Refus de séjour pour soins : office du juge en cas de levée du secret médical par l'étranger

02.09.2022

Droit public

Pour le Conseil d'État, si, à l'occasion d'un recours contre un refus de séjour pour soins, un étranger décide de lever le secret médical, le juge doit statuer au vu de l'entier dossier médical ayant permis au collège des médecins de l'Ofii d'émettre son avis.

Dans une décision du 28 juillet 2022, publiée au recueil Lebon, le Conseil d’État considère que, dès lors que l’étranger lève le secret médical le concernant et formule une demande auprès du juge d'appel afin que lui soit communiqué le rapport médical sur le fondement duquel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) a émis son avis, le juge commet une erreur de droit en confirmant le refus de séjour au motif que le secret médical s'oppose à la communication du rapport.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Remarque : en l’espèce, le requérant, un ressortissant djiboutien, s’était vu opposé un refus de séjour sur le fondement de l’ancien article L. 313-11 (devenu L. 425-9) du Ceseda. Le rejet de sa demande d’annulation a été confirmé en appel au motif que le secret médical s'opposait à ce que le rapport médical lui soit communiqué.

Obligation de prendre en compte l’avis médical rendu par le collège de médecins de l’Ofii

En premier lieu, précisant les pouvoirs du juge administratif saisi d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de la prise en charge médicale ou à la possibilité d'en bénéficier effectivement dans son pays d’origine, la Haute juridiction estime qu’il lui appartient « de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l’Ofii ».

Autrement dit, si un tel moyen est soulevé, le juge a l’obligation de prendre en compte l’avis émis.

Conséquences de la levée du secret médical par l’étranger sur l’office du juge

Dans une décision du 9 octobre 2019, le Conseil d’État avait déjà considéré (CE, 9 oct. 2019, n° 422974) qu’en cas de levée du secret médical par l’étranger, à l’occasion d'un moyen relatif à son état de santé il appartenait au juge administratif « de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017 ».

Dans sa décision du 28 juillet 2022, il précise que cette levée du secret doit par ailleurs permettre au juge de se prononcer en prenant en considération :

  • les éléments pertinents, notamment « l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l’Ofii », « en sollicitant sa communication » ;

  • « les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire ».

Remarque : dans ses conclusions sur l’affaire, le rapporteur public, M. Stéphane Hoynck, souligne qu'il lui « parait important que le juge puisse demander, lorsqu’est contestée l’appréciation médicale qui est à l’origine du refus attaqué, l’entièreté du dossier médical que détient l’Ofii, afin qu’il puisse se prononcer en connaissance de cause, et pas seulement sur la base des éléments, certificats, analyses, etc fournis spontanément par le demandeur. En effet, tant que le juge n’a pas connaissance des éléments qui figurent dans le dossier constitué à l’Ofii, une forme d’asymétrie demeure, où l’administration ne peut pas défendre la légalité de sa décision sur la base des éléments d’analyse qu’elle a pourtant constitué et dont elle pourrait vouloir défendre le sérieux et la pertinence devant le juge ».

Dans sa décision, la Haute juridiction confirme également que si le demandeur entend contester le sens de l’avis médical rendu par le collège de médecins de l’Ofii, c’est à lui seul qu’il appartient « de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent ».

Erreur de droit en cas de refus de communication du rapport médical

En l’espèce, le requérant avait décidé de lever le secret médical le concernant en faisant état des pathologies l'affectant. Il avait alors formulé une demande auprès du juge d'appel afin que le rapport médical lui soit communiqué.

Pour le Conseil d’État le juge a donc entaché son ordonnance d’une erreur de droit en confirmant le refus de séjour au motif que le secret médical s'oppose à la communication à l'intéressé du rapport médical, alors que le secret médical avait été levé par l’intéressé.

Véronique Baudet-Caille, Juriste et auteur en droit social
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