Risque chimique : pour certaines substances, la VLEP est encore souvent dépassée

Risque chimique : pour certaines substances, la VLEP est encore souvent dépassée

12.10.2020

HSE

Dans plusieurs secteurs d'activité, des travailleurs sont exposés à l’acrylate de méthyle, au chlore ou encore au chrome VI. Et dans près d'un cas sur cinq, c'est au-delà de ce que le code du travail impose.

Le tableau que donne à voir les dernières extractions de la base de données Scola n’est pas glorieux pour la prévention du risque chimique au travail. Elles proviennent des contrôles réalisés sur les lieux de travail par les organismes accrédités. L’INRS a publié cet été celles de la période 2015-2019. On y voit de réguliers dépassements de VLEP (valeurs limites d’exposition professionnelle) pour certaines substances (voir graphique) (1).

Pour l’acrylate de méthyle par exemple, 19 % des mesurages ont enregistré un indice d’exposition (c’est-à-dire le ratio entre la concentration et la VLEP) supérieur à 1. Autrement dit, dans 19 % des cas, la valeur limite est dépassée. Cela arrive principalement dans le secteur de l’industrie chimique. Une concentration à 150 mg/m3 a même été enregistrée, un niveau bien loin de la VLEP fixée à 18 mg/m3.

18 % des mesurages de la concentration en chlore montrent un dépassement de VLEP court terme, même si les concentrations ont tendance à baisser sur la période. La grande majorité des mesures ont été réalisées dans des locaux standards industriels. Un captage localisé n’est déclaré que dans 16 % des situations et une protection respiratoire individuelle "efficace et appropriée" est portée dans uniquement 0,31 % des situations de travail.

BTP, industrie, administration... 

Pour le chrome VI et ses composés (sur 8 heures), l’indice d’exposition est supérieur à 1 dans 16 % des plus de 9 500 cas étudiés. La métallurgie et la sidérurgie sont principalement concernées. La tendance des concentrations est à la hausse sur la période. Si plus de la moitié des mesurages montrent une concentration inférieure à 10 % de la VLEP, certaines concentrations sont très élevées, si bien que la moyenne est de 6,1 µm/m3 alors que la limite est fixée à 1 µm/m3. Une concentration de 3 800 µm/ma même été enregistrée. 

 

Les dépassements touchent des secteurs très variés. L'industrie automobile est concernée par le styrène, les industries alimentaire et pharmaceutique par le dichlorométhane, l'industrie du cuire par le tétrachloréthylène, le BTP par la silice cristalline (pour les conducteurs d'engins), les fibres céramiques réfractaires ou encore les poussières de bois. La VLEP de cette dernière n'est parfois pas respectée non plus dans l'enseignement et l'administration publique, qui présentent les niveaux d'exposition les plus élevés. 

Tendances inexpliquées

13 agents sur les 19 analysés de manière approfondie voient leur concentration en augmentation sur la période étudiée : les poussières de bois, le plomb, ou encore le styrène. Les niveaux d'autres agents ont plutôt tendance à baisser. C'est le cas de la silice cristalline, de l'acide sulfurique ou de l'amoniac par exemple. 

Comment expliquer l'augmentation de dépassements pour certaines substances ? Gautier Mater, responsable de laboratoire à l'INRS et auteur du rapport, ne veut pas s'avancer : "C'est multifactoriel. Il faudrait réaliser une analyse approfondie pour identifier les descripteurs qui pourraient expliquer les variations". Il insiste : "Il est normal qu'il y ait des variations. Si elles se confirment, il faudra se poser des questions. Pour le moment, on ne peut rien en dire". Quoi retenir de ces données alors ? "L'objectif du rapport n'est pas l'interprétation de résultats. Ce qui en ressort est purement descriptif, nous explique-t-il. La priorité est d’apporter à la connaissance du plus grand nombre, et donc à celle du législateur mais aussi du réseau de prévention, des éléments factuels permettant de hiérarchiser et d’orienter les actions de préventions prioritaires". 

Les partenaires sociaux sont en pleine négociation interprofessionnelle sur la santé au travail. Le gouvernement leur a demandé de traiter la question du risque chimique, de regarder comment informer davantage les entreprises, les accompagner avec des "outils pratiques de prévention" mis à disposition, et rendre la réglementation opérationnelle et accessible aux TPE-PME – "notamment dans ses aspects techniques comme le respect des valeurs limites d’exposition". Pour le moment, le sujet, clivant, n'a pas été clairement abordé. 

 

Lire aussi : Risque chimique : quand les VLEP sont en balance entre intérêts économiques et protection de la santé des salariés

 

 

(1) Les concentrations utilisées dans le rapport ne prennent pas en compte les facteurs de protection respiratoire et donc ne reflètent pas, pour les situations où il est justifié qu'elles soient portées, les expositions réelles subies par le salarié. 
La distribution des concentrations est présentée pour les prélèvements individuels, c'est-à-dire réalisés au niveau de la zone respiratoire du travailleur. 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pauline Chambost
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