Travaux de maintenance : priorité au dépannage ou à la sécurité ?

06.04.2023

HSE

Les travaux de maintenance, très accidentogènes, ne doivent pas être dispensés d’une évaluation des risques. Plans de prévention et contrats de maintenance peuvent être de bons outils, estime l’INRS.

Une bonne maintenance des équipements de travail fait partie de la prévention des accidents du travail. Mais on y pense moins : les opérations de maintenance elles-mêmes peuvent causer des sinistres. Elles seraient à l’origine de 15 à 20 % des accidents graves et mortels, d’après les chiffres de l’INRS. Risques physiques (électriques par exemple), chimiques (lors des vidanges, notamment) et psychosociaux (forte pression temporelle) pèsent notamment sur ces travailleurs, qui pâtissent parfois de phénomènes de désorganisation, a posé Corinne Grusenmeyer, responsable d’études à l’INRS, lors d’un colloque que l’institut a organisé sur le sujet le 4 avril 2023. Ces activités doivent donc, elles aussi, faire l’objet d’une évaluation des risques et être accompagnées de mesures de prévention.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

Découvrir tous les contenus liés

Souvent, les tâches de maintenance sont soumises à des risques liés à la coactivité. Un arrêt de production peut être utilisé pour réaliser plusieurs interventions de maintenance au même moment sur la même zone. Une succession d’activités peut aussi être à l’origine d’un risque. Par exemple, deux entreprises interviennent sur la même machine à quelques semaines d’intervalle, sans que la seconde ne soit au courant de ce que la première a changé sur l’équipement. Le manque de communication est souvent le nœud du problème. Et pour preuve : "Parfois, le responsable de maintenance n’a pas connaissance de l’ensemble des entreprises de maintenance contractantes, gérées par le responsable de production ou le responsable achat", remarque Corinne Grusenmeyer. 

La maintenance s’opère de plusieurs manières : en interne par des techniciens spécialisés ou les utilisateurs des équipements eux-mêmes, en externe par un prestataire de maintenance voire ses sous-traitants, ou bien avec le vendeur de l’équipement qui assure le service après-vente. Certaines tâches sont réalisées en atelier, d’autres au milieu des utilisateurs. Faire réaliser une partie des tâches en interne permet de diminuer des risques. Cependant, "certaines opérations nécessitent une spécificité et une technicité telles que l’entreprise utilisatrice a forcément besoin d’un intervenant externe", observe Corinne Grusenmeyer. Il faut dire que la dénomination maintenance traduit un grand panel d’activités, amélioratives, correctives ou préventives, du simple changement d’ampoule à la visite décennale d’un réacteur nucléaire. La norme Afnor X 60-010 classe les actions de maintenance industrielle en différents niveaux. 

Clause de fin de travaux

Pour réduire les risques, rien de mieux que de dialoguer bien en amont, ont martelé plusieurs intervenants. À l’image de Thomas Nivelet, de l’INRS, qui pointe qu’avant de signer le contrat, les chargés d’affaires des entreprises de maintenance en visite peuvent déjà repérer et signaler les situations à risque. Le juriste fait aussi remarquer que le contrat de maintenance peut comprendre plusieurs éléments de prévention. "On peut y rappeler quels sont les corpus normatifs, juridiques ou techniques que l’on souhaite voir respecter, en y incorporant par exemple des référentiels de la Cnam, qui ne sont pas réglementaires mais qu’on impose en plus", recommande-t-il. Le code du travail n’impose rien à l’issue de l’opération de maintenance. Pourtant, les activités de déconsignation, de dépose, ou encore de tests sont connues pour être à l’origine d’accidents. Ainsi la Cnam préconise de faire figurer dans le contrat une clause de fin de travaux incluant notamment une visite de fin de chantier.  

Bien sûr, l’idéal est de penser à la maintenance dès la création de la machine. Mais nous en sommes encore loin. Non seulement les lignes de production ne sont pas conçues pour les opérateurs de maintenance, mais elles ne le sont parfois même pas pour les opérateurs de production, regrette Alain Jung, de la Carsat Alsace-Moselle, qui parle de "machines catalogue".  

Pressions du personnel de production 

De manière générale, Nicolas Lombard et Pierre-Yves Péchart, de la Carsat Nord-Est, posent la bonne – mais évidente – question : quelle est la priorité entre le dépannage et la sécurité ? Les contraintes financières gagnent parfois la partie et charrient avec elles des organisations de travail à l’origine de conditions de travail plus difficiles, voire des risques supplémentaires. Avant, les mainteneurs de la RATP itinérants intervenaient en gare en binôme. Ils sont maintenant seuls. Conséquence : en cas d’oubli d’outil dans leur camionnette, charge à eux de tout remballer pour retourner à l’extérieur, note Laurence Bard, leur médecin du travail. Ils sont désormais aussi seuls à gérer les sollicitations des voyageurs qui les interrompent régulièrement.  

Des mesures peuvent être prises pour mieux gérer ces sollicitations, plus ou moins insistantes et désagréables, du personnel de production notamment, pendant l’intervention. Chez Snop, producteur de pièces métalliques pour l’automobile, des responsables se chargent des relations avec le personnel de production pour éviter que ceux qui interviennent soient interrompus. Chez Airflux, spécialiste des fluides industriels, les salariés du service après-vente sont formés à la gestion du stress et à la communication. Aussi, lorsque la pression est trop importante, ils peuvent solliciter un coordinateur, dépêché sur place pour gérer le client et permettre au technicien de réaliser sa tâche dans de meilleures conditions. 

"Des grands groupes ont pris la mesure des risques, mais d’autres doivent encore prendre conscience des risques spécifiques liés aux activités de maintenance", observe Séverine Brunet. D’autant que de nouveaux risques apparaissent avec l’essor de la téléassistance, alerte la directrice des applications de l’INRS qui remarque que dans ces cas-là, il n’y a très souvent pas de plan de prévention, puisque pas d’intervention physique d’un salarié extérieur. L’analyse des risques n’est pas toujours bien faite, alors qu’elle reste importante, d’autant plus que la personne qui intervient n’a pas forcément de compétences en maintenance.  

Pauline Chambost
Vous aimerez aussi