Le stockage des ammonitrates à haut dosage continue d'alimenter des travaux pour faire évoluer la réglementation. La DGPR souligne qu'il y a un réel problème de respect de la réglementation sur les sites soumis à déclaration. Faut-il donc abaisser les seuils ? La réglementation va aussi évoluer pour le transport fluvial, des échanges ont commencé entre les différents acteurs.
Un groupe de travail sur le transport fluvial et des débats sur de nouveaux seuils de déclaration pour les ICPE de stockage d’ammonitrates haut dosage (AN HD) : voici le menu des discussions qui prolongent désormais la publication du rapport CGEDD-CGE (conseil général de l’environnement et du développement durable et conseil général de l’économie) de mai 2021. Pour mémoire, ce rapport préconisait notamment de mieux surveiller le transport fluvial de ces engrais. La Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a donc lancé un cycle de travaux sur le sujet.
Sollicité par Actuel-HSE, le sénateur Union centriste de Seine Maritime et rapporteur Pascal Martin n’a toutefois pas souhaité s’exprimer pour le moment, "les travaux [n’étant] pas terminés et le rapport [devant] être présenté en commission développement durable à la fin du mois de mars ou début du mois d’avril". Outre des auditions des auteurs du rapport et des acteurs économiques, la commission a réalisé plusieurs visites et a interrogé la direction de VNF (voies navigables de France), le ministre de l’agriculture Julien de Normandie et des représentants des services de l’État.
Dans leur rapport, le CGEDD et le CGE avaient recommandé à la DGPR et aux Dreal de privilégier, dans le cadre de leur action nationale 2021, le contrôle des ICPE de stockage d’AN HD soumises à déclaration. Interrogé sur les résultats de ces contrôles, le chef du service des risques technologiques à la DGPR Philippe Merle a déclaré que 246 installations avaient été contrôlées en 2021 – dont 170 ICPE et 125 soumises au régime de la déclaration. Parmi ces 125 ICPE, la DGPR a décompté plus de 550 non-conformités ayant conduit à 38 arrêtés de mise en demeure.
"C’est-à-dire qu’on a plus de 20 % des installations avec un vrai sujet de non-conformité, explique le fonctionnaire. C’est beaucoup", ajoute-t-il. Dans le détail, 40 % de non-conformités on été constatées sur l’éloignement des stockages des matériaux combustibles (fioul et nitrates), 40 % sur l’éloignement entre les engrais et 34 % de non-conformités sur l’obligation de tenue d’un état des stocks et de la localisation des engrais. "Un sujet essentiel en cas d’incendie, note Philippe Merle. Nous avons clairement un sujet quant au respect de la réglementation sur ces sites soumis à déclaration".
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Pour encourager les opérateurs à recourir aux ammonitrates moyen dosage plutôt qu’aux haut dosage, le CGEDD et le CGE avaient également recommandé "en fonction des résultats de l’action nationale 2021, [d’]abaisse[r] éventuellement les seuils de déclaration". Conformément à cette recommandation, un projet de décret a été mis en consultation jusqu'au 15 février ; il vise à abaisser le seuil de déclaration des AN HD à 150 tonnes en vrac ou en big bags – au lieu aujourd’hui de 250 tonnes pour le vrac et 500 tonnes pour les big bags.
La proposition a provoqué de vives réactions de la part des acteurs concernés, qui, lors de la consultation, se sont interrogés à plusieurs reprises sur l’absence d’étude d’impact. Les risques pour la souveraineté industrielle française – les AN HD étant principalement fabriqués en France – mais aussi pour sa souveraineté alimentaire ont été évoqués en particulier. Lors de son audition devant le Sénat, le président de l’Unifa (union nationale des industriels de fertilisants et d’amendements) Renaud Bernardi s’est quant à lui interrogé sur le risque de déport des stockages, abordant les problématiques de transport – et leurs conséquences environnementales.
Dans sa contribution, l’UNPT (union nationale des producteurs de pommes de terre) s’interroge quant à elle sur un abaissement commun du seuil pour le vrac et le big bag "alors que le conditionnement réduit les risques en termes de contamination". "J'entends ce que vous avez dit tant sur les conséquences d'une distinction entre les produits en vrac et ceux qui ne sont pas stockés en vrac, que sur le risque de déport (...). La consultation doit avoir lieu, et ces éléments doivent remonter par ce moyen. Aujourd'hui, aucun décret n'est signé, il y a simplement une consultation qui est organisée", rassurait Julien de Normandie lors de son audition.
Concernant le transport, deux arrêtés sur les ports maritimes ont été publiés le 7 février 2022. L’un de ces textes en particulier modifie le règlement sur le transport et la manutention des matières dangereuses dans les ports maritimes (RPM) en diminuant les quantités maximales par îlot et en augmentant les distances entre îlots. Son entrée en vigueur est fixée au 16 juillet 2022, soit la date d'applicabilité du règlement du 5 juin 2019 établissant les règles relatives à la mise sur le marché des fertilisants.
Mais c’est dans le transport fluvial que le CGE et le CGEDD s’étaient surtout émus du manque de surveillance. Les institutions recommandaient à la DGPR d’élaborer un règlement de transport et de manutention des matières dangereuses, règlement qui serait décliné localement dans les Règlements particuliers de police de la navigation intérieure (RPPNI). "L’ensemble des recommandations fait consensus, assure Muriel Bouldouyré, cheffe de bureau pour les affaires relatives au transport fluvial au ministère de la transition énergétique. La question n’est pas de savoir si nous allons le faire mais comment", ajoute-telle. Lors de son audition, elle annonce qu’un groupe de travail composé de VNF, de la Compagnie nationale du Rhône, de l’association française des ports intérieurs, de plusieurs ports et de représentants de la filière des engrais a démarré des travaux le 1er mars. Parmi les pistes de travail, la cheffe de bureau évoque des modifications de l’arrêté du 29 mai 2009 relatif au transport de marchandises dangereuses par voies terrestres, mais aussi une clarification des différents règlements de navigation locale.
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