Réforme de la santé au travail : quelle place pour la QVT ?

Réforme de la santé au travail : quelle place pour la QVT ?

27.04.2021

HSE

Alors que l'ANI de décembre 2020 consacre à la QVT un chapitre entier, la proposition de loi santé au travail est quasi-silencieuse sur la question. Mais ce silence peut s'expliquer de plusieurs façons et ne doit pas faire oublier l'essentiel : réforme ou pas réforme, l'ANI existe. Aux partenaires sociaux de s'en saisir pour appréhender la vraie philosophie de la QVT.

Elle fait l’objet d’un chapitre entier dans l’ANI (accord national interprofessionnel) "pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail" négocié en décembre 2020, et pourtant. "Vous avez vu de la QVT dans la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail ? Moi, je n’en ai pas vu", plaisante Pierre-Yves Montéléon, de la CFTC.

Et pour cause : en matière de QVT (qualité de vie au travail), le principal apport de la proposition de loi actuellement débattue au Sénat réside dans son article 2 bis, lequel viendrait intégrer les conditions de travail dans les thématiques pouvant être discutées lors des NAO (négociations annuelles obligatoires). C'est "léger", reconnait la secrétaire nationale de la CFDT Catherine Pinchaut. D'autant que, rappelle Pierre-Yves Montéléon, cette disposition n’a rien de nouveau : "depuis la loi Rebsamen de 2016, qui était venue compléter l'ANI de 2013, la QVT est déjà dans les négociations d’entreprises, et la qualité des conditions de travail fait partie de la QVT". La proposition de loi ne va pas changer grand chose sur le sujet, en somme.

Ce n’est pas surprenant, toutefois. Il est "évident qu’il existe un décalage entre l’ANI et la proposition de loi, reconnaît Matthieu Pavageau, mais c’est un texte qui renforce la prévention au sein des entreprises". Or, poursuit-il, "la démarche QVT se distingue d’une démarche de prévention". Voilà, pour le directeur technique et scientifique de l’Anact, un premier élément qui explique un tel décalage.

Faire discuter

Le deuxième est plutôt pratique : tous sont d’avis qu’il n’y avait pas la possibilité de faire davantage. "Toutes les dispositions d’un ANI n’ont pas forcément vocation à être transposées dans une loi", indique Matthieu Pavageau. Catherine Pinchaut précise que "beaucoup de dispositions ne pouvaient pas faire l’objet d’une transposition législative et règlementaire, car on est dans du droit souple, et non dur". Et s’il avait été "à la place des députés", Pierre-Yves Montéléon aurait eu "du mal à écrire un titre sur la QVT à partir de l’ANI".

L'important, pour Matthieu Pavageau, est que les partenaires sociaux se saisissent de l’ANI pour se concerter et négocier à leur échelle, en prenant en compte leurs secteurs d’activité spécifiques. L'idée est de faire discuter ensemble, sur les liens entre stratégie économique et conditions de travail, des acteurs qui, généralement, se parlent assez peu... Et cette discussion ne peut pas passer par la contrainte, affirme le spécialiste. Ce que confirme Catherine Pinchaut, qui ajoute que la QVT repose sur "la prise de conscience des employeurs : ils ont tout intérêt à se rendre compte qu’une bonne qualité de travail est tout autant avantageuse pour les salariés que pour eux".

 

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Améliorations

Il y a bien, néanmoins, quelques pistes qui auraient pu être explorées dans la proposition de loi. Pierre-Yves Montéléon admet que l'"on aurait pu attendre, éventuellement, qu’elle inscrive dans les missions des services de santé au travail celle de s’occuper de la QVT".

Pour Matthieu Pavageau, "il serait intéressant de ne pas isoler la question de la prévention des questions d’organisation et de leviers d’efficacité au sein de l’entreprise". L’avenir des questions de santé et sécurité au travail, explique-t-il, "c’est la possibilité pour les partenaires sociaux et décideurs d’analyser, ensemble, la façon dont le travail évolue et les liens entre la performance opérationnelle et l’amélioration des conditions de travail". À ce titre, les démarches QVCT (qualité de vie et des conditions de travail) dans l'ANI participent à la prévention primaire, puisqu'avec de meilleures conditions de travail, on évite de nombreux risques : "c'est ce qu'on aurait pu écrire dans la proposition de loi", pour lui. 

Reste que proposition de loi ou pas, Catherine Pinchaut rappelle que "l’ANI reste plein et entier, et tout l’objet est de se saisir des leviers qui sont dans l’ANI, effectivement davantage incitatifs que contraignants, pour les intégrer dans le dialogue social et avancer sur le sujet".

 

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"Dévoiement"

Se saisir de l’ANI est d’autant plus important que le travail effectué sur cet accord était essentiel "pour réaffirmer que la QVT s’intéresse aux conditions de travail et à la transformation de l’entreprise", insiste Matthieu Pavageau. Les accords signés répondaient davantage à des sujets sociétaux, "importants certes", mais peut-être pas prioritaires, et les entreprises avaient du mal à s’intéresser aux questions concrètes (conception des postes, organisation du travail, etc.).

 "La QVT a souffert pendant quelques années d’un dévoiement, d’un marché qui s’est développé qui ne correspond pas à la philosophie de la QVT : ces périphériques de confort mis sur le devant de la scène ont fait perdre une certaine crédibilité à l’acronyme", regrette Matthieu Pavageau. Une analyse d'ailleurs confirmée par le baromètre présenté par le cabinet Empreinte humaine le 23 mars 2021 : la réalité, c’est que les babyfoots, massages et autres politiques de qualité de vie au travail proposées dans les locaux ne sont que cosmétiques, aux yeux de 70 % des 2000 salariés interrogés.

 

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Faudrait-il, comme le pense Pierre-Yves Montéléon, agir en dehors de la proposition de loi ? Le responsable de la cellule "santé au travail" de la CFTC invite à "revenir sur la base, celle de la prévention primaire, et intégrer la QVT dès la conception des locaux, des outils de travail". Elle ne doit pas devenir un sujet de préoccupation une fois que l'on a commencé à travailler, mais "bien avant". Pour autant, ce n'est pas dans cette proposition de loi que l'on pouvait l'indiquer, souligne-t-il : il y a de nombreux endroits où on peut intégrer la QVT. Elle se diffuse partout, à toutes les échelles du travail.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Olivia Fuentes
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