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pouvoir utiliser les données collectives

Ce "mouvement d'amélioration de la traçabilité collective et longitudinale – du fait de la conservation par l'employeur dans le temps et de la transmission de documents de prévention au service de santé au travail – est tout à fait intéressant", commente Henri Bastos, directeur adjoint de l’évaluation des risques, sur le volet santé-travail, à l'Anses. "Il faut l'accompagner d'une dématérialisation de ces documents et d'une mise à disposition relativement large, notamment aux agences et instituts de prévention, de façon à ce que l'on puisse utiliser ces données collectives pour produire des connaissances sur les expositions professionnelles", soutient-il. Ce qui se ferait bien entendu en respectant "l'ensemble des secrets (industriel, commercial, médical, statistique)". Des propositions allant dans ce sens sont actuellement discutées dans le cadre de l'élaboration du 4e plan santé-travail.

Renforcer la prévention et lutter contre la désinsertion professionnelle, deux objectifs majeurs de la proposition de loi suppose, selon Richard Abadie, directeur de l'Anact, d'"appréhender  […] tout au long du parcours professionnel, les expositions à certaines contraintes, comme l'usure professionnelle". "Cela implique aussi, ajoute-il, de suivre individuellement les personnes exposées tout en se donnant les moyens d'en tirer des enseignements plus collectifs pour alimenter la politique de prévention des entreprises."

Renforcer la collecte et la biosurveillance

Mélina Le Barbier, directrice adjointe santé, environnement et travail de SPF plaide elle aussi pour "le renforcement des systèmes de surveillance, l'accès aux données des services de santé au travail et l'interopérabilité des systèmes". Alors que les dispositifs de surveillance des expositions et des pathologies sont essentiels, ils "s'appuient sur des services de santé au travail parfois fragiles : on se tourne en effet vers des acteurs de terrains très sollicités". C'est notamment le cas de Sumer, principale enquête pilotée par la Dares sur la surveillance médicale des expositions des travailleurs aux risques professionnels, qui sollicite les médecins du travail pour remplir de denses questionnaires.

"Il faut réfléchir à une évolution et à une stabilisation de la méthode de collecte", demande Mélina Le Barbier. Elle appuie par ailleurs la proposition de Gérard Lasfargues : "développer les études relatives à la biosurveillance des expositions professionnelles, notamment aux produits chimiques". "Sur le risque chimique, on considère qu'il faut être à la fois actif et vigilant, ajoute Stéphane Pimbert, directeur général de l'INRS. Je vois surtout l'aspect collectif [de la traçabilité] dans le texte, je n'ai pas beaucoup vu l'aspect individuel."

Élodie Touret
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