Les branches pourraient se saisir de la prévention des risques professionnels, ou laisser primer les accords d'entreprise, le CHSCT disparaîtrait dans une instance unique, le compte pénibilité pourrait vivre ses derniers mois, le travail en soirée serait un peu moins souvent considéré comme de nuit…
Cela commencera par du travail de nuit, pour la commission des affaires sociales. Rendez-vous demain, mardi 4 juillet 2017, à 21 heures, d'abord pour nommer les rapporteurs sur le projet de loi qui doit permettre au gouvernement de prendre des ordonnances pour réformer le code du travail, puis pour entendre sur la question la ministre du travail Muriel Pénicaud. La commission, présidée par Brigitte Bourguignon (LREM, Pas-de-Calais), devra aussi travailler sous une cadence contrainte : l'examen dans l'hémicycle est prévu dès la première séance du lundi 10 juillet et la procédure accélérée est activé. Le projet de loi a été adopté mercredi dernier en conseil des ministres. Muriel Pénicaud a expliqué lors d'une conférence de presse que le projet de loi "fait le pari du dialogue social et économique comme vecteur de souplesse pour les entreprises, de protection pour les salariés, et d’innovation sociale".
Muriel Pénicaud a aussi assuré qu'il ne s'agissait par d'inverser la hiérarchie des normes. "La loi prime, mais elle n’a pas vocation à connaître la réalité de chacune des trois millions d’entreprises. C’est l’articulation entre la loi, la branche et l’entreprise qui fera un système clair et qui fonctionne bien." Pourtant, au-delà du "rubik's cube" auquel Muriel Pénicaud compare "la rénovation du modèle social", avec six faces qu'il faut toutes réussir, la place que l’exécutif souhaite donner à la négociation collective pour élaborer les normes sociales se rapproche du 'chamboule tout'.
Aujourd'hui, les branches fixent dans 6 domaines des dispositions qui s'imposent aux entreprises, c'est-à-dire qu'un accord d'entreprise ne peut pas adapter la norme conventionnelle fixée par la branche. C'est le cas pour la complémentaire santé, la durée minimale du temps partiel, l'égalité professionnelle femmes-hommes. Et la pénibilité. Ce "premier bloc", ainsi que le présente le gouvernement, serait élargi, notamment à "la gestion et la qualité de l'emploi", qui recouvrirait par exemple les conditions de recours au CDI de chantier. Mais le bloc perdrait aussi la pénibilité, qui basculerait dans le "deuxième bloc".
Pour les domaines qui relèveront du 2e bloc, les branches pourront décider – mais rien ne les y obligera – de faire primer leurs accords sur les accords d'entreprise. Elles pourront mettre des clauses dites "de verrouillage". Nouveauté, ce bloc n'engloberait pour l'instant que 3 domaines, alors que les branches peuvent à l'heure actuelle "verrouiller" sur de nombreux thèmes. Là, ce serait réservé à "la prévention des risques professionnels et la pénibilité" ainsi que "le handicap", avec "les conditions et les moyens d'exercice d'un mandat syndical", selon le document dans lequel le ministère se positionne suite aux rencontres bilatérales menées avec les syndicats en juin. Difficile de savoir comment comptent réagir les branches et si elles se saisiront de cette possibilité, ou laisseront au contraire les entreprises décider de la prévention des risques professionnels.
Du côté des syndicats, c'est pour l'instant surtout sur la fusion des IRP (instances représentatives du personnel) que la pression commence à monter. Qu'entend porter Muriel Pénicaud ? "Si l'on veut que les salariés s'emparent de la négociation, il faut que le dialogue social soit simple", justifie le ministère du travail. L'article 2 du projet de loi autoriserait donc le gouvernement à prendre des mesures "fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail".
Dans son avis, le Conseil d'État fait remarquer que l'habilitation, telle qu'elle est aujourd'hui rédigée, "ne réserve pas la possibilité qu’un accord puisse maintenir plusieurs institutions représentatives au sein de l’entreprise". Le débat parlementaire pourra peut-être faire bouger les lignes.
Depuis la conférence sociale de 2013, le débat sur l'autonomie du CHSCT n'a jamais réellement cessé. En mars 2014, le professeur de droit Pierre-Yves Verkindt (université Paris-I Panthéon Sorbonne), à qui il était demandé d'établir "un état des lieux des forces et faiblesses de cette instance", avait pourtant affirmé dans son rapport au ministère du travail l'importance du CHSCT en matière de prévention. "Il nous paraît essentiel que soit reconnue l'aptitude de l'instance et de ses membres à co-construire la cartographie des risques dans l'entreprise", écrivait-il, soulignant que cela "vaut tout autant pour les risques d'atteintes à l'intégrité physique et pour les risques psychosociaux". |
---|
"S’il apparaît indispensable de disposer d’un dispositif prenant en compte de la pénibilité, celui-ci doit pouvoir être applicable par les entreprises, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, au moins pour les trois facteurs dits ergonomiques", écrit l'exécutif dans l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi d'habilitation. A priori, le ministère du travail fait référence aux contraintes physiques : manutention manuelle, postures pénibles et vibrations ; la question du travail répétitif ayant normalement été réglée début 2016.
Dans l'article 5 du projet de loi, le gouvernement s'autorise donc à "modifier les règles de prise en compte de la pénibilité au travail". Si le texte était adopté en l'état, il pourrait "adapt[er] les facteurs de risque", les obligations de déclaration, "les conditions d’appréciation de l’exposition à certains de ces facteurs", "les modes de prévention", "les modalités de compensation de la pénibilité" ainsi que leur financement. Entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2018.
La semaine dernière, la FFB (fédération française du bâtiment) a défendu "une approche médicalisée et individualisée de la pénibilité", la CPME allant dans le même sens.
Emmanuel Macron ministre avait assoupli le recours au travail du dimanche et en soirée, Emmanuel Macron président ne lâche pas le dossier. Le projet de loi entend "sécuris[er] le recours au travail de nuit". Il s'agirait, d'une part, de permettre "une adaptation limitée de la période de travail de nuit" – actuellement entre 21 heures et 6 heures –, de façon à ce que le travail jusqu'à 21 heures ou à partir de 6 heures soit "effectif". En clair, cela concerne le commerce qui dit fermer ses portes à 21 heures alors que ses salariés doivent à cette heure-là être partis, et se retrouve aujourd'hui dans la situation, soit de baisser le rideau à 20h30, soit de faire travailler ses salariés de nuit, illégalement. D'autre part, l'exécutif veut donner davantage de place à la négociation collective pour définir "le caractère exceptionnel du travail de nuit".
Quant au travail du dimanche, il s'agit simplement de prolonger d'un an la période transitoire qui était prévue par la loi Macron. Les entreprises qui pouvaient déjà ouvrir le dimanche ou en soirée avant cette loi ont en effet pour l'instant jusqu'au 1er août pour se conformer aux nouvelles exigences, sans quoi elles ne pourront plus ouvrir. Le projet de loi leur donne jusqu'au 1er août 2018.
En deux ans à peine, les règles applicables en cas d'inaptitude ont été chamboulées avec l'entrée en vigueur de dispositions prévues par la loi El Khomri – et avant elle par la loi Rebsamen. Elles pourraient à nouveau changer, le gouvernement s'autorisant dans le projet de loi à "clarifi[er] les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude et sécuris[er] les modalités de contestation de l’avis d’inaptitude".
Avant le 1er janvier 2017, la procédure de contestation des avis du médecin du travail relevait de la compétence de l’inspecteur du travail. Ce dernier prenait sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. Désormais, cela se passe au conseil de prud'hommes, avec un médecin-expert. Une réforme qui suscite de vives critiques. Et que l'exécutif entend donc modifier, "pour rendre le recours plus opérationnel et plus rapide". Comment ? Cela reste pour l'instant très flou. La clarification des obligations de reclassement envisagée n'est pas davantage limpide.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.