Risque chimique : aspirer à mieux

Risque chimique : aspirer à mieux

01.07.2025

HSE

Une installation de ventilation réussie repose sur un bon devis, pensé suffisamment en amont avec toutes les contraintes du poste, de ses travailleurs, et des agents chimiques dangereux en utilisés. Kévin Bance, de la Cramif, donne ses conseils. Un réseau de professionnels à connaître, Car-In-Vent est animé par les Carsat.

Imaginez. Responsable HSE, vous avez la charge de plusieurs ateliers de maintenance de bus. Vous voulez mieux prévenir l'exposition aux fumées diesel et décidez ainsi d'installer un dispositif de captage très performant. En commençant par cet atelier, situé à l'autre bout de la région, car plusieurs salariés se sont plaints de maux de tête, notamment. C'est coûteux, mais vous avez eu l'accord de la direction, alors vous foncez, il ne s'agirait pas qu'elle change d'avis.  

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Vous demandez les devis, validez rapidement un cahier des charges proposé par l'installateur – il sait ce qu'il fait, quand même, c'est son métier. Quelques semaines plus tard, c'est installé, le chef d'atelier s'est occupé de la réception car vous ne pouviez pas être présent. Vous y allez pour voir le travail accompli. Et vous vous rendez immédiatement compte de la boulette : les bus ne peuvent rentrer qu'en marche avant, et le captage est au fond de l'atelier, à la tête des bus, au lieu d'être au niveau des pots d'échappement. L'aspiration, très performante, ne capte pas les fumées diesel.  

Cette histoire n'est fictive que parce qu'elle compile plusieurs expériences malheureuses. Kévin Bance, ingénieur conseil au centre de mesures physiques de la Cramif (caisse régionale de l'assurance maladie en Île-de-France) voit très fréquemment de telles situations. Lors de son intervention au salon Préventica à Paris en juin 2025, il projette d'ailleurs une photo d'un atelier de réparation de bus avec ce problème de captage mal pensé.  

Devis clé 

Pour Kévin Bance, la clé, c'est le devis, et la préparation en amont qui va avec, pour des installations souvent plus complexes à penser qu'on ne l'imagine. 75% des devis "n’intègrent pas toutes les données techniques nécessaires à la mise en place d’une installation acceptable, d’un point de vue prévention du risque chimique", tranche le centre interrégional de mesures physiques de l'Est, qui a passé au crible ces documents durant 5 ans.  

Réponse du fournisseur au cahier des charges fixé par le client, le devis devra être précis sur de nombreux points. L'ingénieur conseil énumère les principaux : la nature des polluants et les éventuelles contraintes de conception associées, par exemple si on est en zone Atex (atmosphère explosive), les performance aérauliques (vitesses d'air aux postes de travail et dans les conduits de transport, débits de ventilation par poste et débit total de l'installation), le type d'installation (débit constant ou variable) et son mode de mise en marche et d'asservissement (ventilateur, clapets d'obturation des conduits, système de décolmatage des filtres, etc.), la consommation électrique.  

Il faut ajouter le plan de l'installation avec les points de mesure, le choix d'un recyclage de l'air, la compensation d'air prévue, surtout si les locaux sont petits. "Et la réception de l'installation par des mesures, appuie Kévin Bance. J'insiste, c'est incontournable, et cela doit se faire sur la base des documents techniques du fournisseur du matériel." 

Pour la Carsat Nord-Est, qui diffuse une petite brochure spécifique, cette liste se résume autour de quatre "exigences minimales de prévention" : des dispositifs de captage appropriés, un réseau de transport adapté, un protocole de réception détaillé et un engagement [de l'installateur] à fournir la notice d'instruction".  

Cahier des charges et aides financières 

"Finalement, heureusement que mon projet n'a pas pu aboutir pour l'instant, je vais tout reprendre dans l'ordre", confie une responsable HSE confrontée à des poussières de bois dans un des ateliers dont elle a la charge. "Je n'avais pas prévu de faire des tests pour visualiser les flux d'air avec des fumigènes lors de la réception de l'installation", explique-t-elle. Elle n'avait pas non plus fait attention au niveau de décibels, or une installation trop bruyante va souvent être éteinte par les utilisateurs.  

Il est aussi recommandé d'éviter les solutions avec un recyclage d'air. "Du point de vue de la gestion du risque chimique, c'est une solution qui n'est pas viable", expose Kévin Bance, ajoutant que même avec des filtres, "ce n'est jamais parfait, et c'est souvent très cher". 

L'assurance maladie propose toute une série d'aides financières pour la prévention du risque chimique : Captage fumées de soudage, Captage fumées de diesel, Amiante, Risque chimiques formation accompagnement (pour former une personne ressource aux risques chimiques, et/ou de faire réaliser l'évaluation des risques chimiques de l'établissement par un prestataire), Risque chimique équipements, avec les quatre toutes nouvelles Captage cabine de peinture, Captage zone de préparation, Captage réseau haute dépression, Captage prothésistes dentaires. Pour les poussières de bois, plusieurs dispositifs sont en train d'être finalisés ; ils devraient sortir dans les semaines qui viennent.  

"Même si aucun de ces dispositifs ne correspond à votre situation, n'hésitez pas à nous contacter pour nous exposer votre problématique. Lorsqu'on a plusieurs demandes du même type, cela nous permet d'identifier un besoin", invite le représentant de la Cramif. "Et si vous ne rentrez pas dans les critères d'attribution, par exemple parce que votre entreprise est trop importante, allez tout de même voir les cahiers des charges qui figurent dans les dossiers de subvention, ils peuvent vous être très utiles."  

Voici par exemple celui rédigé, entre autres, par des Carsat et l'INRS "pour l’acquisition d’installations de captage des gaz d’échappement dans les centres de contrôle technique de poids lourds (PL) et de cabines de conduite des contrôles en air propre" (à partir de la page 11 du pdf), ou pour l'"acquisition d’installations de captage des gaz d’échappement" (à partir de la page 23). Le prestataire de ventilation doit respecter chaque point du document.  

Car-in-vent  

Tout responsable HSE n'a pas forcément un bon "ventilateur" dans son carnet d'adresses. Partant de ce constat, la Carsat Nord-Est, particulièrement pro-active sur cette question, a lancé en 2018 un réseau de professionnels en ventilation : Car-In-Vent. Animé par les unités techniques des caisses régionales, il s'étend progressivement à tout le territoire. Fin 2023, neuf Carsat étaient engagées (Nord-Est, Nord Picardie, Pays de la Loire, Bretagne, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Sud-Est), elles devraient bientôt toutes en être, à commencer par l'Île-de-France dans les mois qui viennent.  

"L'idée du réseau est d'avoir des offres techniques qui répondent le mieux possible à nos recommandations, et d'échanger en son sein sur les bonnes pratiques", décrit Kévin Bance. Et de préciser : "attention, ce n'est pas un conventionnement, cela ne garantit pas le respect à 100% des exigences, mais cela veut quand même dire qu'il y a un engagement assez fort et une sensibilisation".  

Les quelque 200 professionnels – installateurs, distributeurs, ou bureaux d'étude – qui peuvent être actuellement contactés via l'annuaire ont été formés aux recommandations techniques de la branche risques professionnels de l'assurance maladie. IIs suivent une formation initiale d'une journée, puis une plénière au moins tous les quatre ans. Au programme : concevoir des solutions de captage des polluants, fournir des devis avec les engagements attendus et composer un dossier d'installation avec les valeurs de référence pour la réception.  

"On s'aperçoit qu'on arrive souvent trop tard pour faire nos recommandations, l'installation est déjà en place, l'argent est déjà dépensé", regrette Kévin Bance. En les formant via ce réseau, les installateurs peuvent devenir des acteurs de la prévention du risque chimique. Il y a fort à parier que notre responsable HSE qui s'est un peu précipité pour son atelier de maintenance de bus, aurait aimé avoir affaire dès le départ à un tel intervenant.  

Élodie Touret
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