Retraites : que met Matignon sur la table pour la pénibilité ?

Retraites : que met Matignon sur la table pour la pénibilité ?

14.02.2020

HSE

Des attentes fortes, mais pas de consensus. Sur la pénibilité, au cours du mois de janvier, les lignes n'ont pas beaucoup bougé. Le gros de la question – la réparation –est renvoyé à la conférence de financement. Dans ses annonces d'hier, le premier ministre a tout de même avancé plusieurs éléments qui seront ajoutés au projet de loi par amendements.

"S'agissant de la pénibilité, les attentes sont fortes", a reconnu Édouard Philippe jeudi 13 février 2020, au sortir de la réunion multilatérale avec les partenaires sociaux qui venait conclure "un premier cycle de concertation". Le projet de loi de réforme des retraites arrive lundi en séance publique dans l'Hémicycle et le temps presse, ce jeudi : les amendements au texte doivent être déposés au plus tard aujourd'hui.

Une chose est sûre : la majorité ne portera aucune modification sur une possible réintégration des quatre critères sortis du C2P en 2017 – Édouard Philippe n'évoque que les trois dits "ergonomiques" (postures, charges lourdes, vibrations), évacuant la question de l'exposition aux agents chimiques dangereux. "La question de la réparation de la pénibilité ne fait pas consensus entre les organisations patronales et syndicales, indique le premier ministre. J’ai bien noté la demande des organisations syndicales d’aller plus loin en matière de départs anticipés, mais aussi les craintes exprimées par certains représentants des employeurs face à des évolutions de ce type." Le sujet est renvoyé à la conférence de financement, dont les discussions continueront à se tenir en parallèle de l'examen du projet de loi au Parlement.

"Un plan massif de prévention de la pénibilité"

Le gouvernement maintient sa volonté d'"instaurer des règles de pénibilité universelles", ce qui "implique de transformer une logique de statut en une prise en compte équitable de la pénibilité", argumente Édouard Philippe. Tout le monde basculera donc à la fois sous le C2P et sous une possible reconnaissance en fin de carrière pour les 4 critères sortis du compte en 2017, et depuis réparés au titre des maladies professionnelles. Et pour que chacun puisse faire valoir ses droits à un départ anticipé en cas d'une incapacité permanente, les concertations auraient mis en avant, expose le premier ministre, "la nécessité de généraliser une visite médicale systématique à 55 ans pour les salariés exposés à des métiers pénibles".

 

► Lire aussi : Pénibilité : quelle réparation pour ceux qui sont exposés aux 4 facteurs exclus du C2P ?

 

Point de consensus : faire de la prévention. Pour cela, "le gouvernement va inviter les branches professionnelles à ouvrir des discussions dans les six mois qui suivront la publication de la loi pour lancer un plan massif de prévention de la pénibilité", annonce Édouard Philippe. Rue de Grenelle, on précise qu'il s'agira, pour les branches les plus concernées par la pénibilité, de repérer les métiers exposés, et de négocier des actions de réduction concrètes – telles des brouettes tractées sur les chantiers du BTP ou des ceintures maintenantes pour les personnels des Ehpad.

Et si les discussions n'aboutissent pas ? Les partenaires sociaux y auraient pourtant intérêt, car la carotte financière est dégainée : le montant des aides qui pourront annuellement être attribuées par la branche AT-MP dans le cadre de co-financement des mesures de prévention passera de 100 M€ par an – comme c'est prévu depuis la signature de la nouvelle COG – à 200 M€. Ce serait effectif dès 2021, en utilisant l'excédent de la branche.

Congé de reconversion avec les points du C2P

Nouveau dispositif proposé par le gouvernement depuis quelques semaines : le "congé de reconversion", qui serait une quatrième manière d'utiliser les points acquis sur le C2P – en plus de la formation, du temps partiel ou du départ anticipé. "La logique est simple, déclare Édouard Philippe : permettre à un salarié exposé depuis 10-15-20 ans à la pénibilité de financer une formation longue de 6 mois, rémunérée, pour basculer vers un nouveau métier."

L'amendement sera porté par le gouvernement. L'objectif, précise le cabinet du ministère du travail, est que tous les salariés qui ont un C2P depuis 15 à 20 ans – le positionnement du curseur n'est pas encore décidé – puissent bénéficier d'un congé de 6 mois financé à 100 % et qu'ils aient sur leur CPF (compte personnel de formation) 12 500 € à utiliser.

Compte épargne temps, retraite progressive et prévention de la désinsertion

Pour ceux qui n'ont pas de points pour une exposition à la pénibilité reconnue, un autre nouveau dispositif serait éventuellement mobilisable : le compte épargne temps universel. Ce n'est pas la première fois que l'idée est évoqué, mais ce coup-ci, il serait vraiment créé. Et fera l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. Son principe : que tout le monde, tout au long de sa carrière, puisse économiser des jours, puis les utiliser de façon groupée comme bon lui semble, à n'importe quel moment de sa carrière. Le compte épargne temps existe déjà dans la fonction publique.

"La retraite progressive restera ouverte à 60 ans dans le système universel et elle sera rendue beaucoup plus facile d’accès. Nous étendrons ce dispositif à la fonction publique", indique par ailleurs le premier ministre. "Une transition douce, à temps partiel ou consacrée à la transmission de leur expérience, peut contribuer au maintien en emploi."

Rue de Varenne, on souligne qu'un sujet aura vocation à être une tête de chapitre de la négociation sur la santé au travail qui devrait s'ouvrir entre les partenaires sociaux : la prévention de la désinsertion professionnelle. Organisations syndicales et patronales seraient d'accord pour discuter, notamment, des méthodes pour mobiliser les acteurs de la prévention – à commencer par les services de santé au travail – et articuler leurs missions et actions sur cette question.

Mutualiser les indemnités de licenciement pour inaptitude

Puisqu'il va s'agir de travailler plus longtemps, la question du travail et de l'emploi des seniors se pose. Cela a permis aux organisations patronales de mettre sur la table une de leurs demandes : la mutualisation des indemnités à payer au salarié en cas de licenciement pour inaptitude, de façon à ce qu'elles ne soient pas à la charge uniquement du dernier employeur. Cela serait en effet un frein à l'emploi des seniors, les entreprises ne voulant pas prendre le risque d'embaucher quelqu'un de déjà usé, craignant de devoir le licencier pour inaptitude.

Le système qui permettra cette prise en charge n'est pas encore défini. Pourront en bénéficier "plutôt les PME, et plutôt que pour les salariés seniors", précise-t-on à Matignon. Gouvernement et partenaires sociaux vont y travailler – surtout les organisations patronales, puisque se pose avant tout la question du financement par les employeurs.

 

Et pour les fonctionnaires ?

Avec la suppression des catégories actives, le système universel de retraites tel que prévu par le gouvernement, n'est pas avantageux pour nombre de fonctionnaires.

Pour ceux ayant des métiers dits dangereux – les pompiers, les policiers nationaux et municipaux, les surveillants de l'administration pénitentiaire, une partie des douaniers et les ingénieurs de navigation aérienne –, des départs anticipés sont aujourd'hui actés.

Et les autres ? Ceux qui rentrent dans le C2P, rentreront dans le C2P. Et ceux qui n'y rentrent pas, n'auront pas plus de reconnaissance d'une éventuelle pénibilité que les salariés du privé. Le gouvernement est ferme sur ce point. Mais reconnaît tout de même une difficulté pour les métiers dits "insalubres", c'est-à-dire surtout les éboueurs et les égouttiers. Leurs cas seraient actuellement étudiés.

À l'hôpital, les modalités de transition entre le sytème actuel et le futur pour les catégories actives, seront précisées non pas dans une ordonnance, comme initialement prévu, mais dès l'examen en séance à l'Assemblée. Les droits acquis devraient être proratisés. Un dispositif de mi-temps payé à 75 % est promis. Et pour les personnels concernés par la réforme qui auront accès au C2P dès 2025, leurs expositions seront tracées à partir de 2022.

 

Jeudi soir, Matignon a adressé aux partenaires sociaux une lettre récapitulant les points retenus par le gouvernement, ainsi qu'un "dossier de restitution des concertations".

► Voir les documents joints, ci-dessous.

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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