Travaux publics : vous avez dit pénibilité ?

Travaux publics : vous avez dit pénibilité ?

19.02.2019

HSE

Les travaux publics possèdent désormais leur référentiel pour aider les employeurs à déclarer sur le compte professionnel de prévention de leurs salariés les facteurs de risque auxquels ils sont soumis. Il ne s'intéresse qu'aux températures et au bruit, et n'évalue pas la pénibilité des contraintes physiques telles que les postures.

La FNTP (Fédération nationale des travaux publics) s’est dotée d’un référentiel dit "pénibilité". L’arrêté d’homologation par la DGT a été publié le 9 février 2019. Soudeurs chaudronniers, cordistes, peintres... 190 000 salariés sont potentiellement concernés par la centaine de familles d’emploi étudiées. Principale conclusion se dégageant de ce "référentiel compte professionnel de prévention" – selon les termes de la réglementation issue des ordonnances Macron qui a préféré faire disparaître le mot pénibilité : le travail dans les travaux publics n'apparaît pas comme pénible. En tout cas, à regarder strictement les tableaux de synthèse des expositions réalisés, les travailleurs ne sont globalement pas exposés au-delà des seuils pour les facteurs d'exposition pris en compte si des mesures de protection sont prises. 

Les référentiels, élaborés par les organisations professionnelles des branches et homologués, aident les employeurs à déclarer l'exposition de leurs salariés aux facteurs de pénibilité. Ces référentiels homologués sont opposables, c'est-à-dire qu'en cas de contentieux, l'employeur qui les applique ne peut pas être pénalisé. Les branches ne sont plus tenues d'intégrer dans le référentiel les quatre facteurs supprimés du désormais compte professionnel de prévention (C2P) par les ordonnances Macron de 2017 (mais qui doivent quand même faire l'objet d'une négociation d'accord dans certains cas). 

 

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Pour l'exposition aux agents chimiques dangereux, Muriel Pénicaud, avait reconnu fin 2017, au moment de la ratification des ordonnances Macron, que le gouvernement n'avait "pas complètement fini le travail" et confiait à Paul Frimat une mission sur la question. 

Le rapport a bien été remis mais reste à ce jour sans suites. 

Restent obligatoires les températures extrêmes, le bruit, le travail en milieu hyperbare, de nuit, en équipes successives alternantes, et les gestes répétitifs. Agents chimiques dangereux, manutention manuelle de charges, postures pénibles et vibrations mécaniques peuvent être exclus. Contrairement à d’autres branches, la FNTP a donc choisi de ne pas les traiter.

"Il s’agissait de facteurs bloquants, notamment le risque chimique, parce que les textes n’étaient pas suffisamment clairs et prêtaient à interprétation", nous explique la FNTP.  "L’étude des facteurs ergonomiques n’était pas satisfaisante en raison de seuils complexes à évaluer dans des situations de travail très diverses", ajoute la fédération. Le travail réalisé sur ces facteurs, débuté avant la réforme, n'est pas public. "Cette partie pourra peut-être être utilisée pour mener des actions de prévention", imagine la même source. 

Températures 

Parmi les six facteurs obligatoires, "Nous avons examiné plus en détail deux d'entre eux : le bruit et les températures extrêmes", commente la FNTP. Elle renvoie les autres au "suivi individuel", une analyse à réaliser par l’entreprise, parce que le secteur "n'est pas fortement impacté" ou que les syndicats de spécialité qui ont travaillé sur le projet n'en auraient "pas connaissance". Un choix également opéré par le secteur de la blanchisserie, par exemple.

Pour les températures, aucune des 110 familles d'emploi n’est exposée au-dessus du seuil légal. Il faut dire que les conditions pour le dépasser sont drastiques. Il faut travailler sous les 5°C, ou au-delà des 30°C, pendant au moins 900 heures par an et sachant que les températures extérieures ne sont pas prises en considération. 

D'après les réponses de la fédération aux interrogations du Coct (conseil d'orientation des conditions de travail), qui doit être consulté dans le cadre du processus d'homologation, même les ouvriers travaillant sur l'application de revêtement de voirie restent bien en-deçà des 900 heures, "même si l’on considère des journées de travail plus longues durant les beaux jours", est-il souligné en annexe du référentiel.

Bruit

Pour le bruit, la FNTP différencie les protections "de niveau 1" qu'elle définit comme "d’usage courant au regard des procédés existants" et "considérées par l’ensemble des métiers de la profession comme habituelles" de celles de niveau 2, simplement définies comme "mesures de protection moins souvent mises en œuvre car plus sophistiquées mais parfois nécessaires pour éviter l’exposition".

Avec ces mesures de protection, aucune profession n'est exposée au-dessus du seuil. Pour la plupart celles "de niveau 1" suffisent. Choix d’équipements insonorisés, éloignement des sources de bruit, protection auditives… les mesures préconisées varient selon les postes. Pour sept professions, elles doivent être complétées par les mesures de "niveau 2". Le coffreur par exemple, n'est pas exposé au delà du seuil, essentiellement s'il porte des "protections auditives standards" entretenues. Le Coct a demandé des précisions sur les méthodes de mesurage ayant permis à la FNTP de préconiser des équipements de tel ou tel niveau d'atténuation de decibels. La réponse est assez evasive. 

Exemple de tableau de synthèse des expositions :

Capture d'écran issue du référentiel

Sécuriser les employeurs

"Pour apprécier l’exposition dans les cas de poly-activité, très fréquente sur les chantiers de travaux publics, la préconisation est d’appliquer la règle de l’activité principale effective, qui s’avère la seule réellement praticable", conseille simplement le référentiel. D’autres branches professionnelles ont opté pour une pondération. Dans ce cas, le diagnostic est établi pour une activité réalisée 100 % du temps et l’employeur pondère ensuite en fonction du temps de travail passé sur chaque activité.

Comme l'exposition au-dessus du seuil légal dépend des mesures de protection "il est difficile aujourd’hui pour la profession d’estimer le nombre de salariés qui pourraient faire l’objet d’une déclaration d’exposition", remarquent les auteurs du référentiel.  

En résumé, la branche a choisi de s'en tenir au dessein originel des référentiels : "le but est de faciliter les déclarations des employeurs et de les sécuriser", nous explique la FNTP. D'autres secteurs ont à l'inverse profité de cette opportunité pour faire un état des lieux de la pénibilité globale, et mettre en place un outil de prévention accessible pour les employeurs, y compris pour les quatre facteurs de risques professionnels qui ne sont plus à déclarer sur le compte professionnel de prévention, plus difficiles à étudier. 

 

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HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pauline Chambost
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