Réforme de la santé au travail : "consensus"… et dissonances

Réforme de la santé au travail : "consensus"… et dissonances

02.03.2021

HSE

Dans quelques semaines, la proposition de loi santé au travail adoptée par l'Assemblée nationale, arrivera au Sénat. La députée Charlotte Parmentier-Lecocq et la sénatrice Pascale Gruny mettent en avant l'idée de "consensus". Sur les intérimaires ou le rôle du médecin de ville, ce n'est pourtant pas si clair, a-t-on entendu lors des 11e "rencontres pour la santé au travail".

À en croire la plupart des intervenants aux 11e rencontres parlementaires pour la santé au travail qui ont eu lieu le 2 mars 2021, la santé au travail est devenue "un sujet de consensus", que cela soit entre les partenaires sociaux avec la signature de l'ANI, ou entre les parlementaires qui examinent la proposition de loi portée notamment par la députée LREM Charlotte Parmentier-Lecocq.

La PPL a été adoptée par l'Assemblée nationale, elle devrait désormais être débattue au Sénat en avril. Pour une "CMP (commission mixte paritaire) conclusive" avant l'été, espère Charlotte Parmentier-Lecocq. "Nous devrions aboutir à un texte commun", plussoie la sénatrice LR Pascale Gruny, qui devrait bientôt être nommée co-rapportrice du texte aux côtés de Stéphane Artano.

Lorsque ces deux sénateurs ont, à l'automne 2019, écrit un rapport sur la santé au travail, le consensus avec leur consœur députée n'était pourtant pas si évident ; ils en refusaient le "big bang". Mais le grand chamboulement annoncé de la gouvernance n'est plus à l'ordre du jour dans la PPL, ce que n'a pas manqué de souligner hier Pascale Gruny, insistant sur l'importance de "garder le maillage territorial" des services de santé au travail : "ce n'est plus le big bang, dans lequel on voyait un éloignement du territoire".

Intérimaires

Si elle se déclare "très favorable" à la PPL, Pascale Gruny évoque cependant des points qui feront sans doute l'objet de débats et d'amendements au Sénat. Par exemple pour le suivi médical des intérimaires, le "partage" entre le service de santé au travail de l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice ne lui semble pas encore assez clair.

En l'état, le texte prévoit que les travailleurs en intérim soient pris en charge par le service de prévention et de santé au travail (SPSTI) de l’entreprise utilisatrice – le dispositif s'appliquerait également aux salariés d’entreprises sous-traitantes ou prestataires, qui seraient suivis par le service de l'entreprise donneuse d'ordre.

Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de Prism’emploi, s'en réjouit. "C'est essentiel, car sans cet accès à la santé au travail [pour les travailleurs intérimaires], cela bloque l'accès à l'emploi, déclare-t-elle. […] Nous nous félicitons que les services autonomes, lorsqu'ils existent, puissent suivre les intérimaires, c'est la meilleure solution."

La responsable de l'organisation patronale de l'intérim voudrait aller encore plus loin. Elle plaide pour des "visites collectives de prévention" pour compenser une "ressource médicale qui restera rare", ainsi que pour une "aptitude à l'emploi et pas uniquement au poste de travail". Avec en prime une "idée toute simple", selon elle : créer un "serveur national des aptitudes pour les salariés intérimaires" afin d'éviter de "faire repasser des visites inutiles".

 

► Lire aussi :

[interview] Intérimaires : "On pourrait imaginer des visites médicales collectives"

 
Médecins de ville

Sans surprise, l'autre point qui ne fait pas tant consensus est le transfert d'une partie des visites médicales vers un nouveau "médecin praticien correspondant", un médecin de ville formé à la santé au travail. Dans un contexte de "désertification médicale", Pascale Gruny se dit "toujours étonnée quand on vient mettre le médecin de ville dans le dispositif". "Non pas qu'il n'ait pas sa place" dans la santé au travail, précise-t-elle, mais parce que son "temps médical" disponible est tout aussi fortement compté. Elle serait davantage favorable à s'appuyer sur "les équipes pluridisciplinaires" ou "les infirmières en pratique avancée".

Le médecin praticien correspondant, c'est la "mauvaise bonne idée" du texte, pour le professeur Paul Frimat. Si c'est pour "boucher des trous" pour faire certaines visites, sur certains territoires, il pense que cela ne règlera pas le problème, puisque toutes les spécialités médicales sont "en difficulté" sur ces territoires. En revanche, puisqu'il pense que "le médecin du travail a toute sa place dans le dispositif de soin", s'il s'agit d'instaurer un "lien plus proche" entre le médecin du travail et le médecin de ville, "pourquoi pas". "Mais dans ce cas, il faut une vraie formation." Lui aussi met en avant les infirmiers en santé au travail ou infirmiers en pratique avancée comme alternative, et insiste sur le travail de l'équipe pluridisciplinaire.

"La visite médicale systématique n'a jamais été une action de prévention", fait-il remarquer. "On parle davantage de prévention, c'est bien. Maintenant, il faut que cela se traduise en action, et ce n'est pas si facile, souligne Pascale Gruny. Les médecins du travail, on les attend dans l'entreprise, pour étudier les postes de travail."

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

Découvrir tous les contenus liés
Élodie Touret
Vous aimerez aussi