En plus de l'organisation du travail permettant de respecter les enjeux sanitaires et de la mise en œuvre opérationnelle des règles de distanciation et mesures barrières, les employeurs ont tout intérêt à s'occuper de la santé psychique de leurs équipes, alerte le cabinet de conseil Éléas. Le temps collectif de récupération sera essentiel, et durera sans doute plusieurs semaines, pour reconstituer des collectifs performants.
Ce lundi 11 mai ne marquera pas la fin de la crise sanitaire, on l'a bien compris, ni la fin du télétravail. Pour nombre d'entreprises, cela marquera quoiqu'il en soit une nouvelle phase, dans laquelle il faudra à la fois accompagner la reprise petit à petit du travail en présentiel et prendre en compte les conséquences des longues semaines de confinement sur les équipes et sur l'organisation du travail. "Le confinement actuel peut avoir tendance, on le sait, à cristalliser des situations de travail difficiles à vivre sur un plan psychologique, prévient Éric Goata, directeur général du cabinet de conseil Éléas. Or les situations de travail inédites que l'on connaîtra après le 11 mai peuvent potentiellement amplifier ces difficultés."
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En plus de la préparation technique à la reprise – pour organiser la distanciation sociale, le respect des gestes barrières, etc. – les employeurs auront ainsi plus qu'intérêt à penser à la prévention des risques psychosociaux. L'enjeu ? Ne pas voir leurs équipes se déliter dans les semaines et mois à venir et avoir au contraire des ressources humaines en état de faire face aux prochains défis.
Pour Éric Goata, qui détaille tout ceci dans un webinaire :
"Si on veut retrouver des équipes en capacité de s'engager et de donner le meilleur, il va falloir donner du temps pour que les forces psychiques se reconstituent. L'intensification soudaine et brutale du travail pour rattraper le retard économique ne serait pas une bonne manière de reprendre."
Pas de retour à la normalité le 11 mai, d'abord parce que les lieux de travail devront intégrer les règles sanitaires, ainsi que l'organisation du travail qui va en découler, composant entre des horaires décalés et du télétravail autant que possible. "La prolongation du télétravail sera psychiquement usante et le travail en situation réelle continuera à susciter un stress sanitaire, par peur d'attraper le virus", souligne Éric Goata.
Les situations individuelles seront aussi très disparates, entre les personnes qui seront à nouveau mises en confinement (car malades du covid-19 ou cas contacts attendant le résultat de leur virologie), d'autres qui resteront chez elles car à risque de développer une forme grave, celles ayant été malades et ainsi porteuses d'une potentielle immunité (qui suscite encore de nombreuses questions)…
Pour rassurer les collaborateurs anxieux et developper un cadre de confiance, le cabinet Éléas suggère de faire faire un "audit sanitaire des conditions de reprise", c'est-à-dire que les aménagements des postes de travail soient validés par le service de santé au travail.
L'employeur pourra aussi mettre en place un réseau de référents covid-19. Le ministère du travail fait mention du référent covid dans son protocole national de déconfinement, pour la prise en charge d'un collaborateur symptomatique. Ces référents pourraient jouer le rôle de sensibilisateurs auprès des salariés, notamment pour que les gestes barrières, qui ne sont pas naturels, deviennent rapidement un réflexe. Ils pourraient aussi avoir la charge d'animer des groupes de travail pour adapter les gestes barrières au travail réel. Si ce ne sont pas des professionnels de la santé au travail, ils devront rapidement être formés. Le réseau peut associer des IPRP (intervenants en prévention des risques professionnel) externes à l'entreprise, des managers, et des représentants du personnel.
La phase de confinement a induit une "frustration psychologique", ce qui peut entraîner des "phénomènes de décompensation lors de la reprise, avec une dose anormale d'agressivité". Ce sont des "équipes en convalescence" qui vont petit à petit revenir sur leurs lieux de travail, et il faudra leur accorder "un temps collectif de récupération".
Éric Goata :
"Tout ceci aurait en partie pu se réguler sous la forme de moments festifs lors du déconfinement, explique le directeur d'Éléas. Mais il n'y aura finalement pas la décompression liée à ces temps de convivialité. Le retour au travail sera vécu avec la possibilité diminuée d'exprimer des émotions qui seraient libératrices des tensions subies pendant le confinement."
Comment les dirigeants d'entreprises peuvent-il le prendre en compte ? D'abord en évitant toute communication anxiogène au moment d'annoncer les modalités de reprise et en ayant bien en tête qu'au moins plusieurs semaines, selon le cabinet spécialisé, vont être nécessaires avant de retrouver le niveau de productivité antérieur à la crise. La tentation est forte de demander une intensification sur travail, chez les employeurs. Éric Goata leur recommande de porter un discours "visionnaire" et de privilégier "la cohésion du groupe plutôt que la performance". Ce serait aujourd'hui le plus court chemin vers la performance, justement.
Un "temps de purge", lors duquel chacun fait part de son vécu, pourra aussi être bénéfique, lorsque les collectifs de travail seront réintégrés, petit à petit, par petits groupes qui se connaissent. Mais ceci ne pourra avoir lieu que lorsque l'ensemble des personnes d'un même collectif reviendra. Il ne faudrait justement pas créer de nouvelles disparités entre ceux qui continuent à être absents du lieu de travail et ceux qui peuvent ou doivent revenir.
Quelque 8 millions de travailleurs français seraient, du jour au lendemain, devenus des télétravailleurs au long cours. Une aubaine pour certains, qui y voient encore à ce jour une respiration, mais aussi beaucoup de difficultés pour ceux qui n'ont pas eu les moyens d'organiser des conditions de travail convenables à la maison.
Éric Goata :
"Après les grèves qui avaient été un peu comme une répétition générale, de plus en plus entreprises vont s'appuyer plus fortement sur le télétravail, avec des équipes virtuelles. Or le télétravail ne peut pas être une organisation du travail pérenne. Rien ne peut remplacer la proximité dans l'efficacité du fonctionnement des équipes, que cela soit en terme de communication ou de prise de décision."
Quelles ont été – et vont continuer à être, pour certains – les principales dérives du télétravail ? L'alternance vie privée / vie professionnelle est sérieusement mise à mal, alors qu'elle est généralement psychologiquement regénérante, la gestion de la parentalité apparaît comme un sujet important pour l'employeur, et l'hyperconnexion doit être prise en compte.
Les managers se sont épuisés à animer des équipes à distance, sans avoir préalablement été formés ni sensibilisés aux bonnes pratiques. D'autant que le travail à distance "favorise les décisions prises en silo, ce qui peut induire des erreurs de stratégie, qui apparaîtront avec le temps", et augmente le risque de déperdition d'informations, par oubli ou incompréhension. Les équipes ont été sur-sollicitées, "et bien souvent en dehors du cadre contractuel lié aux horaires de travail", souligne Éléas.
Le cabinet recommande surtout d'encadrer les pratiques de télétravail, pour parvenir à mieux prendre en compte la gestion de la charge mentale et des capacités cognitives, en formant au management à distance, mais aussi en développant chez tous les collaborateurs des compétences adaptées à l'usage intensifié du numérique. Pour garder les avantages du télétravail, pour tous, sans laisser s'enkyster les effets pervers.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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